Chapitre 25 : Cadre de vie.
Je vais vous parler un peu d'Okonda et du territoire l'entourant.
Cette ville a un bon niveau de prospérité à cause de sa position géographique. A l'ouest se trouve le Jigoku, une région entièrement contrôlée par les Yokais. Désertique, chaotique et dépourvue de ressources intéressantes valant le coup, cette zone est un champ de bataille permanent surveillé par tout un chapelet de forteresses. C'est loin d'ici et le gros intérêt d'Okonda est de se trouver sur le fleuve et les routes que les bateaux et chariots utilisent pour ravitailler les forteresses les plus au sud de la ceinture défensive. En plus, la forêt ici pullule de donjons, des créations naturelles étranges piégeant des monstres mais donnant aussi des trésors raffinés qui aident beaucoup au combat contre les Yokais. Les Tamagane ne sont pas les moins importants de ces trésors.
Au sud se trouve une vaste forêt qui, dans son immense majorité, n'est pas explorée ou cartographiée. Il y a des terres civilisées très loin dans cette direction mais cet espace infesté de Yokai fait office de frontière naturelle. L'est de la cité est son principal lien avec la civilisation et les autres gouverneurs dépendant du même daimyo et est décoré de petits villages plus ou moins fortifiés qui alimentent le marché en produits des quatre saisons. Le nord... C'est un peu le chaos. Terres divisées appartenant à un chapelet de petits seigneurs vindicatifs dépendant d'un autre Daimyo, la plupart des gens d'Okonda agissent comme s'ils n'existaient pas.
Avec les artisans fabriquant armes et armures, la production locale de denrées, les trésors qui alimentent l'effort de guerre et les écoles de sabre et de magie qui permettent des recrutements réguliers, Okonda est une ville qui se porte bien même si ça se produit au détriment de tout ce qui est culturel ou planification au long cours. Cette cité n'est qu'une étape vers un champ de bataille permanent, l'alimentant en guerriers, mages et nourriture. La ville ne grandira pas plus et rien n'est prévu en ce sens, hélas. Du coup, ce n'est pas l'endroit idéal pour faire du tourisme.
Laissez-moi vous présenter un peu la cité d'Okonda elle-même.
Elle est barrée par le fleuve Yugo d'ouest en est. Il prend source dans des montagnes situées dans le territoire des Yokais et s'écoule paresseusement jusqu'à des cités plus lointaines dans les terres et une hypothétique mer très, très loin à l'est. Il y a donc un tiers de la ville au nord du fleuve et cette zone regroupe tout ce qui est « important ». Pour commencer, au centre de cette portion se trouve le palais du gouverneur. Il y a sous un même ensemble de toits tout ce qui est administratif, judiciaire, policier et régalien. Bien sûr, le maître de la cité vit dans une zone bien séparée (et spacieuse) de la populace mais même ainsi ne peuvent avoir accès à ces endroits que ceux qui y travaillent ou y sont convoqués. Le nord-est de la cité regroupe une sympathique collection de domaines, de belles maisons et autres pavillons de chasse d'autres samouraïs, seigneurs à proximité ou hommes influents comme des alchimistes, marchands ou maître d'une école particulièrement influente (ils appellent ça secte). Le nord-ouest est beaucoup plus terre-à-terre vu qu'il regroupe les principaux greniers, stockages et casernes militaires de la ville. La raison en est simple : C'est aussi là que se trouve la porte ouest qui mène vers le front. Encore un endroit où la piétaille n'est pas autorisée à se promener. Les trois ponts enjambant le fleuve sont réservés aux convois pour celui le plus à l'ouest, pour les travailleurs bossant pour le seigneur pour le pont central et pour les services aux richards pour le pont le plus à l'est. Ils vivent tellement séparés du reste de la plèbe qu'ils pénètrent en ville par une porte dédiée, l'entrée nord.
La plupart du trafic vers les deux-tiers de la ville habités par les citadins de classe moyenne et inférieure passe par la porte située à l'est qui est, sans surprise, la plus encombrée et utilisée. La porte sud est à présent une espèce d'itinéraire de délestage depuis la destruction de Shin-Okonda et la plupart des paysans vivant à l'extérieur des murs préfèrent encore faire le détour par le sud que de supporter les heures d'attente causés par les convois de marchands. C'est aussi par le sud que je sors pour aller en forêt mais bon... c'est un peu une évidence.
Comme je l'ai senti à ma première arrivée, les pâtés de maison sont organisés comme les classes sociales. Les plus riches donnent sur les avenues et plus on est pauvre, plus on se trouve profondément dans les dédales formant l'intérieur de ces damiers citadins. Il y a aussi une espèce de gradation qui fait que les pâtés les plus proche du nord sont aussi les plus sûrs et les plus riches. Ce n'est pas que la zone tout au sud soit au niveau de Shin-Okonda, c'est juste que ces endroits ont peu de magasins, de zones de marché ou autres possibilités de loisirs. Des cités-dortoirs, quoi.
Moi ?
Je vis à un des endroits les plus chers de la ville. Premier et second étage d'une maison d'avenue avec vue sur le plus grand marché de la ville, si vaste qu'il occupe tout un pâté à lui tout seul ! L'endroit grouille en permanence d'activité et j'aime bien y traîner pour voir quels trucs bizarres les marchands étrangers vont essayer de refourguer à ce petit bonhomme pas très malin qui semble ne pas savoir quoi faire de son argent. Huh huh, les pauvres s'ils savaient...
Heu... Bon, je ne fait que squatter hein ?
La situation est un peu complexe...
Pour résumer, c'était une des meilleures forges de la ville avant. Grâce à son talent et à la bénédiction d'une créature sacrée légendaire, le maître-forgeron Idaï qui fournissait d'excellentes armes et armures a pu avoir cet endroit très convoité. Le rez-de-chaussé était l'atelier pendant que les étages étaient les logis pour lui, sa famille et ses apprentis. Hélas il a été tué il y a quatre ans pendant qu'il ramenait des lingots de métal de qualité d'une autre ville à celle-ci. Les brigands de grand chemin sont une triste réalité ici. Vu que son épouse est décédée de maladie des années auparavant, tout revenait à sa descendante, sa fille Megumi. Malheureusement pour elle, le frère de sa mère a pris le pouvoir par la force et l'a chassée de l'atelier, condamnant l'escalier principal au passage. Seul l'escalier de service qui était dédié aux apprentis pour monter jusqu'au deuxième étage leur servant de logis est resté libre et il a fallu créer une ouverture rustique dans la petite cage d'escalier au niveau du premier étage. Bien sûr, la petite Megumi s'est rebiffée. Ici, dans ce monde où existe le Ki et la magie, croire que les femmes sont faibles et soumises est une erreur que l'on ne fait qu'une seule fois.
Hélas, si le gros Goro ne sait rien de la forge il sait se battre et n'a pas hésité à défigurer sa propre nièce d'un coup de cravache. Idaï étant mort sans laisser de testament et la force faisant droit, c'est Goro qui a récupéré la forge et qui la tient d'une main de fer depuis, forçant les anciens apprentis d'Idaï à travailler pour lui. L'Union n'aime pas cette situation, le père de Megumi ayant fourni du très bon matériel au fil des années aux troupes du gouverneur comme aux mercenaires sans parler de l'avenir de la bénédiction maintenant que le propriétaire légitime est décédé. Mais la force fait droit.
Inutile de dire que la jeune Megumi ronge son frein en permanence, s'entraînant à la métallurgie comme une damnée. Vu que je lui fournis du métal à l'aide de mes petits flacons d'eau et qu'on a réussi à installer une petite forge dans l'ancien salon de ses parents elle peaufine son art en sculptant des boucles de ceinturon, des charnières de portes, des clous et tout ce qui est assez petit pour ne nécessiter que de petites quantités de matériel. Déjà vu qu'on est à l'étage le sol n'est pas assez robuste pour une grosse installation, c'est donc juste un détournement du four familial en guise de forge et un jeu de petites enclumes et d'outils bricolés. Mais c'est beaucoup plus que ce qu'elle avait avant que je ne l'aide grâce à ma compétence Construction.
Elle est trop fière pour l'admettre mais je pense qu'elle est heureuse de m'avoir connue. Grâce à moi qui la fournis en matériel, nourriture et moyens de revendre sa production elle pouvait enfin devenir une forgeronne, même si c'était à une échelle limitée. Elle ne sort presque plus de chez elle mais ça ne la dérange pas. Elle déteste le regard des gens sur sa cicatrice de toute façon.
J'ai fait ce que j'ai pu pour furtivement la guérir. Je glissais de la potion de soin dans ses repas qu'elle a mangé, malgré le goût atroce que ça leur donnai. Sa blessure était trop vieille pour que mon traitement puisse effacer la cicatrice laissée par la plaie mais l'infection a enfin été stoppée, lui épargnant le port continu de bandages et sauvant son œil.
Oh, à propos d'infection...
L'appartement est probablement le plus étrange du pays. J'ai fournis matériel, produits et conseils pour le revoir de fond en comble. Megumi a d'abord été réticente mais, étant la personne à manier le marteau, elle a apprécié le fait de travailler de ses mains. Pour commencer, j'ai introduit la notion de cuisine équipée avec les rangements partout y compris dans des meubles fixés aux poutres du plafond. On n'a pas assez de vaisselle pour tout remplir mais cela ne l'a pas stoppée vu qu'elle a appliqué ça à l'atelier, multipliant les rangements possibles et imaginables pour simplifier son travail. Mais, dans le même temps, le rendant impossible pour qui que ce soit d'autre. Je ne pourrai même plus lui tendre un outil, ne sachant pas où elle l'a mis.
J'ai aussi revu de fond en comble ce qu'ils nomment pudiquement toilettes et que je nomme nid à maladies. Fini le bac que l'on descend à la main pour que des employés viennent les ramasser pendant la nuit. J'ai transformé la petite pièce en cloisonnant un espace cubique de cinquante centimètres de côté recouvert d'un couvercle basculant. Sur toute la surface interne, les planches sont traitées et polies pour ne pas laisser de prise et, à l'intérieur de cette boite... Un slime.
Il se nourrit de nos déjections, reste de repas et débris de forge. Plus d'odeur, de saletés... En fait, Megumi a même installé un petit panneau mobile dans le couloir qui permet de jeter à manger pour le slime sans avoir besoin d'entrer aux toilettes. Un vide-ordure fantasy, quoi. J'ai juste à changer de slime quand l'actuel devient si bien nourri qu'il a trop grossi, le ramenant en forêt et partant en chasse de son remplaçant, plus famélique.
Le trafic de slime n'est pas interdit, juste non réglementé. Visiblement, ça ne viendrait à l'idée de personne de manipuler ainsi ces trucs qui ont une sale réputation de mangeur de crottes. Tant pis pour eux, ils ne savent pas ce qu'ils ratent.
Dans le même registre propreté, un flacon d'eau de javel parfum lavande n'est que de 10 Pex. Le citron est à 15 et la pêche à 20. Surtout, ne pas se poser de questions...
Bref, ma copropriété est si propre qu'elle en luit presque dans l'obscurité, j'ai une amie fiable et digne de confiance qui tient le fort, un boulot varié me permettant même de mettre de l'argent de côté, des séances d'entraînement encadrées chez Jumoken... Et un Statut en net progrès !
J'ai tout mis à 20 et laissé progresser jusqu'à 22 pour certain juste avec les efforts quotidiens. C'est plus de 30 points par niveau après tout à présent ! Quand à mes Compétences, j'ai débloqué mes derniers DLC en les faisant passer au niveau +1 et les ai laissées grossir à leur rythme depuis. J'ignore si 100 est le niveau maximal et ne sais pas plus quel est l'ordre de grandeur d'un guerrier local classique. Sans utiliser la compression temporelle, n'importe qui peut avoir l'avantage sur moi à l'entraînement de Jumoken ce qui prouve bien qu'un niveau de 1 ou de 2 à la lance ou à l'épée reste quelque chose de faible. Je manque de bases.
Les bases. Encore les bases. Toujours les bases.
Pas grave, j'ai le temps.
Chacune de mes missions en solitaire dans la forêt est l'occasion d'affiner ma maîtrise !
Solitaire... Pour deux raisons. La première c'est que si mes niveaux en Compétences restent faibles, ce n'est pas pareil pour les scores de Statut vu ma vitesse, ma facilité à briser des branches et autres exploits physiques dignes d'un sportif de haut niveau, pas d'un gamin de dix ans. Bref, si je vais à fond personne n'arrive à me suivre.
La seconde... Je suis un sauvage.
C'est fou ce que ça peut être collant les réputations...
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