Chapitre 24 : Enfin au chaud.
Arc 2 : La vie dans la cité.
Plusieurs années relativement paisibles sont passées pour moi comme pour l'empire Keikoku-Eien.
J'ai enfin obtenu le droit que je désirai, celui de pénétrer dans la cité. Ce monde me promet plein de choses intéressantes mais, pour le moment, j'ai tranquillement consolidé mes bases. Je suis arrivé ici avec un corps très jeune, maladif et on risque de croiser des trucs quelques crans au-dessus des animaux sauvage si on se risque à voyager de ville en ville. Du coup, j'ai d'abord renforcé mon corps et mon savoir afin de pouvoir ne serait-ce que sortir de chez moi sans risques. Ma vie précédente ayant été peu impactée par la seconde guerre mondiale et s'étant déroulée dans une localité relativement tranquille m'a mal préparé à cette situation.
Ayumi-san, la femme de l'Union, m'a patiemment martelé tout le savoir courant et le bon sens local. C'est un professeur peu patient et adepte de la tige de bambou frappée sur le dos lors de mauvaises réponses ou de manque d'entrain. J'ignore si c'est la manière classique d'apprendre ici mais c'est celle que j'ai eue dans mon enfance donc ça ne m'a pas vraiment dépaysé. Assis au sol à mon petit bureau, j'ai donc assimilé patiemment les rudiments de la langue et des coutumes afin de passer pour un citoyen à peu près potable. L'étiquette du sauvage me colle encore à la peau, hélas...
Je vis à présent avec Megumi-chan, une fille un peu plus âgée que moi ayant longtemps été en compétition avec ma pomme pour les petits boulots de rang 2 les plus rémunérateurs. La gamine, très motivée, m'a impressionné et j'ai réussi à lui faire comprendre après plusieurs tentatives et des semaines d'approches prudentes que je serai très intéressé par un partenariat. Défigurée par une blessure jamais vraiment guérie lui barrant le visage, la petite Megumi porte toujours des habits de travail d’artisans à savoir des tenues robustes pleines de poches. C'est ce premier point qui a tout d'abord piqué mon intérêt, la rendant unique parmi tous ces gamins mal habillés. Malgré sa tête en permanence bandée, elle débordait d'énergie et d'une hargne farouche. J'ai finit par apprendre de sa bouche que c'est parce que ses parents sont décédés et qu'elle a été jetée hors de la forge de son père, reprise par son oncle. Depuis, elle continue de vivre dans le logis familial, à l'étage de la forge, devant supporter le bruit d'un travail qu'elle adorait mais qui lui est à présent interdit.
Entre orphelins on a finit par s'entendre. Je vis donc avec elle et on collabore pour se faire deux fois plus d'argent que ce que l'on se faisait individuellement. Je vais en forêt pour liquider de petits Yokais et rassembler quelques trésors. Elle, elle les modifie pour en faire des produits à valeur ajouté que je revends à Maya.
Oh, oui, c'est vrai. Maya-san a réussi à pénétrer en ville aussi. Il faut dire que Shin-Okonda n'existe plus. Le coup de la ruée des Okamis a semble-t'il décidé le seigneur local de se débarrasser définitivement du bidonville. Les propos élogieux du personnel de recrutement lui ont permis de rentrer en ville et de tenir une nouvelle boutique de matériel d'occasion. Ce n'est pas dans une rue très passante mais elle vit mieux, ce qui est le principal. Elle fait partie des rares habitants de Shin-Okonda a avoir eu le droit de refaire leur vie au sein de la cité. Les autres ont été « encouragés » à rejoindre les villes dont ils étaient originaires. Le Clan du Corbeau Gris a totalement disparu de la circulation mais je suis sûr qu'ils se font juste discrets après l'attention record qui leur a été portée par la garde.
Bref, en plus de notre gagne-pain tout à fait légal et ne nous mettant pas en porte à faux avec les puissants de ce monde (un grand plus par rapport à mes histoires de bouteilles de verre), je ramène aussi de l'argent avec d'autres requêtes de l'Union pendant que Megumi se crée un petit réseau de connaissances au sein des employés et apprentis des marchands locaux.
Bien que je n'avais normalement que trois mois de formation de payées, Ayumi insiste pour me donner régulièrement des leçons particulières. Je ne dis pas non à quelques Pex bonus. J'ai ainsi pu faire passer la compétence Langue dans le positif et c'est une sensation étrange que de retenir de façon permanente des mots en une langue inconnue. Elle s'est même mise en tête de m'apprendre des mots en deux autres langues que l'usuelle, une utilisée surtout par les marchands et l'autre par les nobles. C'est surtout pour repérer des mots dangereux si ces derniers veulent négocier des points qui nous sont défavorables dans notre dos.
Bref, ma vie se résume à des quêtes solitaires diverses et variées pour l'Union jusqu'au rang 3 à présent, de l'artisanat en compagnie de Megumi et des formations avec Ayumi.
Oh, et mes visites aux écoles de sabre.
Je n'en ai eu que quelques unes à l'école Shinden. Il faut dire que c'étaient des invitations d'Ishima, le maître de Motoko, et que c'est le genre d'invitation que personne ayant un cerveau en état de fonctionner ne peut refuser. Sous peine de voir le dit cerveau se sentir à l'étroit dans une enveloppe crânienne ayant perdu vingt bons centimètres de circonférence. Il a une réputation de fou furieux, lunatique, totalement hors de contrôle et d'une politesse de sanglier. La plupart des guerriers d'Okonda se couperaient une couille pour apprendre sous son aile.
Les premières fois il m'a donné un sabre de bois avant de me dire de frapper un mannequin de paille. J'ai frappé trois fois puis il m'a dit de partir. Puis, après trois séances de ce cirque, il m'a juste demandé de rester assis et de méditer en faisant circuler le Ki. Il continue de me sourire, de me regarder puis me renvoyer dans mes quartiers. C'est la cinquième fois seulement qu'il m'a accordé plus de trois mots d'affilés tout en gardant ce sourire amusé qu'il semble avoir en permanence rivé au visage.
Dans son pavillon personnel, petit bungalow dans un coin de la vaste cour de l'école qui occupe tout un pâté de maison à elle seule, le guerrier m'a fait m’asseoir sur un de ces coussins de paille circulaire que j'ai finis par accepter comme ce qu'ils considèrent un siège. Une théière était prête et il me versa tranquillement une tasse sans me demander mon avis.
Et moi qui adorais le café... Je tuerai pour un expresso.
J'accepte la tasse avec les gestes que m'a appris Ayumi à grand renfort de coups de bambou et attendis patiemment que le maître d'armes m'explique pourquoi il m'a convoqué une fois de plus.
Ishima : Je t'ai bien observé, Hai-kun. Tu sais bien te tenir avec une arme. Pas comme si tu as appris en frappant de la paille mais en frappant quelque chose qui bouge. Qui vit. Qui réplique.
Haiwaken : Je n'ai effectivement pas eu de formation au combat avant mes cours chez l'école Jumoken. Et ils se concentrent actuellement sur la lance, une de mes armes de prédilection.
Ishima : Et le Ki est très libre dans ton corps. Fluide. Chez lui. Pour la plupart des personnes, il faut d'abord le dompter. Il cherche à briser le corps de l'intérieur et ça peut arriver, sans professeur.
Haiwaken : …
Ishima : Tu vas aller loin. Très loin. Mais c'est trop tôt.
Haiwaken : Heu...
Ishima : Hai-kun... tu me donnes quel âge ?
Dur à dire. Le colosse a une musculature digne d'un catcheur au top de sa forme. Et pas le genre gréco-romaine, le genre américain à grand spectacle et même dans la fourchette supérieure. Il a un visage assez ridé et des cheveux gris mais tout en lui respire la force et la vitalité. Sa face est le meilleur indice qui m'est disponible... Je dirai donc...
Haiwaken : Dans les... Soixante-dix ans ? Un peu moins peut-être.
Ishima : Har Har Har !
Son rire fait trembler les murs !
Ishima : Tu es vraiment nouveau dans le coin ! Ça se voit.
Haiwaken : Heu... Navré si je vous ai insulté, ce n'était pas dans mes intentions ! Ayant passé la majeure partie de ma vie dans...
Ishima : Je vais avoir deux cent ans.
Cerveau en phase d'extinction.
Ishima : Har Har Har ! Tu sais vraiment rien de rien ! Reprends du thé, tu viens de renverser l'autre sur ton pantalon.
Je bondis, me rendant subitement compte de la chaleur. Avec un large sourire, il me verse une nouvelle tasse avant de se lancer dans une longue explication.
La quête de puissance des Bushins et Shugenjas n'est pas là que pour la gloire, le pouvoir et le respect. Il y a un autre objectif. Un objectif de long terme, au sens propre. Plus son corps fusionne avec la puissance magique imbibant Yamato-den, plus la longévité de la personne s'allonge. Les plus puissants peuvent vivre plus d'un millier d'années et l'empereur actuel est ainsi en place depuis près de sept siècles. On appelle ces personnes qui brisent la logique les immortels vu leur espérance de vie écrasant totalement celle des personnes normales. Un guerrier de premier rang qui contrôle son Ki peut se battre sans soucis jusqu'à l'âge de quatre-vingts ans. S'ensuivent alors des rangs de maîtrise qui culminent avec le dixième rang qui, en fait, rassemble tous ceux que les systèmes de notations normaux ne peuvent évaluer.
Avec un grand sourire, le maître Ishima poursuivit.
Ishima : L'apparence que l'on garde le plus clair de notre vie d'immortel, c'est celle que l'on a au moment où l'on a un tel niveau de maîtrise du Ki ou du Mana que notre vie se trouve liée à Yamato-den. Ce qui veut dire que l'on trouve beaucoup de vieux imbéciles dans mon genre à traîner leurs carcasses un peu partout à impressionner les petits nouveaux. Donc décide maintenant, Hai-kun. Décide vite. Est-ce que tu veux passer le reste de tes jours dans un corps qui n'a même pas de poils sous la ceinture ?
Il est convainquant, hein ?
J'ai immédiatement mis mes projets de contrôle du Ki entre parenthèses, me concentrant sur mes bases, encore mes bases, toujours mes bases.
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