Chapitre 28 : Périls gustatifs.

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Haiwaken : Bonjour Maya-san !

Maya : Hai-kun ! Heureux de te voir ! Viens, viens !


Elle se porte bien mieux à présent. Même si elle vit toujours avec des prothèses rustiques et des béquilles, Maya est à présent habillée de la robe grise des commerçants et a des cheveux propres et bien peignés. On dirait qu'elle a rajeuni de dix ans avec toute l'énergie qu'elle déploie à présent.


Sa boutique, le Troc de Maya, se trouve dans la zone du sud. L'absence de magasins lui a semblé être un avantage et le manque de concurrence lui permet de bien gagner sa vie. Moins vaste que son ancienne échoppe, le Troc est mieux organisé avec des étagères et des meubles permettant de mieux présenter la marchandise. J'en ai même construit certains. Elle m'invite à l'arrière-boutique, laissant son apprentie gérer les ventes en son absence. J'aime bien sa maison vu qu'elle dispose de vrais chaises, nécessaires à cause de son handicap. Je m'assieds donc à table et après les politesses d'usage je sort les petits chefs d’œuvres de Meg-chan.


Ce n'est pas parce que c'est mon amie que je dis ça. Elle est vraiment douée ! Le cuir est poli et traité, le métal est huilé, les fourrures bien mises en valeur... Même s'il ne s'agit que de sacoches, de ceintures, de boucles de cape et autres fermoirs à ressort le tout est de très bonne qualité, agréable à l’œil et au touché. C'est une des meilleures ventes de Maya, son nom commençant à être répandu parmi les personnes usant de la porte sud. Au moment de partir elle me retient le bras.


Maya : Attends ! Faut que je te prévienne.

Haiwaken : Il y a un soucis ?


La dernière fois qu'elle était inquiète je me suis retrouvé avec un ninja sur les talons. Elle balaie mes soucis d'un geste avant de poursuivre.


Maya : Il y a des nouveaux en ville. Le genre discret.

Haiwaken : Pas assez discrets pour échapper à ton radar.

Maya : Mon quoi ? Ce que je veut dire c'est pas qu'ils veulent passer inaperçus mais qu'ils ne veulent pas qu'on sache qui ils sont. Ils portent tout le temps de grandes capes qui traînent par terre et couvrent même le visage. À peine si on voit leurs yeux.

Haiwaken : Et la garde les a laissés entrer ?

Maya : Visiblement ça les gêne pas mais des gens ont peur. Surtout les gamins.

Haiwaken : Des gens qui disparaissent ? Des blessés ? Des morts ?

Maya : Rien de ce genre. Même les pires des raclures hantant les caniveaux d'Okonda oseraient pas les affronter d'ailleurs. Le plus grand de ces inconnus mesure près de trois mètres !


Vive les rumeurs. Je suis sûr que ça a été très déformé, mais c'est tout à fait probable que de puissants guerriers transitant vers le front ou en revenant soient pendant quelques jours ici. Il paraît que la vie est bien moins agréable dans les forteresses de l'ouest.


********************


Les Trois Miracles tiennent toutes leurs promesses. Le personnel est discret, les pièces juste assez grandes pour une table carré et les invités pour un repas de huit personnes. Les décorations sont assez jolies et les meubles sont de bonne qualité. La première fois que je vois des objets aussi bien laqués et entretenus, signes extérieurs de richesse évidents. Le bâtiment respire un luxe honnête et discret, à l'inverse des maisons closes aux couleurs criardes que l'on trouve aux cœurs des Shikakus, les quartiers carrés de la ville. Je me tiens donc adossé à la porte avec une table dressée pour trois personnes.


Je ne vais pas m'attarder sur la nourriture disponible, vu que sa nature est en collision frontale avec ce que je mangeai avant ma résurrection. Ce que je trouve sur les stands ou prépare dans ma cuisine avec Megumi ce sont des préparation pour d'honnêtes travailleurs. Des légumes. De la viande. Du poisson. Des trucs que l'on peut... reconnaître.


Là, j'ai l'impression que le cuistot a crée un chef d’œuvre d'art topiaire avec de la nourriture. C'est coloré, de toutes les formes possible et au goût totalement inconnu. J'en suis encore à me demander si les personnes en face de moi vont mal le prendre si je ne mange rien.


Motoko : Désolée de t'avoir invité ainsi mais il fallait que ce soit discret.

Haiwaken : Pas de soucis. Merci de m'avoir fait venir ici, j'en ai entendu quelques rumeurs et l'endroit est... intéressant.

Motoko : Ces histoires d'amants ? Oublie, je ne suis pas là pour ça.


Tu m'étonnes...


Motoko est méconnaissable. Habillée de façon féminine avec un long kimono aux manches larges dépassant ses mains, ses cheveux bleus sont aussi détachés et délicatement coiffés lui donnant un aspect de jeune femme à peine mariée. Si l'on parvenait à oublier la lueur étrange brillant en permanence au fond de ses yeux, on pourrait la croire inoffensive. L'inconnue qui l'accompagne par contre est beaucoup moins expansive. Très jeune, probablement juste un peu plus âgée que moi, elle est habillée d'une robe ample en plusieurs couches et sa tête comme son visage sont couverts par des voiles de la même couleur bleue ciel que sa tenue. Je ne vois même pas ses yeux.


Motoko : N'hésite pas à manger !

Haiwaken : Heu... Qu'est ce que c'est ?

Motoko : Pas la moindre idée. J'ai cherché ce qui était dans mes prix dans leur liste et l'ai pointé au hasard.


Quelle façon terrifiante de vivre ! La digne élève de son maître. Je tente donc quelque chose qui ressemble à un beignet pâle à la peau transparente révélant une boule de chair. Au moins, c'est petit. Je suis toujours aussi maladroit avec les baguettes et doit me reprendre à deux fois avant de l'amener à ma bouche.


Oh ? C'est du poisson.


Motoko : Considère ça comme une cérémonie d'entrée dans la vie de la cité ! Tu vas bientôt avoir dix ans !

Haiwaken : Tu connais mon âge ?

Motoko : Pas du tout. Tu avais sept ans en recevant le statut de citoyen à la fin de l'été. C'était il y a trois ans donc tu vas bientôt avoir dix ans et deviendra un habitant d'Okonda plein et entier. Félicitations !


Je souris, touché par l'attention. Même si Motoko est et restera sûrement toute sa vie une brute épaisse, elle n'en est pas mauvaise pour autant. C'est juste que sa façon de montrer de l'affection est si brusque que les bonnes mœurs locales la classe dans la catégorie folie. La bretteuse et l'inconnue se mettent aussi à manger, encouragées par le fait que je sois toujours vivant. Elle arrive à manger avec son voile par-dessus sa bouche ?


Motoko : C'est Naoko.

Haiwaken : Pardon ?

Motoko : La fille. Naoko est son nom.

Haiwaken : Hum. Pardon pour mon regard insistant mademoiselle Naoko. Je me nomme Haiwaken et suis un mercenaire de l'Union.

Motoko : Justement, vu qu'on en parle, avec tes dix ans tu pourras rejoindre un Kuru.

Haiwaken : Un Kuru ?

Motoko : Un groupe de mercenaires. Pas une des armées privées bien sûr ! Il y a beaucoup de missions de l'Union qui nécessitent d'être à plusieurs pour une escorte par exemple ou une exploration. Du coup, se forment des Kuru plus ou moins permanents.


J'avais effectivement observé ça à l'Union mais ça ne me concernait pas. Les enfants ont la plupart de leurs tâches dans les murs. Généralement des petits boulots pénibles de peu d'intérêt qu'on laisse à des personnes ayant un statut encore plus bas que celui d'apprenti. Je suis un peu un cas à part la plupart de mes tâches m'amenant à me risquer en forêt.


Motoko : Reste le principal soucis quand on va sur le champ de bataille. Il faut avoir confiance dans les mains qui tiennent les lames autour de soi ! Devoir garder un œil par-dessus son épaule, craignant le coup de poignard dans le dos, est un exercice pénible alors que l'on est occupé à faire voler des bouts de Yokais en tout sens.

Haiwaken : Ce doit effectivement être agaçant de ne pas pouvoir donner libre cour à sa pleine puissance occupé que l'on est à vouloir neutraliser des menaces dans son dos...

Motoko : Excessivement ! Et c'est pourquoi je te propose mon aide !

Haiwaken : Hein ? Mais, Motoko-san, tu es l'une des principale élèves de Shinden. Je ne pense pas que tu aurai le temps de...

Motoko : Pas en ce sens, jeune Hai-kun ! Je te parle de te trouver des personnes capables de t'accompagner face à l'ennemi en toute confiance !

Haiwaken : Oh ?


Hum...


Avoir quelqu'un qui me fait le tri séparant les faux-jetons des vrais bosseurs serait un plus, oui, je l'admets. Mais laisser ça entre les mains de Motoko ? Son échelle du bon sens a pris quelques tremblements de terre, je le crains.


Motoko : Et la première personne que je te conseille, c'est Naoko-chan !

Naoko : !!!!


La gamine sursaute avant de se ramasser sur elle-même, l'air gênée. Je suis un peu gêné aussi vu qu'il est clair que la jeune fille n'est pas vraiment volontaire pour le poste.


Haiwaken : Je suis ravi de l'attention, Motoko-san. Mais il faudrait que la personne soit capable de me seconder et me fasse confiance. Pour le moment...


Je ne sais rien d'elle. Ni de ses capacités et encore plus sur son apparence. Elle, si elle a subi le briefing de Motoko, doit tout connaître de moi. La relation est déséquilibrée.


Motoko : Oh, c'est vrai. On est à l'intérieur et personne ne peut nous entendre, retire ça.


D'un coup sec, elle retire les voiles couvrant la tête de la jeune fille. Sans surprise, elle est très gênée et regarde fixement la table, le rouge aux joues. Sa coiffure est presque la même que celle de Motoko mais avec quelques petits bijoux en plus. La couleur des cheveux aussi. Et son visage est...


Minute...


Haiwaken : Heu... C'est votre fille, Motoko-san ?


S'ensuit un blanc excessivement gênant. La guerrière est immobile, comme frappée par la foudre pendant que le visage de Naoko prenait plusieurs teintes de rouge supplémentaire. Puis, la bretteuse de Shinden éclate de rire, rayonnante.


Motoko : Tu as entendu ça, Naoko ! On se ressemble tellement qu'on croie que je suis ta mère ! Ça ne te fait pas plaisir !? C'est si mignooonnnn !


Puis elle se jette sur la petite, lui faisant toute une série de papouilles et frottant son visage contre le sien, extatique.


Naoko : Moto-chan... S'il te plaît... Pas devant des gens !

Motoko : Roooooh. C'est Hai-kun tu sais ! Je t'en parle depuis si longtemps qu'il est presque un membre de la famille !

Naoko : Moto-chan !


La pauvre essaye de se décoller de Motoko mais c'est peine perdue. Entre sa vigueur et son enthousiasme, il faudrait un bœuf et de solides chaînes pour l'arracher à cette séance gropoutou. Semblant se rappeler de quelque chose, elle se rétablit soudainement, reprenant sa position assise et sirotant une gorgée de thé comme s'il ne s'était rien passé pendant que la malheureuse Naoko remet de l'ordre dans ses habits.


Motoko : Quand à son efficacité... Elle sera efficace. De plus en plus. C'est une Shugenja.

Haiwaken : Vraiment ?!


Je regarde la jeune fille avec plus d'intérêt. Effectivement, vu qu'elle est un peu plus âgée que moi elle doit être sur le point d'atteindre le moment où l'on contrôle le mana. De façon surprenante, son regard s'obscurcit en remarquant mon attention.


Haiwaken : J'ai tellement de questions à poser... Par exemple, tu utilise quoi comme cercle de méditation.

Naoko : Voilà une bien étrange question...

Haiwaken : Ben le mien j'ai beau mettre toutes les pierres élémentaires dessus je ne sens aucune différence. Le mana circule de la même façon quel que soit l'arrangement... Enfin, presque. J'ai fini par trouver une position qui fait que ça améliore un petit peu l'efficacité de la méditation mais ça reste minime...


Ses yeux deviennent perçant et soupçonneux. Oui, elle est de la même famille que Motoko, aucun doute là-dessus.


Naoko : Tu sens la magie circuler ?

Haiwaken : En moi et hors de moi, oui. Je peut un peu la contrôler mais c'est du bricolage, pas de vrais sorts.

Naoko : Du... bricolage ?

Motoko : Tu te rappelles ce que je t'ai raconté sur son contrôle élémentaire ? Ce n'étaient point des mensonges.

Naoko : Quel est ton maître ?

Haiwaken : Heu... Je n'en ai pas. J'ai acheté le livre traitant des bases de la magie et je me suis entraîné tout seul en forêt en me basant dessus. Je ne l'ai plus à présent vu que l'on me l'a volé mais je me souviens du contenu et continue les exercices.

Naoko : Ne me dis pas que tu as déjà procédé à l'éveil de ton corps à la Majii !

Haiwaken : Je ne suis pas fou ! J'avais que sept ans quand j'ai fait celui au Ki et ça a détruit ma maison et une bonne partie de mes biens. Avant de faire celui à la magie je veut me renseigner un maximum !

Naoko : Tu en parles comme si c'était facile...

Haiwaken : Je n'ai pas de livres, de professeurs particuliers ou de sensibilité à un élément en particulier... mais j'ai très envie d'apprendre !

Naoko : Un guerrier qui veut apprendre la Majii ?

Haiwaken : Je veut mettre toutes les chances de mon côté !

Naoko : Quel est ton but en cette vie ?

Haiwaken : Explorer ce monde !


Cette réponse met enfin un terme à son barrage de questions. Pas que ça me gênait mais j'avais l'impression d'être face à Ayumi. Motoko, de son côté, a continué de grignoter et de boire. Remarquant le silence de sa voisine, la guerrière passa amicalement ses doigts dans les cheveux de la jeune fille, lui frottant le sommet du crâne.


Motoko : Je t'ai dit que c'est un énergumène particulièrement intéressant, non...

Naoko : C'est lui que tu as choisi ? Un mercenaire souhaitant une vie d'errance...

Motoko : Il a l’œil de Jumoken sur lui. Celui d'Ishima-san. Son rapport de l'Union est élogieux. Et son logement est parfaitement bien placé !

Haiwaken : Motoko... Je ne me rappelle pas t'avoir invité chez moi et les rapports personnels de l'Union sont strictement confidentiels...

Motoko : Détails, détails !


La jeune fille plonge dans le silence mais à la différence de celui qui a accueilli mon arrivée dans la pièce il est du genre studieux. Elle a les yeux baissés sur la table mais je sens des engrenages à la manœuvre derrière ces pupilles. Elle a toujours le rouge aux joues pourtant.


Motoko : Vous n'êtes pas forcés de choisir aujourd'hui. Hai-kun, tu ne pourras pas faire de Kuru avant la fin de la saison. Je t'encourage à ne joindre aucune équipe en place et fonder la tienne. Je te sais empli de vigueur et ce ne serait pas bon de fournir matière à jalousie avec des membres plus âgés et plus expérimentés mais inférieur à toi en bien des domaines.


Elle et son scanner qui lui sert de cerveau dès qu'il s'agit de bagarre... Vu que je ne connais pas les Statuts des gens autour de moi j'ignore donc quelle est la force, l'endurance ou la vitesse des autres mercenaires. Mais aucun ne dispose d'un équivalent à ma tablette qui me permet de grossir mes capacités à une vitesse confortable. J'ai accumulé un très confortable tapis de Pex avec le temps et je pourrais devenir puissant rapidement ! Mais ce n'est pas mon objectif.


Je me suis déjà fait remarquer une fois pour être beaucoup plus fort que nature pour un gosse. J'ai gardé profil bas depuis pour me faire oublier. Bien entendu, ça ne sert à rien face à une Motoko tenant du pitbull mais je ne remarque rien de particulier chez les gardes et ne me suis pas fait inviter au palais ce qui me convient totalement ! Vive la discrétion life !


Motoko : Allez, mangez ! Et après ça je vais faire venir le saké...

Haiwaken & Naoko : Motoko !

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