Chapitre 17 : La bataille de Shin-Okonda
Ils avaient beau tirer volées après volées, l'assaut des Yokais demeurait implacable. Arrivant en retard, des groupes de soldats formaient des îlots de défense assiégés par des loups mutant fou furieux. Il y avait aussi des disciples des deux écoles de combat qui se trouvaient dispersés de ci de là mais c'est surtout le grand-maître de l'école de magie qui leur a sauvé la mise en créant des barrières sur leurs flancs. Ils ne pouvaient donc plus se faire déborder mais, hélas, cela signifiait aussi que toute la pression de l'ennemi leur venait droit dessus.
Le chef mercenaire Hiromi devait tenir la seconde ligne avec ses archers mais l'assaut avait eu lieu avant que les soldats puissent se placer devant eux. La ligne de défense a donc reculée jusqu'aux faubourgs de Shin-Okonda. Les combats de ce genre sont normalement des sièges mais les guerriers ne s'expriment vraiment que sur des champs de bataille dégagés et la présence du bidonville a rebattu les cartes. Pas que le seigneur s'inquiétait de la survie de ses habitants. Le danger était que les Yokais s'installent juste sous les murs à l'abri des bâtiments et commencent à creuser des tunnels pour surgir n'importe où dans la ville. Mettre le feu était aussi hors de question, le vent aurait ramené quantité de braises enflammées dans Okanda.
Une fois de plus, le chef de la cité devait regretter de ne pas avoir déjà rasé ce nid de vipère.
Le combat avait commencé depuis trente minutes et son déroulement prenait une allure étrange. Sur leur flanc droit subsistait la seule poche de résistance isolée. Tous les autres guerriers se sont repliés vers la nouvelle ligne sauf les personnes piégées dans cette zone. Prosaïque, Hiromi a ordonné d'oublier ces retardataires. Tenir la nouvelle ligne était l'extrême limite de ce qui était possible avec les hommes dont il disposait et il ne pouvait risquer le peu de réserves dont il disposait pour sauver des Bushins assiégés. Mais les Yokais réagirent étrangement.
Ils semblaient chercher à éliminer vaille que vaille cette poche et, au fur et à mesure, les archers se rendirent compte qu'une part de plus en plus importante des renforts ennemis se dirigeaient là-bas. C'était flagrant au bout d'un certain temps. Devant la ligne des archers des Yokais vaincus disparaissaient sans cesse en laissant leurs Tamaganes, formant comme un ruban multicolore. Mais il y avait une vraie colonne de lumière qui se dégageai de cet endroit isolé, signe que les Yokais ne cessaient de tomber sous les coups.
Mais qui donc se trouvait là-bas ? Et pourquoi de tels guerriers ne se repliaient-il pas ? De plus en plus d'archers leur prêtaient main-forte, à commencer par les jeunes qui n'étaient venus à l'origine que pour assister à la bataille de loin. Heureusement, La masse grouillante était facile à viser.
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C'est un véritable cauchemar !
Je me suis rapidement retrouvé encerclé et j'ai commencé à frapper dans tous les sens. La lance a fini par casser et j'en suis à donner de la hache et du couteau sur tous les cous qui passent. Je comprime le temps dès que possible et me donne quelques instants pour respirer à la minute où les Yokais se gênent tellement entre eux qu'ils n'arrivent pas jusqu'à moi.
Potion d'endurance de base. 100 Pex.
J'engloutis encore une de ces horreurs. Mes muscles endoloris et mes mains douloureuses retrouvent leur vigueur et c'est reparti pour un tour. La tablette semble toujours savoir à quel moment j'en ai besoin et me la fait apparaître à portée de main à l'instant propice. Je ne manque plus de Pex à dépenser aujourd'hui...
Je manque de trébucher sur quelque chose. Un Tamagane on dirait. Il y en a tellement que je donne des fois un coup de pied dedans pour avoir un sol un tant soit peu praticable.
Mais il se passe quoi bordel ? Ils sont passés où tous les archers ?
J'ai des remparts de dents de tous les côtés et ne peux pas m'amuser à faire autre chose que survivre. Tranche. Coupe. Embroche. Et au suivant. Au suivant. Au suivant...
J'ai quelques blessures mais elles sont légères, ne me ralentissant pas trop. La tablette m'a affichée une information supplémentaire sur la potion de soin quand j'ai voulu en prendre une. Effets secondaires. Je ne sais pas lesquels mais je ne peux rien me permettre dans une situation pareille !
A moitié sourd avec les cris de bêtes sauvages tout autour de moi, le nez bouché par leur odeur écœurante et la vue gênée par les paillettes lumineuses du Retour, je compte sur un mélange de Instinct du Danger et Arme tranchante à une main pour dégommer presque automatiquement tout ce qui me passe à portée.
J'ai perdu le compte du nombre de bestiaux occis, du temps qui s'est écoulé et vient de siffler une nouvelle potion d'endurance quand un cri beaucoup plus fort que les autres retentit à proximité.
Soudainement, tout s'arrête.
Les Yokais autour de moi se taisent et reculent, intimidés.
Huh ? Ça y est ? Vous en avez enfin assez ?
Il serait temps, mes armes n'ont plus vraiment de tranchant.
Groooowwwwllll...
Et merde...
Un autre Yokai débarque. Il fait au moins le double de la taille des OkamisJumo ce qui signifie qu'il est plus grand que moi. Et il doit faire au moins quatre fois mon poids. Son pelage est rougeâtre et il a un incroyable set de coutellerie 100% bio greffé à la mâchoire.
O-Okami. Yokai. Danger : Dents, griffes, chef de meute.
Formidable...
Je fais vite un pas de côté quand la créature me bondit dessus et... vache ! Je force sur mes jambes pour en faire un second ! Cette saleté a tendu la patte en ma direction tout en sautant. Et je crois bien qu'elle m'a suivi des yeux. Je tente de la contrer avec un coup de poignard d'estoc... Qu'elle esquive sans difficulté. Pire, elle tente de me mordre la main au passage et je dois forcer sur mon épaule pour détourner le bras à temps.
Ce Yokai... Il comprime aussi le temps...
Méga-mouise...
Les autres Yokais se sont écartés, formant un cercle de crocs d'environ vingt mètres de diamètre afin que leur chef puisse m'affronter tranquillement. Du coup, je perds aussi mon avantage de l'encombrement des loups les uns par rapport aux autres. Il attends à présent, patiemment. Pendant ce temps, les Yokais tombés au sol disparaissent, laissant le terrain de plus en plus dégagé.
Il me faut agir !
J'ai une idée mais je n'ai pas la moindre idée si ça peut marcher. Je lâche ma hachette et ramasse un Tamagane. Sans attendre, je le lance en cloche vers le chef de meute. Sans surprise, ça le rate vu qu'il lui suffit d'un pas de côté pour ça. Mais je suis déjà en train de ramasser ma hachette quand la bête me fonce dessus et que la pierre touche le sol.
Et explose.
Bordel !
Je plonge à couvert, plus à cause des débris volant en tout sens que de l'attaque du Yokai. Galopant à quatre pattes, je fuis la créature qui a été déséquilibrée par le choc dans son dos et ramasse deux autres pierres pour les lui lancer dessus de façon directe. Finie la pétanque, bonjour les fléchettes !
Bo-Boooom !
Ourf !
J'en suis jeté au sol, soufflé par les explosions et les débris de terre et de pierre qui me criblent le corps. Je sens que mes habits ont été déchirés en plusieurs endroits et que quelque chose de chaud et de liquide me coule dessus depuis l'épaule. Pas le temps d'avoir mal, l'adrénaline me donne des ailles et je me remets sur mes pieds, prêt à lui donner le coup de grâce. Il ne me reste plus qu'à...
Purée...
Il a la peau épaisse, l'enflure.
A part la fourrure absente en deux points et quelques poils finissant de se consumer, la chose a bien encaissé les explosions.
Finalement, combiner ma technique de Ki avec les Tamagane est plus dangereux pour moi que pour eux.
Toutefois, il est toujours un peu sonné. Je lui fonce dessus et tente un coup de haut en bas avec ma hachette, visant la nuque.
Ouch !
Elle est en quoi, sa fourrure ? En kevlar ?!
Il va se relever et se remettre à attaquer d'une seconde à l'autre. Alors que je suis en train de paniquer, la tablette me fait une proposition que j'accepte sans hésiter. Quelques instants plus tard, le combat à repris. Je tente de gagner du temps, me dégageant dès qu'il tente de m'acculer et évitant de m'approcher des bords du cercle. Je ne suis pas sûr que les Yokais comprennent ce que c'est que de jouer franc-jeu.
Sa gueule écume de rage et claque de plus en plus près de mon visage. Il faut dire que mes trois usages de Ki successifs commencent à remplir mes muscles de crampes. Je n'ai plus l'occasion de faire apparaître une potion d'endurance vu que l'O-Okami ne me lâche pas d'une semelle. Je suis concentré sur sa gueule et ses pattes de devant, frappant pour les détourner dès que possible et comptant sur Instinct du Danger pour me tenir à distance de ses acolytes.
Je ne sais pas combien de temps cette danse terrifiante a duré mais, après un râle supplémentaire, la bête finit par s'effondrer au sol.
Huh ?
S'ensuit un moment d'hésitation. Les gueules se fermèrent les unes après les autres, certains membres de la meute commençant à renifler leur chef tombé dans l'immobilité. Ils poussèrent de nouveaux cris, des espèces de glapissements courts, avant de me tourner le dos et de trotter sans me prêter attention. Comme la marée, les OkamisJumo autour de moi se dispersèrent, visant l'horizon. Dans un silence seulement troublé par le bruit des pattes frappant le sol, ce qui reste de la meute fuit les abords de la cité.
Je me retrouve vite seul avec le cadavre de l'O-Okami en train de disparaître. Et en compagnie de toutes les entailles, blessures et griffures laissées en souvenir, bien entendu.
Rien à battre des effets secondaires. J'invoque la potion de soin basique, fait sauter la cire du pouce et siffle son contenu atroce.
Je vois carrément les écorchures se fermer à vue d’œil. Toutes les blessures, crampes et douleurs s'amenuisent progressivement, remplacées par une douce torpeur.
Haiwaken : La vache... ça fait du bien.
Et je bascule en arrière, ronflant avant de toucher la pelouse.
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