2. Trajet en musique

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 Agathe marche tranquillement sur le petit sentier de graviers. Les allées sont entourées d'arbustes couvert de baies, et les buissons d'azalées ont fleuri. La ville dans laquelle elle vit est jolie, assez tranquille aussi, et Agathe ne regrette pas de s'être installée ici. À cet instant précis, elle ne sait pas où elle va ; elle se contente de marcher en suivant le chemin. Elle croise quelques personnes, matinales comme elle, qui la saluent et lui sourient, sa vieille voisine qui promène son chien, et qui, n'entendant plus très bien, se contente d'un signe de la main, ainsi qu'un couple en train de faire son jogging en discutant, un peu à bout de souffle, du prénom qu'ils donneront à leur futur enfant.

 Et puis Agathe arrive dans la partie plus animée de la ville, où les bruits sont un peu moins plaisants. Elle sort ses écouteurs de son sac et les enfonce dans ses oreilles, puis elle met la radio, histoire de s'informer un peu.

 D'abord il y a la météo, qui s'annonce bonne un peu partout sur la carte, puis le présentateur parle des destinations touristiques les plus prisées du moment, de l'augmentation du prix des sorbets vanille-citron – les meilleurs, d'après Agathe, qui espère ne pas avoir à faire une croix dessus cet été –, des différentes annonces gouvernementales à venir, des événements sportifs et culturels en cours de préparation, d'une invention révolutionnaire qui permettra à l'Homme de se rendre, un jour peut-être, sur Saturne, et d'y faire pousser des carottes, des tomates et du thym... Des informations toutes plus intéressantes les unes que les autres, mais qui n'intéressent pas vraiment la fleuriste.

 Alors elle change de station une première fois, mais tombe sur un reportage sur ladite invention qui permettra de cultiver Jupiter ou elle ne savait déjà plus quelle planète, et elle change donc de nouveau. Elle a plus de chance cette fois-ci, puisqu'elle tombe sur une station de musique, et la chanson qui passe est l'une de ses préférées – peut-être même est-ce celle qu'elle préfère.

 My shadow's the only one that walks besides me

 My shallow heart's the only thing that's beating

Sometimes I wish someone out there will find me

 'Til now, I walk alone

 Elle fredonne sur l'air et sourit de plus belle. Son deuxième bonheur de la journée, c'est ça : tomber par hasard sur une musique qu'elle adore. Elle oublie les annonces gouvernementales, les carottes extra-terrestres, les matchs et tournois prévus cet été, et se concentre uniquement sur les paroles et l'air de la chanson, qu'elle sait qu'elle aura en tête toute la journée, à présent. Agathe fera encore rire ses clients parce qu'elle sifflote différents airs à la suite qui n'ont pas de lien entre eux, et certains la charrieront également sur sa prononciation de l'anglais. Mais ça n'a pas d'importance ; voir ces gens sourire grâce à elle lui met du baume au coeur, et c'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle travaille dans une boutique – voir des gens, discuter avec eux, avoir des clients réguliers dont elle prend des nouvelles à chaque fois, sans se montrer non plus trop envahissante ou insistante...

 Tout en pensant à cela, elle déambule dans les rues de la ville, qui commence, petit à petit, à s'éveiller et donc à s'animer. Des bus passent, mais à cette époque-là de l'année ils sont presque vides ; d'ici deux mois, ils seront de nouveau, dès cette heure-ci, chargés d'étudiants et élèves qui se rendent en cours, ainsi que de parents qui accompagnent leurs plus jeunes enfants à l'école. Ce genre de souvenirs paraît loin à Agathe, et la musique un peu mélancolique qui passe au même moment à la radio renforce cette impression.

 Sur sa gauche défilent des boutiques, qui pour la plupart ne sont pas encore ouvertes – Agathe lance quelques regards aux articles, qui sont en grande majorité, dans cette rue-là, des décorations d'intérieur et des chaussures, exposées devant les volets et grilles encore clos. Les seuls lieux déjà ouverts sont en fait les bars, qui commencent leur service tôt pour permettre aux gens de venir y petit-déjeuner, certainement. Des odeurs de café, de chocolat chaud et de viennoiseries envahissent d'ailleurs déjà la rue. La nouvelle chanson qui passe, de nouveau, s'accorde parfaitement avec le contexte, puisqu'il s'agit de Breakfast At Tiffany's des Deep Blue Something.

 Le fond musical, qui semble presque ne pas avoir été choisi au hasard, donne ainsi à Agathe la sensation d'être dans un film dont elle serait l'héroïne ; cette pensée la fait sourire et elle se dit qu'elle a peut-être, après tout, encore une âme de gamine.

 Si Agathe a décidé de voir le monde autrement, d'une manière plus positive qu'avant, et d'envisager la vie différemment, c'est parce que justement elle a failli la perdre il y a maintenant un certain temps, au cours d'un violent accident.

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