Amie ou ennemie ?
Debout aux aurores, j'ai préparé un cake au chocolat pour offrir. J'ai hésité avec des gâteaux secs mais comme elle n'a pas toutes ses dents, j'ai pensé que ce serait mieux ainsi.
Le bus que je prends est plein de voyageurs. Un jeune homme se lève pour me céder sa place. Ce geste plein de gentillesse et d'empathie me touche profondément. Moi qui croyais que les jeunes étaient des bons à rien et des égoïstes, je vois que ma vision du monde n'est vraiment pas réaliste.
Je somnole contre la vitre et manque rater l'arrêt où je devais descendre. Le chauffeur me secoue doucement.
- Madame, Madame, vous êtes arrivée.
Je sais très exactement où se trouve la maison de Patricia, nous avons étudié le trajet avec Madame Gram et nous avons même vu à quoi elle ressemblait grâce à une application formidable sur internet.
Je fais plusieurs fois le tour du pâté de maison, j'hésite puis décide de repartir. Je me sens idiote tout à coup. Je n'ai pas fais tout ça pour rien, il faut que je termine ce que j'ai commencé. Maudit sois-tu Raymond avec ta question idiote !
La sonnerie retentie à l'intérieur de la grande bâtisse défraichie qui semble vide.
Bon, voilà, c'est fait, je peux rentrer chez moi à présent.
J'entends alors un verrou que l'on pousse à l'intérieur de la maison. Puis une jeune femme apparaît sur le seuil. Ça alors ! Patricia n'a pas pris une ride, ça doit conserver des dents en moins.
- Bonjour…Patricia ?
- Non, je suis Mado sa fille. Et vous, vous êtes ?
- Je suis Germaine, une vieille… amie de votre mère, nous nous sommes un peu perdues de vue depuis de nombreuses années. J'aurai voulu lui parler. Vous savez, nous étions ensembles à l'école il y a bien longtemps.
- Je vous en prie, entrez.
- Tenez, j'ai apporté un gâteau pour votre mère.
- C'est très gentil de votre part. Vous savez, maman ne reçoit jamais de visites, je suis sûre que ça va lui faire plaisir, elle est très gourmande.
La grande bâtisse sent la poussière et le renfermé.
Mado me conduit dans le jardin. Là, je vois une vielle femme, assise dans un fauteuil d'osier.
Elle a le regard perdu vers un ailleurs qu'elle semble la seule à percevoir. Son visage décharné et son crâne dégarni la fait ressembler à quelque maléfique sorcière sortie tout droit d'un conte pour enfants.
Elle n'a plus rien de la jeune fille conquérante et sarcastique que j'avais connu.
- Maman, regarde qui vient te rendre visite…. C'est Germaine ton amie d'école.
- Germaine ? Interroge Patricia d'une voix frêle et cassée.
Elle me regarde d'un œil terne et las.
- Bonjour Patricia. Tu te souviens, on était ensemble dans le cours de Madame Valdo, en CP.
- Valdo ?
- J'ai une idée, s'exclame tout à coup Mado, je vais vous montrer la photo de classe. Ma mère pourra peut-être se rappeler de vous en la voyant.
Je ne dis rien et la laisse partir. Mais je sais bien que cela ne sert à rien. Nous n'étions pas sur la photo cette année là. Ni l'une, ni l'autre.
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