Chapitre 23

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Where Is The Love - Black Eyed Peas

*Quelques années plus tôt*

– Encore un cauchemar ?

Le petit Antoine hocha la tête en tremblant, le front trempé et le souffle saccadé. Sa mère passa délicatement la main dans ses cheveux et se mit à les caresser. Elle était douce et apaisante. 

– Tout va bien, murmura-t-elle d’une voix rassurante. Je suis là maintenant, il ne peut plus rien t’arriver.

La respiration d’Antoine commença à se calmer, les battements de son cœur ralentirent peu à peu. Il déglutit.

– C’était horrible, il était là, devant moi…

– Le même monsieur que les autres fois ?

– Oui… On était sur le toit de la maison, et je criais ton nom aussi fort que je pouvais, mais tu venais pas… Et il m’a poussé… et je suis tombé de la maison…

En prononçant ses mots, il sentit des larmes lui monter aux yeux. Il se réfugia alors contre elle en serrant la mâchoire et en luttant pour ne pas pleurer.

– On va faire le petit rituel de d’habitude, chuchota-t-elle. D’accord ?

Antoine se contenta de hocher la tête, toujours blotti contre sa mère.

Elle le prit alors par les épaules, posa son doigt sous le menton de son fils et le tira lentement vers le haut pour lui relever la tête. Puis elle le regarda droit dans les yeux.

– Ferme les yeux, et suis mes paroles.

Antoine s’exécuta.

– Prends une grande inspiration. Concentre-toi sur tes sens, concentre-toi sur le silence de la nuit, sur la sensation du matelas en dessous de toi. Imagine-toi que le matelas devient de plus en plus moelleux, comme un chamallow, et tu commences à t’enfoncer dedans, petit à petit… Et tu entres dans un nouveau monde, un monde entouré d’eau dans lequel tu baignes. Tu te fais bercer par le courant, tu sens ton corps entier se faire porter par celui-ci. Et autour de toi, il y a des poissons qui dansent, de toutes les couleurs, de toutes les formes et de toutes les tailles. Imagine-toi un poisson en particulier, il peut prendre la forme que tu veux, c’est toi qui choisis. Il est de quelle couleur, ton poisson ?

– Il… je crois qu’il est orange. Orange avec des rayures blanches.

– Et il fait quelle taille, ton poisson ?

– Il est pas très grand… A peu près la taille de mon bras. Et il fait des tours autour de moi, il est drôle !

En disant cela, Antoine commença à rire doucement. Il se sentait beaucoup mieux et avait déjà oublié son cauchemar. Les yeux toujours fermés, il tendait les bras devant lui et agitait les mains, comme s’il jouait avec le poisson de son imagination. Et sa mère se mit à sourire doucement en posant sur lui ce regard que toutes les mères avaient pour leur enfant.

Et derrière eux, appuyé contre la porte, debout les bras croisés, le père d’Antoine observait la scène sans se faire remarquer. Aucun des muscles de son corps ne bougeait, son visage était fermé et son regard était sérieux. Des milliers de questions se bousculaient en lui, mais il ne laissait jamais rien paraître. Il ne voulait pas laisser sa femme gérer une deuxième personne qui se réveillait chaque nuit en sueur après un cauchemar, alors il gardait tout pour lui, accumulant sans arrêt, jusqu’au jour où il finirait par exploser…

***

– Dis, ça te dérange qu’on parle de… tu sais quoi ?

Tom se tourna vers Antoine et le regarda comme un enfant qui apprend que ses parents ont reçu son bulletin scolaire. 

Euh, oui, bien sûr…

Antoine se racla la gorge, faisant semblant de chercher ses mots, alors qu’il avait passé toute la nuit à répéter en boucle les questions qu’il voulait lui poser.

– Qu’est-ce que tu ressens pour moi ?

Tom détourna le regard et fixa le sol en rougissant.

– Je sais pas trop comment décrire… C’est un peu comme c’que je ressentais avec mes copines, mais en plus fort. Et puis j’ai remarqué que quand j’te vois avec d’autres gens, ça m’agace et j’arrive pas à me concentrer sur autre chose, un peu comme de la jalousie.

Après quelques secondes durant lesquelles Antoine essayait de remettre de l’ordre dans sa tête, il passa sa langue sur ses lèvres sèches, puis répondit fébrilement : 

– D’accord, je vois. Et est-ce que je t’attire, physiquement ?

Tom fronça les sourcils.

– Comment ça ?

– Bah… est-ce que quand on est ensemble, t’as envie de… je sais pas, de m’embrasser, ou de me serrer dans tes bras, ou même de me caresser ?

Son ami se mit à sourire doucement en soufflant du nez. Il releva la tête et plongea son regard dans le sien. Antoine fut immédiatement pris d’une bouffée de chaleur et les battements de son cœur accélérèrent brusquement.

– Tu viens de décrire ce que toi, tu ressens ! lança Tom en éclatant de rire.

Antoine détourna le regard, rouge comme une tomate. L’ambiance s’était un peu détendue grâce à cette remarque, et les deux garçons étaient un peu moins raides qu’au début de leur conversation.

– T’as sûrement raison. Mais j’te laisse tout le temps qu’il te faudra pour t’y habituer.

– À vrai dire, j’ai un truc qui me plairait bien.

– C’est quoi ?

Tom rangea ses mains dans les poches de son sweat et se balança d’avant en arrière sur le canapé. 

– J’aimerais bien, juste, poser ma tête contre toi. 

Antoine ne pouvait pas être plus heureux à ce moment-là. Son visage s’illumina d’un coup et il recula d’un coup au fond du canapé, et s’y allongea pour pouvoir accueillir Tom.

– Tu veux un coussin avec, ou pas ?

– Euh, non, comme ça, c’est très bien. Je faisais ça avec mes ex, j’aime bien entendre les battements de coeur, ça me rassure.

– J’espère que tu vas aimer, euh… le bruit des battements du mien… balbutia Antoine dans un moment de panique. 

Tom se leva alors du canapé pour pouvoir s’allonger à ses côtés, mais il fut interrompu par la sonnerie d’un téléphone.

– C’est le mien, lança Antoine.

Il fouilla dans sa poche et sortit son portable. Sur l’écran était affiché “Maman”. Il fronça les sourcils : elle ne l’appelait jamais, ce n’était pas normal.

Sans se poser plus de questions, il décrocha et activa le haut-parleur.

– Antoine ? fit une voix faible de l’autre côté de la ligne.

– Oui, qu’est-ce qu’il y a ?

– Il faut que tu viennes vite, je crois que j’ai fait une connerie. Je suis désolée…

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