Semaine 11 - Au temps en emporte que dal, Partie 1
Plus qu’un jour décevant dont elle a l’habitude, cette journée fut sans aucun doute la plus sombre de Louise depuis un long moment.
Ses yeux encore embué, elle contemple quelque chose d’imperceptible dans le vide absolu.
Aucune douleur physique, aucun mauvais sort classique de ce que certains appellent le destin n’est à l’origine du profond mal-être qu’elle ressent en ce moment.
Cette vive douleur fut provoquée par la lecture d’un manuscrit.
Cette soirée est décidément à l'opposé de sa matiné. En effet, la journée avait plutôt bien débuté.
En ce levant ce matin, la première chose réalisé par Louise fut la relecture des dix premières pages de son roman. Elle devait les apporter à un éditeur Parisien dans la matinée. Elle avait essuyé bon nombre d’échecs dans le domaine de l’écriture : tous se caractérisaient par le refus de publications de diverses maisons d’éditions. Son infatigable passion lui empêchait de baisser les bras face à ses insuccès.
Malgré divers moments de doutes et de désillusion inévitables (et légitimes), la flamme brûlait toujours. Louise apprenait de chacune des erreurs signalées par les professionnels, et modifiait ses récits en conséquence. Elle restait persuadée d’une chose : tous son long travail finirait un jour par être révélateur de ce qu’elle avait toujours voulu être, une romancière publiée.
Oui, elle finirait bien par y arriver.
C’est donc requinqué d’espoir qu’elle se rendit déterminée à son rendez vous.
Une fois sur place, elle constata que l’extérieur de la maison d’édition arborait un style baroque, contrastant avec l’intérieur bien plus moderne. Louise patienta un moment dans le corridor faisant office de sal d’attente. Ses yeux se posèrent sur une petite table rustique et sur les magazines qu’elle contenait, mais ils ne retinrent pas son intention. Après quelques minutes d’attente, la porte du bureau de celui avec qui elle allait bientôt s’entretenir s’ouvrit, laissant sortir ce dernier ainsi qu’une vielle connaissance : Camille Jourdin. Tous les deux échangèrent une poigné de main chaleureuse.
L’homme de la maison d’édition indiqua à Louise qu’il la recevrait dans un instant, après quoi il se dirigea vers l’accueil, sans doute pour résoudre un point administratif. Camille quant à lui, reconnu Louise, lui présenta un grand sourire amicale avant de s’avancer vers elle et d’entamer la conversation :
- Louise Dubois ! Du lycée Charlemagne !
- Salut Camille, répondit timidement Louise, encore surprise de revoir cet ancien camarade en un tel endroit.
- Ça fait combien de temps qu’on ne s’est pas vu ?
- Ho, quelque chose comme dix ou douze ans.
S’ensuivirent les traditionnelles « Comment vas-tu » « Que deviens-tu » « Ha, toi aussi tu écris ?»
À la suite de cet échange, Louise remarqua que son ancienne connaissance avait changé de façon de s’exprimer. Plus éloquent et moins jargonneux, la différence était tangible. Mais surtout, elle apprit que Camille venait présenter son tout premier roman fraichement conclus:
- Monsieur Girard a vraiment apprécié !
Louise ne put retenir une certaine jalousie vis-à-vis de l’écrivain en herbe. Elle le félicita, non sans un certain effort. Elle le questionna alors, pour se rassurer :
- Tu as du travailler dur pour en arriver là.
Camille s’exprima avec une moue désinvolte et souriante :
- Pas tant que ça. Je me suis lancé, j’ai écrit, je me suis relu et puis… Et puis me voilà quoi !
- C’est la première maison d’édition où tu mets les pieds ?
- Infirmatif ! Lança t-il sans lâcher son sourire ravis.
Sans nécessairement tomber des nus, Louise fut ébahi de ce qu’elle venait d’apprendre. Ce type qu’elle n’avait pas vu depuis plus d’une dizaine d’année et qu’elle n’avait jamais ne serait-ce que soupçonné de pencher pour l’écriture, venait d’accoucher d’un récit qui plaisait fortement à un éditeur.
- Tu vas être publié ? Lâcha-t-elle bien plus sèchement qu’elle ne l’aurait voulu.
- En fait, débita Camille surpris du ton de son interlocutrice, monsieur Girard doit parler de mon roman avec je ne sais qui de la boite. Il a dit qu’il me recontacterai rapidement.
- D’accord.
C’est fou à quel point cette nouvelle pu soulager la romancière en doute.
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