32. Nouvelle révélation à l'ESD
Alken
Je regarde mes élèves en train de travailler sur la chorégraphie de la danse de fin d’année que nous regardons pour la première fois. Je réfléchis déjà aux ajustements qu’il va me falloir faire pour que ça fonctionne sans heurts, mais j’avoue que je suis aussi un peu déçu de la façon dont ils se saisissent des instructions que j’ai laissées. A part Joy qui elle a tout de suite compris ce que j’avais en tête.
— On recommence ! On ne dirait pas que vous êtes en deuxième année, les jeunes ! Vous savez qu’à la fin de l’année, vous allez devoir trouver du boulot en participant à des auditions ? Si vous y allez pour faire ça, restez chez vous, ça vaudra mieux pour tout le monde. Allez, et surtout, on travaille son déhanché ! Je sais que je vous mets un peu en difficulté, mais dites-vous que c’est une préparation à la vraie vie ! Je vous remontre une fois, et après, on voit pour le faire tous ensemble.
Je m’installe devant eux et nous regardons tous le miroir qui fait la longueur de la salle. Je fais signe à Emilie qui lance la musique à mon signal. C’est La Camisa Negra de Juanes que nous avons choisi tous ensemble d’interpréter. Et quand la guitare commence ses accords et que le chanteur débute sa chanson, je lève mes bras au-dessus de ma tête et bouge mes fesses en rythme avec la musique, immobile avec le reste de mon corps. Et quand la chanson s'emballe, j’enchaîne les différents pas appris cette année. Certes, il faut les exécuter plus rapidement que pendant les cours, mais ça ne devrait pas être impossible à réaliser. Je constate moi-même qu’il y a quelques arrangements à faire, mais lorsque les dernières notes retentissent, tous les élèves m’applaudissent. Je surprends Sarah et Camille en train de glousser alors que Joy leur jette un regard furibond.
— Sarah ? Camille ? Que se passe-t-il ? Vous ne voulez pas faire profiter toute la classe de votre remarque qui a l’air de bien vous amuser ?
— Euh non, Alken, on… Ce n’était pas sérieux, désolée.
— Elles disaient que tu avais un beau cul et que tu le bougeais bien, les dénonce mon fils en pouffant alors que Camille lui met une tape dans le bras.
— Eh bien, indiqué-je aux jeunes femmes, il me semble que vous n’avez pas saisi l’intérêt de la démonstration. Je suis sûr qu’avec tout ça, vous seriez incapables de reproduire mes pas, je ne me trompe pas hein ?
— Je… Heu… Tu pourrais nous remontrer une fois encore ? demande Camille, rouge comme une écrevisse.
— Ce n’est pas comme ça que vous allez réussir vos examens. Est-ce que l’un ou l’une d’entre vous veut s’essayer pour remontrer l’idée de la chorégraphie avec moi ? Aucun ou aucune d’entre vous n’a la moindre idée de la choré dans son ensemble ? Elle vous semble si difficile que ça ?
— Moi, je pense que je peux, je n’ai pas passé mon temps à mater ton popotin, Prof, intervient Joy en me faisant un clin d'œil.
— Ah, voilà notre championne de salsa qui va donc se joindre à moi. C’est sûr que les rythmes latins, tu aimes ça, toi ! souris-je en donnant le signal pour que la musique redémarre.
Elle s’est mise à mes côtés et imite à la perfection les mouvements que je viens de montrer. J’adore quand elle secoue son joli postérieur comme ça. Un vrai plaisir à regarder et nous sommes en parfaite harmonie. Mais je suis à l’agonie et je dois résister à la folle envie que j’ai de l’embrasser. Avec elle à mes côtés, je me permets d’improviser, elle ne se fait pas prier lorsque je la prends par les hanches pour se coller à moi et nous faisons quelques pas que nous avons travaillés pour notre concours devant le regard ébahi de ses camarades. Eh oui, quand je danse avec elle, non seulement, c’est beau, mais ça paraît naturel et facile.
— Eh bien, en voilà une qui a tout compris ! A votre tour, et on inclut des paires, un peu comme on a improvisé avec Joy. Allez, on y va ! Il nous reste un peu plus d’une heure, on arrête de dormir et on s’y met !
Je vois bien les regards grognons des autres, et leur jalousie aussi pour certaines, mais il n’y a pas à dire, Joy est la meilleure du groupe. En tous cas, la plus naturelle car beaucoup peuvent atteindre son niveau, mais il leur faut plus travailler, ce qui laisse toujours une longueur d’avance à ma jolie brune. Nous passons le reste du cours à nous exercer sur nos pas et je vois que certains ont appris à s’adapter rapidement. Mon fils en fait partie et j’en suis plutôt fier. Quand je les libère enfin, j’ai la surprise de voir débarquer dans ma salle de cours Tim et Suzanne.
— Qu’est-ce que vous faites-là ? Vous n’êtes pas encore repartis au pays ? Je vous croyais déjà dans l’avion !
— A vrai dire, nous partons en train pour Paris ce soir. Mais nous avons visité aujourd’hui, et en passant par-là, nous nous sommes dit que nous pourrions passer le bonjour à Elizabeth, sourit tristement Suzanne.
— Ah oui, sa salle est au bout du couloir, je vous accompagne si vous voulez.
— Oui, pourquoi pas, merci Alken, continue-t-elle en prenant mon bras.
Je les emmène à la salle de danse classique où Elizabeth est aussi en train de ranger ses affaires et se prépare à sortir.
— Elizabeth, tu te souviens de mon oncle et de sa femme ? Ils sont de passage en France et voulaient te saluer. Mais bon, comme tu partais, on ne va pas s’imposer, on va te laisser.
— Eh bien, je peux attendre cinq minutes, dit-elle en approchant Bonjour Tim, Suzanne. Cela fait une éternité !
Comme au bon vieux temps, je traduis. Les vieilles habitudes ne changent pas et ont la vie dure. Surtout avec quelqu’un de conservateur comme Elizabeth.
— Un vrai plaisir de te retrouver, Elizabeth. Je ne sais pas ce qu’il t’a fait, notre neveu, mais il faut revenir sur le divorce ! Ce n’est pas une bonne idée !
— Heu… J’ai essayé, répond Elizabeth avec un sourire gêné. Mais Alken et moi, c’est terminé. Définitivement.
— Ah oui ? Tu as essayé ? s’étonne ma tante alors que j’arrête de traduire.
Il semblerait cependant que la conversation sur moi les motive à faire des efforts et elles parviennent à se comprendre directement.
— Oui, en effet. Mais il n’a pas daigné me donner une nouvelle chance, malheureusement. C’est comme ça, soupire Lizie en finissant de ranger ses affaires.
— Ce n’est pas un problème que sa petite amie soit une petite jeune ? demande alors Suzanne sans que je ne puisse empêcher la catastrophe d’arriver. Elle est gentille, Joy, mais franchement, Dieu vous a unis, Alken et toi. Pourquoi est-ce qu’elle te prendrait ta place ? Elle pourrait être sa fille en plus, elle est trop jeune pour lui !
Au vu de la tête que tire Elizabeth, elle a assez d’anglais pour avoir pleinement compris de quoi il s’agissait.
— Ce n’est pas ce que tu crois, Elizabeth, commencé-je alors que ses yeux se posent sur moi, mais c’est à Suzanne qu’elle répond.
— Joy ? Je… Il faut croire qu’Alken a un faible pour les danseuses alors. Vous l’avez donc rencontrée ? Comment est-elle ? Et que voulez-vous que je fasse ? On ne peut pas lutter contre la jeunesse.
— Qu’est-ce qu’elle dit ? me demande Suzanne qui n’a pas compris.
— Elle dit que j’aime bien les danseuses et qu’elle ne peut rien faire contre la jeunesse.
J’essaie de déterminer ce que pense mon ex-femme et je constate que pour l’instant, elle est juste complètement perturbée. Elle a l’air d’avoir du mal à réaliser l’information et je me demande ce qu’elle va en faire. En tous cas, j’ai le cœur qui bat à cent à l’heure et j’ai peur tout à coup que mon monde s’écroule. Pour l’instant, toutes les personnes qui ont appris pour Joy et moi, c’étaient des personnes amies, qui nous voulaient du bien. Là, avec cette information, Elizabeth a les moyens de me faire plonger. Parce que clairement, j’aurais du mal à nier l’évidence devant notre Directrice.
— Elizabeth, il faut qu’on se voie une fois qu’ils seront partis. Je… Je t’expliquerai tout, mais s’il te plaît, ne dis rien à Elise.
— Je… Je n’arrive pas à croire que… Enfin, Alken ! Compte sur moi pour qu’on en discute, je confirme, me dit-elle en me regardant presque comme si j’étais une bête de foire. Et dire que pendant tout ce temps, je pensais qu’elle était avec Kenzo !
— Je lui ai demandé de lui faire plein de petits bébés à notre Alken, en tous cas. Elle est encore jeune et elle peut lui amener une petite fille ou d’autres garçons… Ce serait un péché de ne pas en profiter.
— Elle a parlé de bébés, là ? m’interroge Lizie. Elle est enceinte ? Tu… Je ne comprends rien à toute cette histoire.
— Je t’expliquerai, Elizabeth, mais ce n’est pas du tout ce que tu crois. Je… Nous n’avons aucun désir d’enfant ou de bébé, non. Laisse-moi les raccompagner, et on se prend un temps pour discuter.
— Discuter de ta vie amoureuse avec une gamine qui pourrait être la nôtre ? Non merci, ça ne me tente pas. Je n’arrive pas à croire que tu te sois laissé embobiner par cette fille. Elle a tout gagné, tu m’étonnes qu’elle soit la première de ton cours, tout s’explique, me dit-elle froidement.
— Ça n'a rien à voir. Elle est aussi très bonne dans ton cours. Elizabeth, attends-moi, j’arrive tout de suite.
Je me tourne vers les deux irlandais que je ramène au portail pour qu’ils sortent et se dépêchent de partir d’ici. C’est fou comment en si peu de temps, ils ont bouleversé ma vie. J’ai peur des conséquences désormais, mais quand je reviens à la salle de cours d’Elizabeth, celle-ci est fermée et elle doit faire le tour du campus pour partir sans que je ne la croise. La catastrophe est en mouvement et hors de contrôle. Cela ne promet rien de bon…
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