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Ellie avait le cœur au bord des lèvres.
« J’aurai dû me remettre au sport » pensa-t-elle penchée en avant, les mains sur les genoux en essayant de calmer son souffle. Les quelques passants qui arpentaient le parc où elle avait trouvé refuge la dévisageaient tantôt avec inquiétude, tantôt avec froideur. Elle se sentait ridicule, exposée ainsi aux regards. Avisant un banc à quelques pas, elle alla s’assoir, se maudissant intérieurement de sa panique. Vingt-trois ans sonnés, et elle détalait comme une gosse devant le croque-mitaine imaginaire du placard.
Loin de la foule, au calme sous le faîte des arbres, sa réaction lui semblait de plus en plus démesurée. Elle n’était même plus sûre de la ressemblance entre l’homme qui l’avait bousculée et celui de son rêve. Ce foutu rêve qui lui collait encore aux basques, tel des toiles d’araignées collantes et poussiéreuses. Non, elle en était – presque – sûre : son esprit lui avait joué un sale tour tout à l’heure, rien de plus. Elle prit une grande inspiration, qui se coinça dans sa gorge. L’inconnu venait de réapparaître dans son champ de vision. Il regardait de gauche à droite en tournant sur lui-même ; Ellie envisagea de quitter le parc précipitamment, mais à l’instant où cette idée se formait dans sa tête, il la vit. Il avança vers elle, prudemment, comme s’il craignait en effet de la voir prendre ses jambes à son cou une seconde fois.
« Tout va bien, Ellie, se sermonna-t-elle. C’est un mec comme les autres. T’as fait tomber un truc ou il veut savoir pourquoi tu t’es barrée comme si c’était un serial killer. Rien à craindre. »
- Je peux ? demanda-t-il en désignant le banc.
Ellie déglutit et essaya d’adopter un ton désinvolte.
- Oui, bien sûr. Je…, elle s’éclaircit la gorge pour affermir sa voix, je dois y aller de toute façon.
Tout en se levant pour partir, elle observa ses traits. La ressemblance était là, mais moindre que ce qu’elle avait cru tout d’abord ; son expression était plus douce, plus délicate, que dans son rêve. Elle se sentit plus légère, et arriva même à sourire.
- Désolée pour tout à l’heure. Je ne sais pas ce qui m’a pris.
- Ton rêve, lâcha-t-il tout à trac. C’était à cause de ton rêve, je me trompe ?
La chappe qui lui serrait la poitrine revint avec plus de force.
- Quoi ?
- Ellie, il faut qu’on parle. Tu devrais t’assoir.
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