Chapitre 12 : Premiers (vrais) problèmes.
Haiwaken : Comment ça une commande ?
Maya : Pas si fort !
J'étais venu pour un nouveau set de sandales. Mes courses permanentes leur ont fait passer de sales quarts d'heures et je préfère en changer avant qu'elles ne me claquent dans les doigts de pied au pire moment. À l'instant où j'ai pénétrées les ténèbres de la boutique de Maya elle m'a bondit dessus, claudiquant sur ses cannes et me guidant vers le fond. Il y a quelques clients et vu que c'est le genre douteux je comprends qu'elle veuille un peu d'intimité. Une fois que l'on se trouve dans un espace bien plus étroit comportant un lit, une table et quelques autres affaires, je comprends qu'on est dans sa chambre et elle me fait asseoir à la petite table, s'installant devant moi.
Maya : Alors voilà ! Je... c'est quoi cette tête ?
Haiwaken : C'est la première fois depuis un bout de temps que je m'assieds sur une vraie chaise...
Maya : Ah ? Bref, j'ai un client. C'est lui qui a acheté plusieurs des flacons. Il lui en faut au moins trois autres.
Haiwaken : Trois ? Hum...
Je n'envisage même pas de ne pas les livrer. La vieille Maya a l'air terrorisée alors que la lie de l'humanité hante chaque jour les couloirs de sa boutique. Il y a plus dangereux que les gangs locaux et visiblement elle a eu affaire à l'une de ces menaces. J'ai actuellement quatre de ces flacons dans ma planque vu les essais qu'a effectué un de mes cuistots préférés. Il s'est décidé pour une liste de plats qui ne vous retournent pas les tripes après des essais délicieux mais aux effets secondaires désastreux pour le fond de pantalon.
Haiwaken : Je vais te chercher ça. Panique pas, ce sera rapide.
Maya : Hein ?
Haiwaken : Je reviens.
Je ne vais pas faire durer les choses et file dans la rue. Quelqu'un qui a du pouvoir a aussi un sérieux manque de patience. Mon projet de vie ne faisant pas rentrer dans ses objectifs le fait de rendre des gens dangereux furieux envers moi, je fonce donc dans les ruelles, esquivant les petits groupes de gamins des rues et autres loubards habituels.
C'est le soir. Je viens de rentrer de mon entraînement quotidien et la visite chez Maya est l'avant-dernière étape avant mon retour dans mes pénates. Je coupe donc à travers quelques chemins de traverse pour ne pas faire le détour dans la rue à bouffe et vais chez moi.
Pourquoi je ne me fait pas agresser quand je mange ?
Parce que tout le monde veut pouvoir manger un jour ou l'autre et les vendeurs ont tendance à donner du hachoir si on ennui leurs clients. Dire qu'il faut que je choisisse mes stands selon le gabarit du vendeur... Ah, c'est ma rue. Quelques pas dans le coin d'aisance... Personne ! Parfait ! En deux bonds je suis sur le toit.
Une, deux... trois bouteilles. Je mets quelques toiles de peau entre elles pour éviter qu'elles tintent lors du voyage retour, emballe le tout dans ma sacoche et sort de ma planque.
*** : C'était donc ici ?
Haiwaken : Hein ?!
Il y a quelqu'un sur le toit !
Un gars, un peu petit, habillé tout en noir et le visage également masqué par un tissu sombre enroulé autour. Pas d'armes visibles mais ça veut rien dire avec ce genre de types. Les bras croisés, détendu, il m'observe depuis un des coins du toit.
*** : Je représente les intérêts de sire Xian. Veuillez me donner les flacons.
Haiwaken : … Non...
*** : Il faudrait apprendre vite les règles basiques de survie dans cette cité. Monsieur Xian a demandé à avoir trois de ces flacons. Il les recevra.
Haiwaken : Il a demandé et il les aura. Il les cherchera chez madame Maya, comme prévu...
*** : Tu n'as rien à imposer. Tu donnes ces flacons et tu file, sale gosse !
Je suis dans la merde...
Je n'ai pas la moindre idée de la dangerosité du bonhomme mais le fait qu'il soit parvenu à me filer dès la première tentative alors que je sème les gosses depuis des semaines prouve qu'il est doué. Quelles sont les chances de le battre avec une hachette et un poignard en se battant sur un toit sur lequel je ne dois pas marcher trop vite de peur de passer au travers ? Zéro. Possibilité de fuir ? Où ça alors qu'il a trouvé ma planque ? Bordel !
*** : Pas de gestes brusques...
Haiwaken : Je reprends mes affaires...
J'ai mis mon petit kit de survie dans une peau à l'intérieur de ma sacoche. Je le sort et, doucement, lui lance la sacoche de cuir. Il regarde rapidement à l'intérieur puis se la met sur l'épaule, satisfait.
*** : Bien ! Je vois que tu es compréhensif.
Haiwaken : Mouais...
Il perd rien pour attendre, son patron.
Sans prévenir, l'inconnu effectue un geste vif et le temps se comprime. Merde !
J'esquive le projectile. Je sais pas ce que c'est et ça ne m'intéresse pas. Dans le même geste, je dégaine ma hache.
D'autres projectiles. Je ne peux pas bondir avec ce toit en mauvais état. Je dévie donc ces trucs avec ma lame ou les laisse se planter dans le bois du manche. Au bout de cinq, le temps reviens à la normale.
*** : Hé bien... Voilà qui est étonnant.
Haiwaken : Ouais... Mais pas autant que ça !
Je frappe du pied de toutes mes forces sur un point du toit. Un point précis. Celui qui craque dès que je m'en approche trop. D'un seul coup, c'est comme si je me retrouvais dans des sables mouvant, tout s'effondrant autour de moi en un grand craquement. L'inconnu habillé de noir commence aussi à basculer dans le vide avant de s'extraire en un bond surhumain. Forçant sur mes jambes et alors que tout est encore en train de s'effondrer autour de moi et sur le criminel notoire qui me sert de voisin du dessous, je parviens à créer la distorsion temporelle juste assez longtemps pour sprinter vers la porte de sortie alors que tout est en train de s'écraser sur le plancher.
Là, je galope dans les rues, ne cherchant même pas à regarder par-dessus mon épaule. Oublie les toits, c'est par là qu'il a dû te suivre. Je fonce vers le seul endroit qui me semble sûr, passant entre les jambes des adultes et bousculant sans ménagement les gamins et les prostituées. Perte de temps. J'esquive tout le monde, sprintant en prenant les trajectoires les plus directes possible et ignorant les cris autour de moi sauf quand ils sont précédés de celui d'un lancé d'arme inconnue. Le ninja est sur mes talons...
Garde 1 : Hé !
Garde 2 : Tu fous quoi, gamin ?
Haiwaken : La ferme et en garde !
Garde 1 : Tu crois qu'un gamin peut se battre contre...
Haiwaken : Merde !
Le temps s'est comprimé, m'avertissant d'une attaque en cours. Je plonge donc en avant, roulant sur moi-même. Des trucs se plantent dans le sol derrière moi. Je vois les ombres bouger à proximité.
Garde 1 : Hé, c'est quoi ?
Garde 2 : Alarme !
La porte de la ville est trop loin mais le bâtiment de recrutement est plus proche et est surtout gardé en permanence. C'est pour protéger les employés en journée et les stocks pendant la nuit. Normalement, ils ne se mêlent pas des bagarres alentours mais ils ne peuvent pas vraiment ignorer ce qui se passe juste sous leur nez.
Dos au mur, je reprends mon souffle en brandissant ma hachette devant moi l'autre main crispée sur mon nécessaire de survie, jambes écartées. J'ai mal à la gorge et à la poitrine mais je reste aussi concentré que possible.
Où j'avais vu cette ombre juste avant ?
Autour de moi, les gardes s'activent. Ils tiennent tant que ça à me protéger ?
Garde : Hé ! Le Shinobi ! Je sais pas ce que ce gosse t'a fait mais là t'es sur le territoire du seigneur Oko ! Si c'est lui qui t'a envoyé on ne peut pas s'interposer mais je doute qu'il cherche à buter des gamins bosseurs comme celui-là... Hé ! Tu m'entends !
Pas de réponses. Le garde qui marche autour de moi ne cherche même pas à brandir sa lance, il se contente d'appeler l'inconnu en criant vers différents tas de caisses ou autres toits. Puis, il croise les bras.
Garde 1 : Alors ?
*** : Il est parti. Bien vu le coup de l'appeler « le shinobi ».
L'autre voix vient des toits. Je lève les yeux et remarque quelqu'un en train de marcher sur les tuiles et descendant à terre d'un bond. C'est un de ces gars louche que je vois toujours tourner à l'extérieur du baraquement. Ce sont des mercenaires, payés par l'Union. Celui-là ressemble à un chasseur avec son arc et sa tenue de peaux de bêtes.
Garde 1 : Ouais, ces gars adorent la discrétion et savent aussi que tout le monde les détestent. Un ninja dans un quartier de malfrats c'est qu'une cible appétissante que personne ne regrettera.
*** : Tu est dur... ça va, gamin ?
Haiwaken : Heu... Oui. Ça va. C'est ça les ninjas ?
Il y a des étoiles de métal plantées au sol. Je me penche vers elles mais le mercenaire me stoppe dans mon geste.
*** : Stop ! La plupart de ces trucs sont empoisonnés. Pas assez affûtés pour faire une blessure mortelle mais suffisamment pour pourrir le sang de ses cibles.
Je ramène la main vers moi, pas très rassuré. Il y en a encore deux de plantées dans le manche de ma hachette. Je les fait sauter délicatement en la grattant contre le mur.
Garde 1 : Il te voulais quoi ?
Haiwaken : Son patron voulait quelque chose que je possédais et ne tenais pas à payer.
*** : Et ils envoient des ninjas pour ça ?
Haiwaken : Faut croire... Merde ! Maya !
Garde 2 : La Maya du magasin ?
Haiwaken : Oui ! C'est par elle qu'il m'a contacté ! Elle est en danger !
Annotations
Versions