Le lendemain matin, Johany cherchait un tee-shirt propre dans sa valise, lorsqu'il se rappela à quel point il avait été désagréable de passer la journée à la trainer derrière lui. Il savait que maintenant qu'il avait trouvé un hôtel dans lequel il resterait plusieurs jours, il n'aurait pas à l'emmener avec lui partout et pourrait la laisser dans sa chambre la journée, mais il se demandait en fait s'il avait vraiment besoin de tout ce qu'il avait emporté.

Il ouvrit grand sa valise, en sortit le tee-shirt dont il avait besoin et l'enfila, puis se pencha sur le contenu de ses bagages, avec la curieuse impression d'avoir un regard nouveau sur ce qu'il voyait.

Il avait emporté énormément de vêtements, bien plus que ce qu'il ne lui en faudrait, à moins qu'il n'ait pas d'eau pour laver ses affaires pendant un mois. Cela venait sans doute de sa peur de ne pas pouvoir anticiper les évènements, il avait pris aussi bien des pulls épais que des débardeurs, mais le tas de vêtements qui s'empilait dans sa valise lui parut tout à coup ridicule. C'était clair qu'il n'aurait pas besoin d'un troisième pantalon de randonnée, ni de deux casquettes, et encore moins de deux paires de gants.

Il s'était un peu renseigné sur le Laos et son climat avant son départ, mais avait tout de même craint de subir un froid extrême. Mais depuis qu'il était arrivé, il n'avait pas eu le moindre frisson et trouvait inutile de s'encombrer ainsi.

Il avait aussi pris un sac pour ses affaires de toilette, contenant une trousse de secours bien fournie, deux antimoustiques et des tire-tique.

Dans une des poches latérales de la valise, il avait glissé l'unique livre qu'il avait emporté, ainsi que la photo de sa mère biologique, contenus dans un sachet isotherme (il ne se rappelait que trop bien de l'incident de sa gourde se renversant sur ses affaires lors de son voyage à Nantes).

A part ça, il avait acheté des cordes (???), comme s'il allait faire de l'escalade pour retrouver sa mère. Il se demandait bien ce qui lui était passé par la tête. Il s'imaginait peut-être, en ayant vu les photos des montagnes du Laos, qu'il lui aurait fallu les grimper car les routes étaient rares.

Johany faillit rire également en se rappelant qu'il avait emporté quatre guides papier sur le Laos, il ne s'en rappelait plus. Il avait fait sa valise des semaines avant de partir, sans avoir pu se résoudre à s'en aller. Désormais, en regardant ses affaires, il avait l'impression de voir ses peurs.

Or des peurs, il n'en voulait plus. Il tenait à s'en détacher le plus possible, autant qu'il le pouvait. S'il était parti, c'était avant tout pour changer. Et il n'avait pas besoin de trainer ce boulet qui contenait toutes ses appréhensions.

Alors, sans vraiment savoir si c'était une bonne idée, il fit le tri dans ses vêtements, puis dans son matériel, et mit tout ce dont il pensait ne pas avoir besoin de côté.

Il hésitait à renvoyer ces affaires inutiles chez lui, mais se dit que la poste lui coûterait trop cher et qu'il risquait, s'il ne revenait pas en France prochainement, de ne jamais revoir son colis, qui retournerait à l'expéditeur. De plus, qu'allait-il faire chez lui des trois guides du Laos restants, de cordes d'escalade, d'une combinaison de plongée et d'un tas de vêtements trop chauds pour le climat parisien ?

Il retourna sur le marché qui s'étalait dans la rue, ses affaires inutiles dans sa valise, le reste dans sa chambre, et s'acheta un sac-à-dos. Il alla ensuite déposer sa valise encombrante dans un petit magasin de vêtements et de bibelots en tous genres, un espèce de vide-grenier désordonné tenu par un vieil homme aux moustaches fines, qui fut ravi de récupérer ce qu'il lui donna.

En rentrant à son hôtel, son nouveau sac-à-dos vide sur les épaules, Johany se sentait si léger qu'il eut l'impression qu'en sautillant, il s'envolerait.