Une fenêtre vers le passé
Un week-end de rêve. C'est la première idée qui lui traversa l'esprit en déposant ses bagages au sol. Et un superbe cadeau pour leur anniversaire de mariage, se surprit-il à penser. Trois jours et deux nuits en amoureux dans une maison troglodyte. Un dépaysement total.
Amateurs d'Histoire, ils aimaient visiter des lieux chargés de souvenirs et de connaissances. Leur curiosité les avait poussés à réserver ce gîte pour leur repos commun, pour mieux se retrouver. Et profiter de cette vue à couper le souffle !
Là, au bord du vide, ils avaient une vue imprenable sur la forêt en contrebas et sur le petit village typique de la région, là, un peu plus bas. Le clocher de l'église surplombait l'ensemble. Un édifice superbe.
Marc aimait les habitations d'époque, en vieilles pierres et tuiles rouges. Cela lui rappelait son village natal et un flot de souvenirs l'assaillit soudain. Lui, enfant, qui courait dans les ruelles étroites, un bâton à la main. Il dessinait à même le sable des formes que lui seul comprenait à travers toutes les rues. Il se revit plus âgé, assis sur un muret avec ses amis, à côté de la place du village. Tout était calme. Ils appréciaient ces moments passés ensemble, sans se soucier des futilités d'un monde numérique en essor. Il se remémora sa peine lorsqu'il s'éloigna de son village adoré pour faire ses études. Un départ obligé. Pour la bonne cause...
Il eut alors le mal du pays. Ce petit coin tranquille lui rappelait tant de choses. Il aurait voulu tout plaquer pour rester ici, accoudé à cette fenêtre, et voyager dans le passé comme lui seul pourrait le faire. Plongé dans ses souvenirs, il en oublia l'instant présent et sa compagne qui venait tout juste d'émerger de la salle d'eau. Rafraîchie, elle s'était remise de la fatigue de ce long trajet en voiture. Elle n'avait pas l'habitude de prendre la route, ni de prendre le temps de faire les choses, tout simplement. D'ordinaires, ils avaient le métro, les bus et les taxis à disposition immédiate.
Embarqués dans la routine métropolitaine, ils ne faisaient que courir comme des automates épuisés. Ils ne profitaient de rien, de personne. Pas même de leur âme-sœur. Tout était triste, gris, monotone. Elle était ravie de changer d'air le temps d'un week-end. Elle savait combien son mari était sensible à cette atmosphère, nostalgique du temps passé auprès des siens. Elle voulait lui faire plaisir, découvrir ce paradis pour lequel il ne tarissait pas d'éloges. Mais ce village n'était pas le sien. Il fallait encore quarante minutes de voiture pour s'y rendre. Une proximité qui leur faciliterait la vie durant les jours à venir.
Elle ne doutait pas de son envie de s'y rendre. Elle avait même hâte, elle-aussi. Elle craignait cependant de se sentir exclue. Pas à sa place. Fille de la ville, elle n'avait connu que le goudron, le bruit et la surpopulation. Elle ne savait pas qu'on pouvait se retrouver seul, au milieu de la nature, bercé par le chant des cigales. Elle ne pouvait qu'imaginer un village où chacun serait bienveillant envers ses voisins, où tout le monde se souciait des autres. Elle se surprit à rêver.
Oui, elle avait hâte d'y être. Ses craintes ne pouvaient être fondées. Elle se laissa charmer par les lieux tout en s'accoudant à côté de son époux et oublia tous ses problèmes. Ils ne pouvaient qu'être bien ici, tous les deux...
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