Episode 1
Les frêles doigts glissent sur les cordes tandis que le regard se teinte de convoitise.
— Alice ! crie une voix peu sympathique.
La dénommée Alice éloigne prestement sa main du violon et se retourne pour faire face à sa mère. Les sourcils froncés de celle-ci ne laissent aucun doute sur son état de colère. Elle attrape violemment le bras de sa fille et la sort avec brutalité du magasin. Alice jette un dernier regard triste en direction de l’enseigne « Le son du cœur » avant de reporter ses yeux sur sa mère. Les traits crispés, elle semble folle de rage et la jeune fille soupire. Elle n’a pourtant rien fait de mal.
— Je te l’ai déjà dit ! Ne touche pas aux instruments ! lui murmure sa mère, plus bas pour ne pas être entendue des autres passants.
Alice ne répond pas et baisse la tête.
— Dix-sept ans ! Dix-sept ans que nous te répétons la même chose ! Et tu continues !
Un instant de silence entrecoupé par leurs pas pressés s’éternise.
— Est-ce vraiment un crime d’aimer la musique ? demande finalement Alice.
Sa mère s’arrête et ferme les yeux.
— Bien plus que tu ne l’imagines… murmure-t-elle.
Alice ne s’attend pas à plus d’explication. Depuis son enfance on lui rabâche qu’elle ne doit pas toucher un seul instrument de musique. Même écouter de la musique est prohibé chez elle mais jamais on ne lui en donne les raisons. L’adolescente soupire et suit sa mère qui s’était remise à marcher. Cependant elle ne peut s’empêcher de lancer un regard en arrière, pour tenter d’apercevoir de loin le violon à travers les vitres du magasin.
À peine rentrée, Alice s’enferme dans sa chambre. Elle s’affale sur son lit et pousse un profond soupire agacé.
Que peut-il bien se passer de si terrible ? Ce n’est que de la musique !
D’un coup de pied rageur, elle envoie valser la couette qui se trouvait roulée en boule à ses pieds. De la musique elle en avait déjà écouté, et rien d’horrible ne s’était produit. Enfin, si ce n’est que depuis ce jour elle n’était plus autorisée à approcher un téléphone ou un ordinateur.
« Pour ne pas recommencer une telle sottise ! » avait spécifié sa mère.
La crainte de la musique avait même conduit ses parents à lui faire prendre des cours par correspondance en lui interdisant ceux de musique. À cause de cela, Alice se considérait comme une marginale dans une famille de cinglés. Une marginale sur le point d’étouffer.
L’adolescente se redresse sur son lit. Elle repense au contact de ses doigts sur les cordes. Une émotion indéfinissable lui traverse tout le corps et elle ferme ses yeux pour se concentrer dessus. Après quelques minutes, les yeux toujours fermés, Alice prend une décision. Une décision qui elle ne le sait pas encore, va changer sa vie.
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