Quinzième jour

Depuis mon accident, je viens chaque jour sur ce chemin pour observer la mer. Je sais qu'elles sont là. Je sais qu'elles m'observent. Elles m'ont sauvé la vie. Je ne sais pas comment. J'ignore pourquoi. J'ai tant de questions à leur poser.

La surface des flots est dégagé. Il n'y a rien aujourd'hui encore. Le soleil se reflète doucement. Il m'éblouit. Je n'ose pas prendre mes lunettes de soleil de peur de corrompre ma vue. Et si je loupais le détail qui fait la différence ? Le moindre bout de nageoire pourrait confirmer tant de choses....

Vingt-quatrième jour

Ce morceau de roche est devenu mon refuge. Mon îlot au milieu des flots. Personne ne vient troubler ma tranquillité en ces lieux. On me laisse le temps qu'il faut. Pour quoi, au final ? Faire le deuil de ma vie passée ? De ceux que j'ai perdu ? Je ne suis pas stupide. Je sais très bien qu'on ne me les rendra jamais. Les flots sombres ont avalé jusqu'à leur âme. Les souvenirs disparaissent doucement. Je me sens vide. Il n'y a plus que cette impression. Je veux revoir cette sirène !

Trente-neuvième jour

Mon psy ne veut plus que je vienne ici chaque jour. C'est un idiot. Il ne comprendra jamais mes motivations. Il n'est pas à ma place, combien même il a l'air d'y croire. Ses conseils sont aussi vides que moi. Je n'ai plus rien. Je n'aspire plus à grand chose. Je veux découvrir leur monde sous-marin. Rencontrer ces anges marins. Un nouveau départ dans un nouveau monde...

Quarante-septième jour

Demain, c'est le grand départ. Ils veulent m'interner contre ma volonté. Vous y croyez, vous ? Je suis un danger pour moi-même d'après mon abruti de psy. Personne ne lui reproche d'être un danger pour ses patients, pourtant. Je suis las. Les heures me sont comptées. Je ne veux pas aller là-bas. Je ne veux pas être éloigné de la mer. C'est mon nouveau chez moi. Je l'ai accepté. Encore faut-il que les flots m'acceptent à leur tour...

Je n'ai plus rien à faire parmi ces incompétents. Ils ne remplaceront jamais ma famille. Ils n'éveilleront aucun intérêt nouveau en moi. Je suis décidé. Tel l'explorateur que je rêve de devenir, je pose ma chemisette fleurie sur le rocher, soigneusement pliée. Mes chaussures la rejoignent en quelques mouvements. Ils sauront. Résolu, je jette un dernier regard vers la surface dégagée qui s'offre à moi. Sirène ou pas, j'arrive !