Chapitre 16 : Se jeter dans la gueule du loup. Au sens propre.
J'ai décidé de foncer vers Okonda. Au moyen-âge les forts servaient à protéger la population en cas d'attaque ennemie. Les habitants de Shin-Okonda étant ce qu'ils sont, j'espère ne pas trouver portes closes. Au pire je tenterai ma chance à l'ouest mais pour le moment je fonce plein nord pour une basse raison d'ordre pratique : N'ayant jamais mis les pieds à l'ouest, ce n'est pas sur ma carte. Foncer à travers bois sans connaître la topographie est dangereux et ce n'est pas le moment de me fouler une cheville. Heureusement, l'ensemble des compétences Course, Survie et Topographie semblent guider les pas de mon sprint à pleine vitesse à travers les rochers, racines et fouillis d'arbre comme si j'étais en pilotage automatique. Je ne sais pas comment ça marche, mais à cheval offert, on ne regarde point les dents !
Je sors du couvert des arbres avec un Instinct du Danger qui est en train de hurler. Sans surprises, il me commande de surveiller attentivement ce qui se passe à ma droite et j'y jette un œil tout en sprintant vers les baraquements de bois du bidonville.
Il y a une espèce d'armée mais elle semble là pour la défense. Des mercenaires on dirait. La plupart ont des arcs et forment des lignes grossières, se gueulant dessus et faisant de grands gestes à des personnes derrière eux. Je ne sais pas à qui ils s'expriment, les bicoques de bois et de toiles me cachent la plupart de la vue à ce niveau et en plus ils me tournent le dos. Il y a du monde qui bouge et des pointes de lance qui dépassent des toits. Les gardes de la ville ? Le peu de ce que je vois de leurs armes m'y fait penser.
Pas le temps, je dois filer avant que...
Graaaaoooooowwwwwh!
Un énorme rugissement me stoppe dans mon élan.
Il ne vient pas d'une seule gorge. Au loin, sur ma droite, se trouve une véritable marée de Yokais. Malgré mes halètements, j'entends à présent le grondement des innombrables pattes frappant le sol et la tache grise indistincte de la masse grouillante ne m'informe pas sur la nature des choses en question.
Pas étonnant que mon Instinct du Danger hurle comme un malade.
Impossible de survivre à ça en restant planqué dans un arbre.
Alors que je veux reprendre ma course je remarque que dans les derniers rangs des mercenaires, sur leur flanc droit, il y a des personnes plus petites.
Des gosses ? Ils ont pourtant aussi des arcs.
La situation devait vraiment être grave s'ils devaient user d'enfants-soldats. A moins que ce ne soit une tradition en ce monde.
Huh ?
L'Instinct du Danger vient de s'éteindre puis de se rallumer. Derrière moi ?
Ce que je vois me glace le sang.
Trois espèces de gros chiens avec un long pelage gris viennent de sortir de la forêt mais pas de là d'où je viens. Des éclaireurs ? Et ils foncent vers les lignes arrières des archers... Les gosses... Merde merde merde...
OkamiJou. Yokai. Danger : Morsures. Pattes avant.
En les regardant bien ce ne sont pas des chiens mais plutôt des loups. Leurs yeux rouge vaguement luisants informent clairement sur leur nature monstrueuse.
Ces gosses n'arriveront à rien avec des arcs si ces choses arrivent au contact. Surtout qu'ils ne les ont pas encore repérés alors que les trois créatures leur sprintent dessus.
Et merde...
Toujours la lance à la main, je fonce. Directement envoyée à mon cerveau se trouvait la trajectoire idéale et je m'y tiens. En même temps que je me concentrais, me préparant à la bataille à venir, L'Instinct du Danger s'est tût. Il faut dire que je sais à présent exactement ce à quoi j'ai affaire.
Je suis à mi-chemin de la course que je me rappelle que j'aurais très bien pu me contenter de crier « attention ».
Trop tard.
Les OkamiJou m'ont repéré et l'un d'entre eux pivote vers moi pendant que les deux autres continuent sur leur lancée. Je ne modifie pas ma trajectoire et, alors que la créature claque des dents en ma direction, je porte un coup d'estoc vers ma droite, perçant le crâne de la chose. Je pivote sur moi-même, emporté par mon élan, pour extraire la pointe en croc animal sans ralentir. Puis continue ma course.
Les archers les ont enfin remarqués. Maintenant que je les vois de face, je remarque qu'ils sont de l'espèce dotée de poils, de grandes oreilles et de queue touffues. Ils ont une tête animale sous leur capuche. Presque tous sont comme ça.
Pas le temps à perdre dans ces petits détails.
Toujours lancé, je rattrape le loup de tête et frappe le côté de sa tête en un coup sec profitant de toute la portée disponible de ma lance. Pas mortel. Mais l'animal chute, surpris par la blessure inattendue. Je bondis par dessus et empoigne la lance à deux mains, faisant un balayage en direction de la tête du troisième Yokai avant même de retoucher le sol.
C'est fou tout ce qu'on peut faire quand on peut contracter le temps en situation de stress.
Le troisième coup a raté, le Yokai ayant pilé des quatre fers après mon attaque sur son collègue de tête. Je suis encore emporté par mon élan et me retrouve à m'écarter des deux animaux, roulant au sol à cause de la perte d'équilibre causée par mes attaques en position instable.
Merde, mon sac à dos m'a fait mal !
Quand je me relève la créature que j'ai blessée a été achevée de plusieurs flèches pendant que la troisième a fuit. Vers la forêt ? Non, en direction de...
Méga-mouise de sainte-barbe...
C'est une énorme meute qui nous fonce dessus. C'était ça la menace que j'ai senti du plus profond de la forêt.
Je décroche mon sac et fonce à travers la ligne éparpillée de jeunes archers. Le danger est à présent devant eux. Et c'est là que je vais devoir être.
Malheureusement.
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