Chapitre 5 (partie 2/3)
À genoux, le Guerrier-cuistot s’appuya sur sa lance afin de se redresser, il avait le souffle court et ses muscles le faisaient souffrir. Il se félicita d’avoir utilisé la liqueur et le feu de camp pour ses souffles de feu en début de combat, sans cela il n’aurait pas tenu la distance.
Alors que ses compagnons, encore chamboulés par les événements, commençaient à s’activer, Joshua se dirigea vers la carcasse du manticore. Il comptait bien employer ses dernières forces à dépecer sa proie, attendre risquait de faire pourrir la viande. Le Guerrier-cuistot appela Hortho. Le bouquetin sautilla jusqu’à son maître et ce dernier sortit un assortiment de coutelas du chargement.
Puis sous les yeux médusés de la troupe et avec la précision d’un artiste, Joshua commença par retirer méticuleusement la peau du monstre. Malgré la taille de la créature et son anatomie peu commune, le Guerrier-cuistot retira la fourrure de lion ainsi que les cornes de bélier sans difficulté, en quelques minutes.
Joshua tendit l’immense pelisse au-dessus du sol, la maintenant en place avec plusieurs piquets de bois et de corde. Vint ensuite la viande du manticore, le cuisinier retira les viscères et les os du monstre et les mit à part. Trois piles sanglantes étaient à présent disposées sur de grandes toiles de cuir.
Joshua emballa soigneusement le tout et creusa un trou profond dans la neige prêt du chariot, afin de protéger son butin des prédateurs.
Ce ne fut que lorsque le dernier sac de sa récolte fut enterré, que Joshua alluma un nouveau feu dans la tente et emmitouflé dans une épaisse couverture s’abandonna aux affres du sommeil.
Les militaires et les gardiennes de la princesse n’avaient pu que rester silencieux, face au spectacle sanglant qu’avait été le dépeçage du manticore.
-Mais…mais pourquoi il a fait ça ? bégaya finalement Thara.
-Pour préserver la viande. Répondit Sophia, comme si la chose était évidente à ses yeux.
Presque tous firent des yeux ronds, à l’exception de Torya et de Sorya.
-Vous…Vous n’essayez…quand même pas de nous faire croire qu’il compte manger cette chose ? Demanda Borbon d’une voix fluette.
Étonné par la réaction du groupe, la princesse les regarda en levant un sourcil avant de répondre :
-Vous pensiez que c’était de la viande de quoi, que vous avez mangé ces derniers jours ??
Les visages se décomposèrent, Saché s’évanouit et Gabriel eut un haut le cœur. Des éclats de voix survinrent pendant plusieurs minutes.
Lorsque le calme revint Sophia reprit :
-Osez dire que vous ne vous êtes pas régalés avec le ragoût.
Puis sans laisser à qui que ce soit le temps de répliquer, la princesse tourna les talons et rejoignit son oncle près du feu.
Quelques minutes plus tard, les ronflements de Joshua, accompagnés de la respiration tranquille de sa nièce, retentissaient dans le silence nocturne.
***
Le Guerrier-cuistot se réveilla sous un soleil pâle, il estima qu’il était un peu plus de neuf heure du matin. Le jeune homme sentit plusieurs corps blottis contre le sien, il découvrit alors Sophia à sa droite et l’elfe noir à sa gauche. Un léger filet de sueur froide parcourut le dos du Guerrier-cuistot. Pour garder son calme, il jeta un coup d’œil autour de lui et réalisa alors que tout le monde dormait encore.
Les souvenirs de la veille lui revinrent et il fut alors pris d’une irrésistible envie de cuisiner la chair du manticore et il voyait parfaitement le repas adéquat.
En tremblant, il se dégagea de l’étau des deux femmes, qui grommelèrent dans le sommeil. Sans dire un mot, Joshua alla déterrer les pièces de viande de son précieux gibier. Il choisit une belle pièce du poitrail, prit un hachoir, un broyeur et entreprit de hacher la viande. Cela ne prit qu’une dizaine de minutes au maître cuisinier, une fois la viande hachée de façon homogène, il y mélangea plusieurs épices. Cette étape réalisée, Joshua découpa un oignon des marécages du sud et le fit revenir dans son fait-tout.
Le jeune cuisinier déglutit bruyamment, il était angoissé. Il n’avait encore jamais cuisiné un manticore. Certes il savait que la viande était comestible, mais il n’avait encore jamais tenté cette recette. D’un autre côté, cette perspective l’excitait plus encore que le duel avec le monstre.
Lorsque les copeaux d’oignons eurent la couleur désirée, Joshua y ajouta la viande et un filet d’huile d’olive ocre des plaines volcaniques de l’ouest.
La préparation se mit à cuire doucement, la viande commença peu à peu à brunir. Après quelques minutes de cuisson, le cuisinier ajouta un bocal de sauce tomate de feu, ainsi qu’une bonne quantité de haricots rouges du sud, puis laissa le plat mijoter. La chair grillée du manticore commença à répandre une savoureuse odeur qui tira en douceur les membres de la troupe de leur sommeil.
Joshua était tellement absorbé par sa préparation, qu’il ne remarqua même pas ses camarades qui se levaient pour s’asseoir près de lui pour l’observer. Après environ un quart d’heure de cuisson, le Guerrier-cuistot retira le faitout du feu et se servit une part.
La viande du manticore était maintenant d’un brun clair et le jus brillant laissait échapper les succulentes odeurs des épices et de la graisse. Joshua se mit à baver à la vue de cette nourriture, il empoigna sa cuillère et enfourna une bonne bouchée de son plat. Aussitôt ses papilles furent foudroyées par une myriade de goûts et de saveurs, les épices avaient relevé avec perfection la viande dont la texture était à la ferme et fondante.
Une larme de joie coula le long de la joue de Joshua. Il l’avait fait ! Son affrontement était une réussite aussi bien sur le plan martial que culinaire et il en était fou de joie.
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