Johany avait apprécié sa visite de la veille et faire le touriste, mais il n'oubliait pas la raison profonde de sa présence au Laos, malgré les difficultés qu'il commençait à rencontrer pour mener à bien sa quête.

Il s'interrogeait sur la façon dont il devrait désormais procéder pour tenter de trouver des indices, ou n'importe quoi, une trace qui le mènerait sur la piste prise par sa mère vingt ans plus tôt.

Il savait si peu de choses sur elle que l'immensité de sa tâche rendait dérisoire sa vaine tentative de la veille. Il ignorait si Lucie avait refait sa vie au Laos avec un local, si elle était restée trois jours ou trois mois dans le pays ou si elle était encore en vie, d'ailleurs.

Se rattacher à la dernière trace que ses parents adoptifs avaient eu d'elle était son seul espoir, mais il avait l'impression d'avoir commencé un jeu de piste impossible à terminer, dont les milliers de chemins s'entrecroisaient ou s'éloignaient trop loin pour lui.

Johany avait décidé, ce jour-là, d'interroger le personnel à l'accueil de son hôtel, pour essayer d'en savoir plus sur la conservation des registres relatifs aux données des clients.

Malheureusement, comme il s'y attendait, personne n'avait été en mesure de lui fournir un document datant de plus de douze ans, et de toute façon, il y avait peu de chance pour que sa mère soit venue dans cet hôtel précisément. C'était comme chercher une aiguille dans une botte de foin.

Mais il avait tout de même voulu tenter le coup et par la même occasion, poser des questions au personnel. Il n'avait pas appris grand-chose, simplement qu'il était inutile de chercher le nom de sa mère dans de vieux registres, car aucun d'eux n'indiquerait la direction qu'elle avait prise ensuite.

Johany s'était fait la réflexion que oui, c'était pertinent. Il n'avait aucune raison de perdre son temps à chercher la confirmation qu'elle était bien passée à Lang Prabang, puisqu'il savait déjà qu'elle y était venue. De plus, si elle n'avait pas beaucoup d'argent et rêvait d'aventure, elle n'avait peut-être pas spécialement logé dans un hôtel.

Ainsi, le jeune homme pouvait tenter de s'attaquer au problème différemment, même si ça ne lui assurait pas plus de facilité pour le faire.

Il avait noté, après ses écrits de la veille, ses idées pour la suite. Elles n'étaient pas très brillantes, surtout celle qui disait : "Aller voir chaque habitant de Luang Prabang de plus de trente ans pour lui poser des questions sur une étrangère venue visiter la ville deux décennies plus tôt."

Il avait au moins l'impression de faire quelque chose, d'agir, de réfléchir, même s'il brassait de l'air. Avant de partir, il s'était à peine interrogé sur la façon dont il s'y prendrait pour obtenir des informations sur sa mère. Le plus gros problème pour lui à ce moment-là avait été de franchir le cap et d'acheter son billet.

De plus, il l'avait fait pour se prouver à lui-même qu'il pouvait changer, que son cas n'était pas désespéré, et aussi pour fuir son quotidien aux sempiternelles répétitions, pareil à un disque rayé passant en boucle la même mélodie lassante.

La journée passa très vite. Lorsque le soir tomba, la pluie l'accompagna et drapa d'un fin rideau l'ancienne capitale royale du pays.

Malgré ses bonnes résolutions et sa tentative auprès de l'accueil, Johany n'avait pas fait grand-chose. Il était resté étendu sur son lit pendant des heures, à se creuser la tête, à faire tourner en boucle les mêmes situations. Rien de fructueux ni de cohérent n'était ressorti de son passage à vide passager.

Il avait l'impression de s'être attaqué à un casse tête sans solution.