Chapitre 4 : Columbo est votre ami.
Résumé de la situation.
J'avais l'impression que mon voisinage ressemblait à un camp de réfugiés ce qui s'est révélé une approximation assez inspirée vu qu'il s'agit effectivement d'un bivouac de ce genre. Les habitants de plusieurs petites villes et villages ont du évacuer une région à cause de combats dantesques entre deux armées. La baston est finie mais les gens sont restés.
Pourquoi ?
Parce que c'est le genre de gens qui ne sont pas intéressés par le fait de reconstruire leur vie ou prendre un nouveau départ quand il y a toute une cité à parasiter à proximité.
Voleurs, prostituées, contrebandiers... Voilà mes nouveaux voisins. J'ai beau habiter ici, je suis pour un plan d'urbanisme radical à base de napalm. Je ne suis pas dans la tête des seigneurs locaux et j'ignore pourquoi ils laissent cet endroit exister mais une chose est sûre c'est que je veux me tirer.
Je rôde dans les ruelles depuis quelques jours après une semaine passée à me remettre d'aplomb. L'organisation des voies est anarchique, dépourvue de toute logique et il m'a fallu un certain temps pour m'y retrouver.
Pour commencer, le bidonville est collé contre la ville fortifiée sur un bon quart de son pourtour sur son coin sud-est et s'étend comme une toile d'araignée, gagnant des rues au fur et à mesure qu'il s'est agrandi. Toutefois, seules les rues les plus proches de la ville sont encore habitées, les cabanes les plus externes servent surtout de source de matériel de construction vu qu'elles se sont vidées de leurs habitants. Les villageois plus entreprenants que la vermine locale sont repartis, laissant la lie de l'humanité derrière eux (et en ma compagnie, merci du cadeau...).
C'est plus ou moins ce que je peux déduire des discussions que j'espionne en douce. Le bidonville existe depuis deux ans et est nommé Shin-Okonda. La cité elle-même c'est Okonda.
Oh, tout le monde est asiatique au fait. Mais pas le genre comme dans les films historiques et reportages vus sur Arte.
Pour commencer, malgré mon jeune âge j'ai les cheveux gris. Et c'est terne par rapport à toutes les variantes de l'arc en ciel qui m'entourent question chevelure et couleurs d'yeux. Et de race. J'ai aperçu des personnes avec des ailes de différentes natures, d'autres avec des queues d'animaux... Certains ressemblaient à des mammifères capable de se déplacer sur leurs pattes arrières même si ça tenait plutôt de l'humain si velu qu'il flanquerait des cauchemars à un salon d'épilation.
Oui, je ne suis plus sur Terre. Mais je ne sais rien du tronc commun de connaissance locales, ce qui me ferait passer pour quelqu'un de louche dans n'importe quelle conversation. Au milieu de tous ces gens bien étranges, ce serait un exploit.
Objectif prioritaire : Déménager.
La plupart des jeunes mineurs de Shin-Okonda tiennent de la mauvaise graine. Voir de la germination du genre pourrie. Gang, racket, pillage... Leur programme de festivité ne me branche pas du tout et il semblerait que c'était de même pour l'ancien proprio de ma carcasse. Le gros score de bagarre doit venir de ses rencontres avec ces gaillards. Je les évite comme la peste dès que je les vois au loin. Pourquoi ? Parce qu'ils cherchent à me mettre la main dessus.
Les points que j'ai distribués dans mes caractéristiques ont fait des miracles. J'ai presque tout à 10 ce qui me permet de grimper en un éclair sur les toits et de bondir par-dessus les ruelles les plus étroites sans ralentir. Ces séances seraient amusantes si elles ne seraient pas si stressantes et courantes sans parler du fait qu'elles me laissent rapidement sur les rotules. Ayant aussi amélioré Esquive et Course, je les sèment assez facilement. Mais ce niveau 10 est frustrant. Pourquoi ? Parce que les Pex demandés grimpent en flèche.
Pour passer de 9 à 10, 9 points. De 10 à 11... 20 points.
Ce doit être encore pire pour passer de 20 à 21. Mes espoirs de robustesse écartant toute maladie s'éloignent à grands pas. Vivre dans ce taudis ne vas pas m'aider à éviter les microbes...
Bref, je dois m'éloigner d'ici autant pour ma tranquillité d'esprit que celle de l'intégrité de mon anatomie.
Ayant évitée (une fois de plus) une horde de gamins des rues du genre collants en passant par les chemins de traverse, j'ai la surprise d'arriver près des portes de la ville ! Elles sont gardées par une demi-douzaine de gardes, des personnes toutes habillées de façon semblable. Une espèce de chapeau conique plat, des habits épais de couleur sombre et un plastron de cuir par-dessus. Sur leur poitrine, je vois un symbole circulaire mais j'ignore ce qu'il signifie. Ils ont un pantalon bouffant autour des cuisses et les mollets serrés par ce qui semble être une autre espèce de pièce d'armure.
Ce sont les gars les mieux habillés que j'ai croisé depuis mon réveil. Bravo les mecs. Sérieux ! Après avoir eu droit au large éventail de variations sur le thème de "têtes mises à prix" croisé dans les rues, ça fait du bien de voir des gens semblant prendre les choses de façon professionnelle.
Même le fait qu'ils discutent tranquillement me rappelle mes collègues de boulot. Un peu de normalité. Enfin.
Pris d'une inspiration subite, je marche en leur direction. Sans surprise, ils repèrent mon approche dans la rue peu animée et deux d'entre eux viennent vers moi pendant que les autres continuent leur petite réunion.
Garde 1 : Hé ! Toi !
Ce doit être de moi qu'il s'agit. Une intuition. Je suis doué pour ces choses-là.
Alex : Oui ?
Garde 1 : Les vermines de ton genre n'ont pas le droit de rentrer dans la ville. File !
Garde 2 : Allez, déguerpis !
Les paroles sont brusques mais le cœur n'y est pas. Ils doivent répéter ça si souvent dans la journée que c'en est machinal.
Alex : Je fais comment alors ?
Garde 1 : Fout le camp !
Alex : Mais je vais y rentrer dans cette ville. Je fais comment ?
Gardes 1 & 2: Quoi ?
Vu que je reste tranquillement campé sur mes pieds sans bouger et que je n'ai pas du tout l'air d'avoir peur les deux gardes semblent coupés dans leur élan et se regardent entre eux, se demandant quoi faire. Je leur file un indice.
Alex : Vous êtes devant quelqu'un qui veut rentrer dans la ville pour s'y installer. Vous lui dites quoi ?
Garde 1 : Hein ?
Garde 2 : Heuuuu...
Alex : Allez, quoi... Si la personne qui vous pose la question n'est pas une espèce de sac à chiffons sale qui vous arrive au nombril mais un paysan qui vient de sa campagne et qui veut changer de vie... Imaginez ça... Vous lui dites quoi ?
Gros silence. Bon, je continue de parler alors. Je ne me fais pas à cette petite voix aiguë d'ailleurs.
Alex : Vous n'allez pas me faire croire que seules les personnes nées dans la ville ont le droit d'y habiter ! Si les gens font que se marier entre eux on voit vite des lignées de gosses avec deux têtes et cinq bras. Bref, y a une procédure pour passer cette porte sans se faire tabasser. C'est quoi ?
Garde 1 : Heu... Tu veux devenir citoyen d'Okonda ?
Alex : Voilà ! Marre de vivre dans cette crasse. Dites, c'est mieux dedans ?
Garde 1 : Bien sûr !
Garde 2 : La ville est propre, bien entretenue, avec de magnifiques parcs et des...
Alex : Toilettes ?
Garde 1 : Pardon ?
Alex : Oubliez. Bref, je dois faire quoi ?
Les deux gardes se fixent des yeux un instant avant de reculer de quelques pas et tenir une petite discussion en chuchotant. Au bout de quelques minutes, ils finissent par revenir avec de grands sourires sur la figure.
Je n'aime pas ces sourires. Le genre qu'a un chat en voyant une souris.
Garde 1 : Un guerrier n'a aucun problème pour pénétrer dans la cité.
Garde 2 : Tout à fait.
Garde 1 : Il lui suffit de ramener les trophées de chasse de cinq Yokais et il peut passer cette porte tranquillement.
Garde 2 : Parfaitement.
Alex : Quel genre de Yokais ?
Garde 1 : De la taille doigt. Oui, au moins de la taille doigt.
Garde 2 : Oui, oui oui...
Alex : Bien... D'accord...
Je fais demi-tour et commence à marcher dans la rue, entendant pouffer les deux ahuris derrière moi. Allez, un petit passage à la Colombo mais sans l'imperméable.
Alex : J'ai failli oublier quelque chose !
Je me retourne vers eux avec un grand sourire enfantin collé sur la figure.
Alex : Je vais rentrer dans cette ville. Tôt ou tard. J'en ai marre de me fritter avec la racaille et de supporter ces voisins pourris. J'ai survécu à la faim, la maladie, la criminalité et c'est pas une petite chasse qui va m'arrêter. Je veux y arriver et j'ai bien l'intention, une fois dans ces murs, de parler des gentils messieurs qui m'ont donnés de précieux conseils pour ça. Et là on a deux possibilités. Soit ce sera pour souligner l'efficacité et le professionnalisme des soldats de la ville. Soit ce sera pour maudire des incompétents qui tentent de faire tuer les braves futurs citoyens d'Okonda. J'ai eu des mages dans ma famille et je pense donc pouvoir commencer à brasser des sorts d'ici peu. Je vais rentrer par ces portes. C'est à vous de décider si pour vous ce sera un jour faste ou un jour néfaste. A bientôt.
Je reprends ma marche d'un pas décidé. J'espère qu'ils vont vite se mettre d'accord parce que j'ai remarqué un gamin bizarre au bas de la rue défoncée, signe de futures cavalcades.
Garde 1 : Gamin ! Attends !
Voilaaaaa. En demandant poliment on a tout ce que l'on veut.
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