Chapitre 7
La fête avait été une véritable réussite, bien qu’Elisa et Caleb l’aient quittée en cours de route.
Gavin n’était pas non plus restée. Elle s’était perdue dans la foule, cherchant à fuir à son tour pour ne pas affronter le regard sombre du chevalier Kirley.
Cependant, ce dernier était bien décidé à la retrouver pour comprendre son changement soudain de comportement. Cette tristesse et cette peur qui ne l’avait plus quitté depuis qu’il l’avait fait partir de sa chambre.
Il ne savait pas ce qu’il se passait et avait envie… besoin même, de savoir.
Il la poursuivit à travers les couples qui dansaient dans la grande salle, sous les rires et les exclamations du couple royal qui rendaient tout le monde euphorique.
Thomas en bouscula quelques-uns qui lui jetèrent des regards mécontents, mais l’air sombre et fermé de l’homme les dissuadait de prononcer le moindre mot, s’écartant de son chemin pour le laisser passer.
Il l’aperçut près du couple royal et vit le Roi lui lancer un regard à demi inquiet et à demi souriant.
Quant à la Reine, son cœur se serra.
Son regard était certes bienveillant, mais la lueur de panique totale le mit sur ses gardes. Il s’approcha et la vit déguerpir encore plus vite pour quitter la salle et fuir le plus loin possible de sa personne, le laissant dans l’incompréhension.
Il la retrouva dans la bibliothèque, coincée entre plusieurs rayons bourrés de livres poussiéreux.
Elle tremblait, recluse près d’une des fenêtres donnant sur la cour.
S’entourant de ses bras, elle se frictionnait pour se donner un peu de chaleur, mais cherchait surtout à faire disparaître ses tremblements.
Le bruit des pas du chevalier résonnait dans la pièce vide. Son odeur de cuir et de bois de santal parvint jusqu’à elle, la faisant paniquer. Mais elle n’avait plus aucune échappatoire, elle devait l’affronter et elle le savait, bien qu’il redoutait plus que tout sa réaction.
— Milady… murmura-t-il en venant poser ses larges mains calleuses sur ses épaules, les faisant glisser sur ses biceps qu’il enserra, lui procurant une certaine chaleur.
Gavin ferma les yeux, prenant une grande inspiration avant de se tourner vers lui, affrontant son regard sombre.
— Que se passe-t-il ? demanda-t-il d’une voix profonde et douce.
Ses yeux émeraude se levèrent pour croiser les siens. Ce qu’il vit en eux lui donna envie de la serrer contre lui et promettre qu’il la protégerait jusqu’à la fin de leur vie, qu’il…
— J’ai un secret, Messire, entendit-il soudainement. Et une fois que je vous l’aurai dit, vous ne voudrez plus m’approcher et je devrai m’exiler.
La colère du chevalier fut si flamboyante que Gavin prit peur. Se ressaisissant, il lui prit la main et la guida pour rejoindre la chambre qu’il l’avait incitée à fuir en début de soirée.
Il ferma la porte et ne bougea plus. Elle était blanche, presque transparente, inquiétant grandement Thomas.
— Dites-moi, Milady. Je veux savoir ce qui vous fait si peur.
— Vous, Messire.
Cette réponse, aussi franche que faiblement exprimée, le figea, lui faisant froncer les sourcils. Devait-il faire quelque chose pour lui prouver que quoi qu’elle puisse lui avouer, rien ne changerait les sentiments qu’il avait pour elle ?
Une petite main fine le tira pour le diriger vers le lit et l’y faire asseoir.
Silencieux, Thomas se laissa faire, regardant la jeune femme debout face à lui qui ne savait plus comment agir.
— Je-
— Non ! S’exclama-t-elle, le regard translucide de peur. Surtout ne dites rien, Messire. Ce… Ce que je m’apprête à vous dire est un très lourd secret. Et pour que vous me croyiez, il faut que je vous le montre.
Intrigué, il se tint droit.
— Mais que… que faites vous ?! s’écria-t-il, alors qu’elle commença à se dévêtir.
— F-Fermez les yeux, s’il vous plaît. J-Je vous en supplie.
Après un moment d’hésitation, Thomas céda. Seul le bruit des vêtements qui se froissaient perturbait le silence de la chambre.
Sa curiosité était omniprésente, mais il dut se faire violence pour ne pas effrayer la jeune femme qui semblait complètement paniquée et peu sûre d’elle.
— Vous… Vous pouvez ouvrir les… les yeux… Sa voix était mal assurée, ce qui le fit hésiter.
Voulait-il vraiment savoir au risque de la voir prendre la fuite ? Voulait-il la blesser en ignorant un secret qu’elle s’apprêtait à partager avec lui, sans être assurée que le chevalier ne réagirait pas mal et ne la verrait pas différemment ?
Petit à petit, Thomas ouvrit les yeux et la découvrit nue, au milieu de ses atours.
Sa première réaction fut de chercher de quoi la couvrir, mais un détail attira son regard sombre.
Celui qu’il connaissait plus que bien pour avoir le même sur son propre corps.
— Vous…
Alors que son regard quittait cet organe pour se ficher dans ses yeux, il comprit enfin.
Tremblant, le jeune garçon qui lui faisait face conta son histoire, les larmes brouillant sa vue.
Thomas fit exploser sa colère. Cette famille avait osé bafouer ce garçon qui avait dû vivre en trompant le monde pour cacher son corps, alors qu’il avait simplement envie de vivre en étant ce qu’il était à l’origine, un garçon.
Mais voilà, Gavin fondit en larmes, se laissant tomber au sol, comprenant que Thomas le jugeait et avait effectivement changé radicalement son regard sur lui.
Gavin pleurait en silence, tenant son corps entre ses bras frêles. Comprenant son erreur, Thomas se leva et vint le soulever dans ses bras. Il cala son petit corps contre lui, caressant son dos tremblant.
— Veuillez me pardonner, Milady, murmura-t-il. Je ne m’attendais pas à ce que vous me fassiez à ce point confiance pour me dévoiler cette affaire.
Le visage en larmes caché dans le creux de sa nuque solide, Gavin l’écouta, espérant et espérant encore…
— Je suis furieux, mais point contre vous, ma douce, dit-il tout en lui caressant les cheveux. Votre famille n’aurait jamais dû vous faire subir tout ceci. Ma colère n’est point tournée vers vous…
Son visage se releva pour le dévisager. Thomas passa son pouce sur ses pommettes, essuyant les perles salées qui continuaient à glisser.
— Ne me trouvez-vous point repoussant ? osa demander Gavin dont le regard brillait d’espoir.
— Vous ? Repoussant ? Je ne vous ai jamais trouvé repoussant, que vous soyez homme ou femme. Je ne puis vous quitter des yeux sans en ressentir de la tristesse et un grand vide dans mon cœur ! Gavin, sachez qu’à mes yeux, vous êtes la créature la plus énigmatique et la plus belle qu’il m’ait été donné de rencontrer de toute mon existence.
Le regard vert foncé s’éclaira d’une toute nouvelle lumière qui comprima le cœur de Thomas.
Avait-il eu peur d’être rejeté après avoir dévoilé sa véritable identité ?
Il avait en effet droit d’avoir peur. Thomas ne se serait jamais attendu à une telle chose et encore moins à ressentir un profond désir après avoir vu ce corps dénudé. Cet organe dénué de poils s’était retrouvé exposé à son regard enfiévré et il n’arrivait plus à se le sortir de la tête. La peau douce, qui se collait à lui comme un naufragé en pleine mer déchaînée, lui donnait terriblement chaud.
— Je suis fou de vous depuis le premier jour, avoua Thomas dans une voix qu’il ne reconnaissait pas lui-même, tant elle était rauque. Savoir ce que vous êtes ne changera rien à mes sentiments pour vous. N’avez-vous jamais connu un quelconque répit ?
— Uniquement la nuit quand je suis seul dans ma chambre, sans personne autour, ou alors avec Elisa. Elle connaît ma condition depuis que nous sommes enfants et ne m’a jamais jugé ni laissé tomber depuis.
— Voilà une amie fidèle, sourit-il en plongeant son regard dans le sien, ne pouvant se détourner de cette lumière qui le rendait fou.
— Si fait, répondit le jeune garçon contre lui en souriant avec chaleur. Elle a toujours été un soutien pour moi et d’un courage sans faille. Mon père n’a jamais été tendre avec nous deux. Si je n’étais pas intervenu, il aurait pu la…
Sa voix se brisa dans des souvenirs visiblement bien plus sombres que Thomas ne l’aurait cru. Il tint contre lui ce corps qu’il devait recouvrir avant de lui faire mal sans qu’ils ne soient prêts tous les deux. Il se devait de se renseigner, afin d’offrir à Gavin tout son cœur et son corps.
Soudain, il le sentit peser contre lui. Baissant son visage, il le trouva endormi. Thomas soupira. Il tenta de le rhabiller au moins de sa chemise et de ses dessous, puis l’allongea dans le lit, prenant bien soin de ne pas le réveiller. Il déposa le reste de ses affaires sur le coffre et sortit, afin de trouver Caleb. Si Elisa était avec lui, elle avait dû se livrer au chevalier sauvage. Aussi devait-il avoir une conversation avec le couple, afin de savoir à quoi s’attendre. Il passa devant quelques portes, puis toqua à celle de son ami.
Il entendit gronder, puis des pas lourds firent craquer le bois du sol jusqu’à ce que la porte s’ouvre face à un Caleb, nu…
— Oh, Thomas ?
— Désolé de te déranger, mon ami, mais je dois vous parler, à Dame Elisa et à toi.
— Comment sais-tu que…
— Sire Caleb ?
La voix à moitié endormie de la jeune femme retentit derrière lui. Il jeta un regard à son ami, puis le fit entrer.
— Couvre-toi, ordonna ce dernier, alors que Thomas refermait le lourd panneau de bois.
Quand elle vit qui venait de perturber leur sommeil, Elisa attrapa les draps, montrant une vive inquiétude.
— Si fait. Je dois avouer avoir été surpris, mais Gavin m’a tout raconté. Je suis si furieux.
Elisa baissa la tête et se confondit en excuses. Soutenue d’un bras par son compagnon, elle versa quelques larmes.
— Ne vous blâmez pas, intervint Thomas. Je ne suis furieux ni contre vous ni contre Gavin, mais bien contre la famille de ce dernier. Je ne suis pas venu ici vous déranger pour faire état de ma colère. Je voudrais vous demander quelque chose…
Thomas fut gêné et le montra en se grattant l’arrière de la tête.
Quand il posa la question qui lui brûlait les lèvres, Elisa ouvrit en grand ses yeux. Rouge écarlate, elle bredouilla sous le regard amusé de Caleb qui ne s’était pas retenu de rire.
— Je peux effectivement voir si nous avons ce livre avec nous, dit-elle en souriant.
— Je vous en remercie, Milady. Je m’excuse d’être venu vous importuner, mais je me pose plein de questions et je cherche des réponses.
— C’est tout à fait compréhensible, Messire ! s’exclama Elisa en agitant ses mains devant elle.
Il leur souhaita une bonne nuit, non sans lancer un clin d’œil à son ami, puis quitta la chambre pour retourner dans la sienne et découvrir Gavin toujours endormi sous ses draps.
Le visage du jeune garçon lui serra le cœur. Thomas se défit de ses vêtements pour aller, uniquement vêtu de ses braies, se glisser sous les draps.
Il se plaça derrière Gavin qui, instinctivement, se retourna pour venir humer son odeur de mâle, frottant le bout de son nez contre sa clavicule, ce qui fit sourire Thomas, plaquant sur sa taille un bras fort et ferme. Il sentit un petit pied se glisser entre les siens.
— Dieu que vous allez me tuer… soupira-t-il en déposant un baiser sur le front du garçon qui se serra contre lui.
Ainsi encerclé par le corps puissant du chevalier, Gavin feula d’aise et sourit.
Le sommeil fut si doux, si plaisant, qu’il crut que c’était un rêve, mais à son réveil, un poids contre lui lui fit retourner la tête et découvrir le chevalier qui faisait battre son cœur. Il était là, contre son dos, l’emprisonnant dans ses bras et ses jambes, comme une prise jalouse sur lui, ne voulant pas le laisser partir.
Un coup d’œil à la fenêtre lui apprit qu’ils étaient encore en pleine nuit. Le jour était bien loin, aussi Gavin se retourna pour faire face à cet homme qui ouvrit la bouche pour lui murmurer :
— Rendors-toi, Gavin…
— Désolé, t’ai-je réveillé ?
— Hm… Je t’ai senti bouger.
— Tu as le sommeil beaucoup trop léger, fit-il remarquer en souriant.
[…]
Quelques jours plus tard, Thomas et son groupe furent envoyés en patrouille dans une région au Nord de l’Angleterre, laissant Elisa et Gavin seuls.
La Reine eut la merveilleuse idée de partir en voyage vers une certaine église qu’elle prenait plaisir à visiter chaque année.
Le Roi était peu rassuré. Son instinct lui dictait qu’il valait mieux ne pas la laisser partir seule. En femme sérieuse et attentive, la Reine demanda à ce que le groupe de chevaliers rentrent, afin de pouvoir l’escorter et ainsi apaiser le cœur du monarque.
Cependant, les cinq ne rentrèrent qu’un mois plus tard, reportant le départ de la Reine.
Gavin entendait ce qu’il se disait sur lui, dans son dos. À mesure que le temps passait, des rumeurs sur le fait qu’il serait une enfant abusée avait fait le tour du château en un rien de temps.
Elisa s’était efforcée de ne pas laisser son ami sombrer. Mais sans le soutien de leurs compagnons, les deux amis se savaient encerclés et abandonnés.
Caleb et Thomas se sentaient seuls, alors qu’ils avaient leurs amis près d’eux. Pourtant, un vide s’était formé quand ils durent partir à la frontière nord. Ce vide n’avait de cesse de grandir à mesure que les jours passaient. Cane s’en inquiéta et décida de poser la question à Thomas, mais quand son regard se posa sur son ami, il y vit une grande peine et un désintérêt soudain pour ce qu’il faisait.
— Il faut nous rentrions ! annonça Tristan, la mine sombre. J’ai reçu un message du Roi, il a besoin de nous pour escorter la Reine. Thomas, tu dois rentrer en urgence. Dame Gavin a besoin de toi.
À l’entente de ce nom, ce dernier se raidit, jetant un regard paniqué à son ami qui lui tendit une missive. Tremblant, les yeux fixant le sol, il transmit la lettre à Caleb qui poussa un grondement si fort que la terre se mit à trembler.
— Nous devons y aller.
Thomas se trouvait déjà à cheval, tandis que son ami déchirait le papier et le jetait au feu. Il leur fallut près de quatre jours pour rejoindre le château.
Dans la cour, on se pressa pour les voir arriver, scandant leurs noms à chacun. Les femmes s’agglutinèrent, afin de pouvoir espérer un regard ou un sourire de leur part. Mais rien…
Pas même Erik ne sourit, ce jour-là. Aucun d’eux ne le fit. Le visage dur, les traits tirés et la fureur illuminant leurs yeux, tout en eux transpirait la haine contenue.
Alors qu’ils mettaient pieds à terre, Caleb aperçut Elisa accourir, complètement affolée.
— Sire Caleb !
— Elisa.
Elle se précipita vers lui. Il la rattrapa au vol et la serra contre son large corps.
— Sire Thomas, Dieu merci, vous êtes revenu. Gavin est enfermé dans votre chambre et refuse d’en sortir. La Reine a essayé d’atténuer les rumeurs, mais son père est arrivé il y a quelques jours pour demander à ce que Gavin retourne au domaine pour épouser Henri et révéler toute l’histoire à la cour !
Prise de panique, la jeune femme se cramponna à son compagnon quand il comprit que tout le monde pouvait entendre ce qu’elle leur disait.
Cachée contre son torse, Elisa tremblait.
— Il faut la sauver… avait-elle murmuré.
— Prends soin d’elle, dit ce dernier en confiant les rênes de son cheval à Cane pour partir en courant.
Des cris outrés se firent entendre quand il bouscula quelques personnes sur son chemin, trop inquiet pour y faire attention. Il n’avait qu’une idée en tête, retrouver le jeune garçon bloqué dans ses appartements.
Devant sa porte se trouvait le père de ce dernier qui toquait comme un fou. Les gardes du Roi tentaient de le calmer et de l’éloigner de la porte, mais rien n’y faisait. Il était bien trop imposant pour eux.
— Il suffit ! hurla le chevalier en bousculant ce dernier qui tomba lourdement sur le sol.
— Qui êtes-vous pour oser me pousser ainsi ?! hurla l'homme visiblement bien trop soumis aux effets de l’alcool.
— Ne me reconnaissez-vous point ? Je suis le fiancé de votre fille ! gronda ce dernier.
— Th-Thomas ? fit une petite voix derrière la porte.
— Princesse, éloignez-vous de la porte, j’entre.
Ni une ni deux, il donna un coup de pied pour faire sortir la porte de ses gonds. Un petit cri terrifié lui fit tourner la tête vers le lit. Il le trouva planqué derrière, recroquevillé sur lui-même, le visage baigné de larmes.
— Gavin…
Ils se précipitèrent l’un vers l’autre pour se serrer dans les bras. Le corps de Gavin tremblait de peur, tandis que lui retenait des grondements plus menaçants les uns que les autres.
— Ah ! Te voilà ! s’égosilla le Comte en pénétrant d’un pas mal assuré dans la chambre du chevalier.
— Je vous interdis d’entrer dans mes appartements ! Sa Majesté vous a fait grâce de confier votre fille à la Reine, mais en aucun cas il n’a été question qu’elle épouse quelqu’un d’autre que moi ! tonna la voix du chevalier plus qu’en colère. Faites sortir le Comte et enfermez-le dans la prison du château. Le roi m’accordera une audience, demain.
— Bien, Messire.
Les gardes durent s’y mettre au moins à dix pour le maîtriser et le faire partir. Thomas souleva Gavin pour l’emporter vers la chambre de Caleb, sachant qu’Elisa s’y trouvait.
— Thomas !
— Gavin…
— Il va bien. Puis-je te le confier le temps que je répare la porte de ma chambre et que je parle au Roi ?
— Bien sûr. Veux-tu que je t'accompagne ?
— Non, ne les laisse pas seuls. Je reviens très vite.
Il déposa le jeune garçon sur le lit. Il fut accueilli par son amie qui le prit dans ses bras, le consolant du mieux qu’elle le put.
Thomas s’approcha, déposa un baiser sur le front de Gavin et lui murmura :
— Attends-moi ici, je reviens vite.
— Thomas…
D’un baiser passionné, il le fit taire, puis partit en trombe vers le bureau où il savait pouvoir trouver le couple Royal.
— Sire Thomas ! s’exclama la Reine un sourire faux et figé sur son visage, ce qui alarma Thomas.
Il s’inclina face à ses Seigneurs, puis avisa la mère de son compagnon qui se trouvait là, assise telle une grande Dame.
— Bien sûr, fit le Roi. Demain à la première heure, l’audience se tiendra devant la cour.
Thomas quitta précipitamment le bureau pour retourner à sa chambre et replacer le panneau de bois massif qui se trouvait par terre. Il fut aidé d’un autre chevalier qui passait par là et, à eux deux, purent le remettre et vérifier qu’elle fonctionnait encore assez bien pour bloquer n’importe quel intrus.
Puis il retourna vers la chambre de son ami pour y récupérer son compagnon qui se leva d’un bond quand il entra. Thomas souleva Gavin qui se cramponnait à lui, refusant de s’en éloigner.
— Merci, Lady Elisa. Merci d’avoir tenu bon.
— Gavin est mon ami, lui rappela-t-elle avec douceur.
— Tu es une femme courageuse, ma belle ensorceleuse, lui dit Caleb en l’entourant de son bras, la calant contre son torse.
— Elle est à l’image de son compagnon, lança Gavin entre deux sanglots.
Des rires fusèrent dans la pièce, puis plus rien. Gavin se retrouva dans un bac d’eau chaude, parfumée à la lavande, collé contre le torse large et puissant de son compagnon qui le tenait dans ses bras.
— Je suis là, murmura cette voix basse et grave que le jeune homme aimait par-dessus tout. Je suis rentré.
— T’a-t-on dit ce qu’il s’était passé ?
— Si fait. Mais rassure-toi, le Roi me donnera raison et tu seras libre.
Il le sentit se raidir d’un coup contre lui.
— Libre ?
— Oui, libre d’être qui tu veux… avec moi.
Gavin sentit son cœur battre la chamade. Il leva son visage vers le chevalier dont la mâchoire dure lui donna des envies.
— Gavin, garçon ou fille, je me moque bien de ce que tu es, tant que tu es à moi.
— Thomas, je…
— Depuis ce jour-là, je m’interroge, tu sais. Qui es-tu ? Pourquoi ne puis-je pas me sortir tes yeux de la tête ? Pourquoi mon esprit ne voit-il que toi en boucle ? Pourquoi mon cœur me crie-t-il de te prendre, alors que je ne te connais que peu ?
Cette déclaration n’avait rien de romantique, mais était plutôt une succession de cris et de questions qui le perturbaient. Il extériorisait tout et lui montrait qu’il tenait à lui de la plus belle des manières.
— M’aimes-tu ? osa demander le jeune garçon.
— Si fait. Et c’est bien la première fois que je ressens cela pour quelqu’un.
Gavin ferma les yeux, se laissant aller contre le torse puissant dont il percevait les battements lourds et forts contre son dos, faisant écho aux siens.
— Demain, il y aura une audience devant la Cour du Roi, annonça-t-il sombrement.
— Dois-je y assister ?
— J’aurai préféré le contraire, mais malheureusement, oui. Il va falloir te préparer à voir ton secret être exposé. Je ferai en sorte que ça ne le soit pas si tu ne le veux pas.
Le garçon baissa la tête, en proie à des interrogations.
Devait-il se dévoiler ? Voulait-il imposer à Thomas une vie avec lui et non avec elle ? Que penseraient les gens s’ils découvraient qu’au final, il n’était point une femme, mais bel et bien un garçon travesti pour cacher son physique délicat ?
Une main ferme lui emprisonna le menton et le lui releva pour croiser son regard.
— Gavin, un simple mot et j'exécuterai tes demandes. Dis-moi ce que tu veux que je fasse.
— Je… Je ne sais pas. Si mon secret est dévoilé, que penseront les gens de toi ? T’être entiché d’un garçon et non d’une femme… Je ne veux point te mettre dans l’embarras, je-
— Jamais ! Quand bien même ça jase sur mon choix de compagnon de vie, je m’en moque totalement. Je veux juste ne pas te voir malheureux.
— Si je décide de rester tel que je suis maintenant, ne le regretteras-tu pas ?
— Regarde-moi.
Gavin leva son visage vers l’homme imposant qui captura durement sa bouche, faisant glisser sa
langue sur la sienne pour les mêler avec délice.
— Je ne veux que toi et ton bonheur, dit-il contre sa bouche.
— Je suis à toi.
— M’aimes-tu ?
— Si fait, Messire. Je t’aime.
Thomas poussa un grognement sourd, faisant frémir le jeune garçon qui se suspendit à son cou.
— Allons nous reposer. Demain à la première heure se tiendra l’audience. Après cela, je nous ramènerai chez moi.
— Mais la Reine veut partir en voyage !
— Plus maintenant.
Sans efforts, Thomas le souleva dans ses bras et les fit sortir du baquet pour s’essuyer dans de grands linges rugueux, puis chacun mit sa chemise. Thomas enfila ses braies sombres, puis ils se glissèrent dans les draps, l’un contre l’autre.
— Demain, murmura Gavin. Je resterai femme.
— Qu’il en soit ainsi, douce femme, ironisa Thomas en lui embrassant la tempe.
***
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