Chapitre 36 - Partie 2

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La Mort se mit à éclater de rire, sa voix grave et puissante résonnait dans la salle.

– Tu essayes juste de te rassurer, là. Peut-être que ça marche, et c’est tant mieux pour toi, si ça te permet de te donner un peu de courage. Mais si tu essayes de me faire douter, ou bien de “gâcher” mon moment, eh bien sache que ça ne marche pas.

Les traits d’Antoine se serrèrent. Il le fixait avec rage et sentait tout son corps bouillir de colère. Il n’avait qu’une envie : se jeter sur lui et lui asséner une rafale de coups.

– T’es un monstre à l’extérieur et une ordure à l’intérieur. Au moins, t’es cohérent.

– Traite-moi de tous les noms, si ça t’amuse. Moi, je prends beaucoup de plaisir à faire tout ça. J’ai un contrôle immense sur toute ta vie ! Tu t’en es toujours pas rendu compte, et ça me déçoit beaucoup de ta part : tu es ma marionnette. Car non seulement c’est moi qui décide de la date de ta mort, et c’est déjà un immense pouvoir ; mais le plus jouissif, c’est que chaque putain de décision, chaque geste, chaque pensée qui t’a traversé l’esprit, tout ça a été fait en fonction de ce jour-ci. Tous les choix que tu as faits l’ont été parce que MOI, j’avais décidé que tu mourrais aujourd’hui. Tu sais que j’ai raison : ta vie aurait été complètement différente s’il n’y avait pas eu cette sorte de “malédiction” qui pesait au-dessus de toi, et tu ne serais pas celui que tu es aujourd’hui. Tu as été façonné par mes mains, Antoine.

– Et tu vas tirer quel plaisir, à me tuer ? J’suis attaché et sans rien pour me défendre. J’suis sûr que tu caches plein d’armes dans tes placards et que tes agents t’attendent derrière la porte, au cas où ça se passe pas comme prévu. T’es qu’une putain de tapette.

– C’est culotté de me traiter comme ça, venant de toi.

Antoine lui cracha sur le pied. Il respirait bruyamment et ne tenait plus en place.

– Toi, toute ta vie a été faite en fonction de ce que mon ancêtre t’a fait. T’es autant une marionnette que moi. Mais moi au moins, j’ai eu une vie, des amis, j’ai trouvé quelqu’un qui m’aime. Est-ce que ça t’arrive, toi, d’au moins voir la lumière du jour ?

La mâchoire du monstre se contracta, il s’approcha rapidement de lui et mit ses mains crochues autour du coup d’Antoine, et serra de toutes ses forces.

– Je n’appartiens à personne. Je suis ta Mort ! C’est moi, le bruit de l’horloge qui sonne minuit, tu es à moi !

Ses dents jaunâtres grinçaient les unes contre les autres. Le visage d’Antoine était devenu complètement rouge et les veines de son front ressortaient.

“C’est la fin”, pensa-t-il au fond de lui, tandis que sa vue devenait floue.

Mais la créature finit par le lâcher. Antoine se pencha en avant en inspirant d’un coup, cherchant à aspirer le plus d’air possible. Son visage reprit peu à peu sa couleur d’avant, et il mit quelques secondes avant de retrouver correctement sa respiration.

Il releva la tête et le regarda droit dans les yeux.

– Pourquoi tu m’as relâché ?

Le monstre avança vers le fond de la pièce et ouvrit un des placards, et en sortit deux couteaux de cuisine. Il s’approcha lentement d’Antoine, passa derrière lui, et trancha d’un coup bref la corde qui le retenait prisonnier, puis il laissa la lame par terre et se dirigea vers la seule porte de la pièce.

– Regarde, j’ouvre la porte devant tes yeux. Il n’y a personne pour me protéger dehors, tous mes agents sont partis. Leur mission a pris fin quand tu as été amené dans cette pièce. Il n’y a plus que toi et moi.

– Tu veux qu’on se batte ?

– On va jouer à un petit jeu. Si tu veux rester en vie, tu n’as que quelques mètres à parcourir. À partir du moment où tu poses un pied dehors, je te laisse partir et je ne reviens plus jamais. Mais pour ça, il va falloir d’abord me passer sur le corps. Tu as déjà tué quelqu’un, Antoine ? Tu as déjà senti la lame s’enfoncer dans le corps de ta victime ? Voir la lumière partir de ses yeux, sous les dernières secousses provoquées par l’instinct de survie…

Il était terrifiant, jamais Antoine n’avait vu un tel monstre, même dans ses pires cauchemars. Mais le garçon ne tremblait pas, il ne ressentait rien. Tout ce qui l’intéressait, c’était de sortir de cet endroit et d’oublier toute cette histoire, afin de pouvoir enfin vivre comme quelqu’un de normal.

Alors il ramassa le couteau et le pointa en direction de la Mort, la mâchoire serrée.

Il s’avança avec précaution, le dos courbé, scrutant son ennemi, guettant le moindre de ses mouvements. Mais le monstre restait debout, les bras le long du corps, un sourire effrayant défigurant son visage hideux.

Antoine s’élança soudainement, visant son poignet. Mais la créature fit un rapide mouvement en arrière pour esquiver. Alors Antoine retenta un coup, visant sa gorge cette fois-ci, mais la Mort recula encore, gardant ce sourire moqueur.

Et il continua, encore et encore, tranchant l’air à chaque fois, avançant d’un pas ou deux. Son ennemi se jouait de lui et esquivait ses coups avec une facilité déconcertante.

À force de reculer, la Mort finit par mettre un pied dehors : Antoine se rendit alors compte qu’il n’était qu’à deux petits mètres de la liberté. Alors, sans réfléchir, il attaqua une énième fois, sans même viser :il voulait juste le faire reculer encore un peu…
Mais cette fois-ci, le monstre se tourna sur le côté, leva le bras et attrapa son poignet avec une telle vitesse qu’Antoine ne l’avait pratiquement pas vu bouger.

Il tordit brutalement son bras et le serra avec une force démesurée. Antoine hurla de douleur et lâcha son couteau.

– Tu te souviens de ce que j’avais dit sur le venin mauve, et pourquoi il a été conçu ? Ce n’était pas pour faire des soldats qui gagneraient toutes les guerres, non. Le but était bien au-delà : faire en sorte que notre armée soit si terrifiante que nous gagnerions n’importe quelle bataille sans combattre, car les ennemis seraient terrorisés. N’est-ce pas génial, de gagner des guerres par la peur ? Eh bien c’est cette même peur, que je vois dans tes yeux en ce moment.

D’un geste brusque, Antoine parvint à s’extirper de l’étreinte de la Mort et bondit de deux mètres en arrière. Il n’était plus armé et regardait le couteau dans la main de son ennemi. Il gardait ses mains tremblantes devant lui, se disant qu’il aurait peut-être une chance de le déposséder de celui-ci. Mais il savait que c’était pratiquement impossible, et qu’il se battait désespérément. La Mort fit un pas en avant, Antoine en fit un en arrière, alors la Mort avança encore, et Antoine continua de reculer, ses jambes étaient devenues molles et tout son corps tremblait.

Il finit par se retrouver contre le mur, sans aucune issue possible. Et il vit la Mort approchait, elle ralentissait pour faire durer le moment, avec cet horrible sourire sadique et ce couteau qu’elle s’amusait à agiter en l’air.

“Fait chier…”

Et, comme un éclair, sans qu’il n’eut le temps de faire quoi que ce soit, la Mort enfonça la lame dans sa chair.

No Time To Die - Billie Eilish

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