Chapitre 19 : Dans la mouise depuis le tout début.
J'ai mal partout.
Mais alors là, vraiment partout. Même à des muscles dont je ne soupçonnais pas l'existence.
Je suis dans une pièce sombre et...
Oui, c'est un lit.
Un vrai lit, avec un matelas souple contre mon dos, une couverture et un coussin derrière ma tête. Malgré la douleur, j'ai une énorme envie d'en profiter et de me rendormir immédiatement. Je me fout de savoir où je me trouve. Un vrai pieu après des mois à dormir à la sauvage ou sur les toits... C'est un luxe que je n'envisageais même plus !
Je referme les yeux, essayant de bouger mon corps pour apprécier le matelas.
Aoutch !
Je crois bien que je suis bandé façon momie. Une odeur bizarre me monte au nez, le genre qu'on a avec des médicaments. De la pommade ? Je me rappelle que la potion avait eu de l'effet mais ça n'a fait que diminuer la gravité de mes pires blessures jusqu'au niveau de simples entailles. Ça reste des plaies avec les risques d'infection qui vont avec.
Je rouvre les yeux, trop gêné par mon corps envoyant des mises en demeure avec huissier pour abus manifeste pour me rendormir. Je suis... dans une chambre ? Propre, assez grande pour contenir ce lit pour une personne, une petite table, deux chaises et des petits meubles remplis de tiroirs. La pièce est dans l'obscurité à cause de volets fermés mais la faible lueur passant par les interstices m'informe qu'il doit faire jour dehors. Je me demande combien de temps j'ai dormi... J'ai faim, mais pas trop.
*** : Enfin...
Essayez voir une fois de sursauter alors que votre corps est couvert de blessures. Vous ne le ferez pas une seconde fois.
Une ombre se détache du mur, prend une des chaises et l'installe à côté de moi avant de s’asseoir dessus.
Haiwaken : Motoko ?
Motoko : J'en constate que les griffures à la tête n'ont pas endommagé ton esprit.
Haiwaken : Je suis où, là ?
Motoko : Au dernier étage du centre de l'Union du Travail Impérial de Shin-Okonda. Tes blessures étant légères, on t'a amené vers l'endroit capable de te soigner le plus proche. Les blessés grave ont été amenés dans la cité pour être confiés aux médecins et alchimistes. La première brute venue avec de l’onguent et du bandage pouvait s'occuper de toi.
Haiwaken : Ah...
Puis elle se tût, se contenant de me regarder fixement.
Haiwaken : Heu...
Motoko : Oui ?
Haiwaken : Merci.
Son visage semble s'adoucir légèrement.
Motoko : Mais de rien. Je suis honorée d'avoir été utile.
La première brute venue, hein ? J'ai l'impression que je suis en train de regarder la personne qui m'a traité. Avec toute la délicatesse d'un tigre.
Haiwaken : Il s'est passé quoi ?
Motoko : Mon maître, mes frères d'arme et moi étions en train de tenter de couper dans la masse des Okamis pour atteindre leur chef quand ils se sont soudain dispersés. Nous t'avons rejoint à peu près au même moment que les mercenaires et la milice. Inconscient et blessé, nous t'avons fait analyser par l'apothicaire de l'école des Huit Bambous avant de t'amener ici et je suis restée pour te soigner.
Haiwaken : Heu... Nan... Avant... Pourquoi il y avait une telle quantité de ces loups monstrueux ? J'ai dû fuir la forêt et je suis tombé sur... Oh ?
Motoko : Oui ?
Haiwaken : Les gosses ? Il leur est arrivé quoi ?
Motoko : Quels enfants ?
Haiwaken : Des chasseurs. J'ai vu les loups leur foncer dessus. Les adultes étaient trop loin et en plus les bestioles venaient d'un côté qu'ils ne surveillaient pas. J'ai foncé... Frappé... Et ensuite, je me suis mis sur le chemin parce que d'autre bestioles menaçaient ces enfants... Heu... Aïe !
Elle m'a tapé d'une pichenette sur le front mais le choc m'a enfoncée la tête dans l'oreiller. Ses pichenettes c'est pas de la blague ! Le genre à te faire porter une minerve !
Motoko : Tu es AUSSI un gamin, Haiwaken-kun.
Haiwaken : Désolé...
Motoko : C'est très sérieux, jeune homme. Tu t'es battu à un trop jeune âge avec bien trop d'intensité. Tes chakras sont abîmés et ton Ki va avoir du mal à circuler dans ton corps pendant des mois sans la bonne pharmacopée.
Je me rappelle des crampes. C'est vrai que mon corps reste celui d'un enfant et j'ignore à quel âge on peut pratiquer la magie ou le Ki sans danger. Elle vient de parler de médicaments... Si ça se trouve, j'ai ce qu'il faut dans l'Inventaire de la tablette ? Nan, j'ai bien trop forcé ces derniers temps. Un peu de repos me fera du bien.
Haiwaken : Je vois... Au moins, je vais pouvoir me payer des médocs avec tout les Tamagane que je me suis fait.
Motoko : Les écrits sont formels. En cas de bataille, la totalité des Tamagane reviennent aux autorités de la cité concernée. Libre à elle de distribuer des récompenses en fonction des mérites.
Haiwaken : Quoi ?! Donc j'ai fait tout ça... pour rien ?
Je ne sais pas combien de Pex j'ai gagné mais j'en ai dépensé des tas en potions d'endurance en pleine bataille. Sans parler de la potion de paralysie que j'ai fait engloutir à l'O-Okami. Je n'ai même pas regardé son coût tant j'étais en mode stress.
Paralysie ?
Minute...
Haiwaken : Heu... Je vais quand même avoir une récompense pour le chef de meute, non ?
Motoko : Tu l'as à peine égratigné jeune homme. Ce sont les flèches des chasseurs qui l'ont vaincu.
Haiwaken : Hein ?
Motoko : Tu n'as pas vu les traits ? On m'a dit qu'une douzaine étaient plantés dans son corps quand il s'est enfin effondré.
Et merde... Même ça je l'ai raté. Du coup il va me falloir trouver autre chose comme coup fumant pour pénétrer en ville.
Motoko : Repose-toi. La cérémonie des récompenses aura lieu dans deux jours. On saura alors quels seront tes gains
Haiwaken : Quelles récompenses ?
Motoko : Pour les participants à la bataille. Des mérites ont été obtenus et des traits de gloire accordés. Bien entendu, c'est pour ceux avec un bon rang social. Je n'y serais pas, ainsi que l'immense majorité des mercenaires bien qu'ils aient le plus grand tableau de chasse.
Elle m'appris alors le concept de classes sociales. Cela ne l'ennuya pas d'en parler car, selon ses propres mots, je suis de toute façon un sauvageon sans la moindre éducation.
Je croyais que la force faisait tout mais cette dernière est surtout un moteur pour escalader les classes sociales. Au plus bas, sans surprise, se trouvent les criminels. Juste au-dessus sont les ninja. Après ce sont tous les travailleurs non qualifiés comme les balayeurs et autre attribués aux tâches ingrates. On trouve après ça les bateleurs et les comédiens. Les paysans viennent ensuite. Et c'est là que débarquent les guerriers, qu'il s'agit de mercenaires de l'Union, de troupes privées ou de lames voyageuses.
Oui, les marchands et les artisans sont d'une classe supérieure au guerrier de base.
Après viennent les militaires et les membres des écoles. Les gradés et les chefs des cités ont un rang supérieur aux membres des écoles. S'ensuit les rangs de noblesse mais c'est trop complexe pour Motoko et elle préfère s'arrêter là.
La situation des guerriers est en effet particulière. Un guerrier faisant de l'art garde un rang social supérieur à celui d'un comédien et un autre qui est capable de forger a un standing plus élevé qu'un guerrier classique. Enfin, les combattants les plus puissants reçoivent généralement des troupes à diriger ou des terres à gérer, leur faisant acquérir rapidement des titres et des rangs. Mais ceux qui sont du genre à ne vivre que par la lame malgré leurs talents sont des ronins, une caste très hétérogène regroupant brigands mal dégrossis, nobles déchus et élèves permanent de la voie de la lame.
Elle me conseille de les éviter comme la peste. Merci, je suivrais ce conseil avec toute la prudence nécessaire.
Haiwaken : Et pour tout ce qui a trait à la magie ?
Motoko : Les Shugenjas sont à part. Les plus faibles sont traités comme des guerriers tandis que les plus puissants sont traités comme des seigneurs, qu'ils aient des terres, des responsabilités ou pas. Il y a aussi les alchimistes qui se trouvent au-dessus des artisans mais tout dépend de leur compétences. Les plus doués peuvent siéger à la table de l'empereur sans que quiconque ne s'y oppose. La force fait le droit !
Bon...
Et moi dans tout ça ?
Mes parents étaient fermiers vu ma compétence Agriculture, donc je ne suis pas d'une haute classe sociale de base. Qui plus est, j'ai cessé de travailler dans les champs depuis des mois et prend tout doucement la voie d'un manœuvre donc un des niveaux les plus bas. C'est insultant. Après tout j'étais capable de travail de haute précision. Avant le passage aux écrans plats je pouvais démonter et remonter une télévision.
Haiwaken : Merci pour toutes ces informations. Visiblement, il va falloir que j'apprenne un métier assez vite si je ne veut pas être traité presque comme un criminel.
Motoko : Tu es trop pressé pour ton propre bien aussi... Les écoles ont des élèves sur la voie du sabre avant leur dix ans mais personne ne parviens à briser les liens du Ki avant ses douze printemps. Et s'ensuit deux bonnes années pour tremper le corps et lui permettre de l'utiliser en combat. Aller plus vite que ce que son corps est capable ne fait qu'endommager les chakras et méridiens. Tout est affaire de patience une fois que l'on est conscient de l'énergie qui nous entoure.
Haiwaken : D'accord... Dès que c'est possible, je retourne à ma cabane en forêt pour me remettre tout doucement.
Motoko : Ce sera difficile. Les membres du Corbeau Gris sont en ébullition, cherchant frénétiquement la perle de jade trouble.
Haiwaken : Encore cette foutue perle de jade ! Bordel ! Mais c'est la pierre philosophale ou quoi ce truc ?!
Motoko : La quoi ? Enfin, bref, ces perles ne sont pas si rares que cela mais elles sont très surveillées. Car si elles permettent de produire des élixirs très efficaces elles entrent aussi dans la composition de dangereux poisons. Leur extraction et leur transport sont la chasse gardée de l'empire et n'en voler ne serait-ce qu'une seule est un exploit. Un clan de l'est y est parvenu et l'a fait exfiltrer ici pour la faire raffiner par le clan du Corbeau Gris en une potion inconnue. Sauf qu'une fois parvenue ici elle a disparue. Elle est source de conflits entre ces deux clans criminels et tant qu'elle sera dans la nature elle sera prétexte à des affrontements.
C'est pire que ce que je pensais...
Je suis bien content de ne pas avoir été là pendant tout ce temps dis donc...
Haiwaken : Si ça se trouve, elle a été détruite ou consommée depuis le temps.
Motoko : Impossible. Pour commencer, seuls les alchimistes ont de quoi entamer ces perles qui sont presque indestructibles en temps normal. Au passage, ne dis jamais que quelque chose est indestructible à portée d'oreille de mon mentor. Conseil d'amie. Ensuite, on ne l'a pas retrouvée dans les cadavres.
Haiwaken : Les... les cadavres ?
Motoko : Naturellement. Quiconque avale une de ces perles subis son courroux. Tout d'abord le mal des chairs de soufre qui paralyse progressivement le corps puis la mort.
Oh ?
Oh....
Oh... non...
Je suis dans la... mouise...
Pas étonnant que j'étais suspecté par les gamins des rues. C'est parce qu'ils avaient de bonnes raison.
Funérailles...
Motoko : Que sait-tu ?
Méga-funérailles ! Elle et son regard laser !
Haiwaken : Si personne n'y a touché... Je pense savoir où elle est.
Motoko : Vrai ?
Elle se relève d'un bond, une expression grave sur son visage. Le genre qui signifie que si on dit « c'était une blague ! » après ça, qu'elle le prendra comme une tentative de suicide assistée.
Haiwaken : Mais... Je vais avoir besoin d'aide...
Motoko : Tu peux compter sur ma lame ! Si besoin est, je peut faire venir une douzaine de disciples de Shinden, assez pour se faire tenir à carreau le clan du Corbeau Gris ! Ils ont beau être nombreux, ils savent que si ils deviennent notre cible ils ne peuvent survivre !
Haiwaken : Tu ne peux rien faire pour ça...
Motoko : Quoi ! Tu oses me sous-estimer ?!
Je lui fais un grand sourire.
Haiwaken : Pour ça, on aura besoin d'un slime.
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