Le temps de ma renaissance
Du temps où j'étais différente, pas simplement une autre, mais quelque chose d'autre. Du temps qui imprègne les souvenirs de nostalgie, qui coule et qui s'écoule, sur des défaites, des coeurs perdus, des doutes, des peurs, emportant avec lui les années qui s'envolent vers des lendemains flous et sans visages.
Enfin, pas le tien. Toi, je t'ai encore dans la peau, même après que notre sablier se soit tari.
Les souvenirs n'existent qu'en réalité. En rêve, se sont des histoires. En rêve, tu es encore avec moi et en moi. Et la petite chose qui est né de notre amour est bien là.
Les pensées changent, les envies se mélangent, meurent faute de s'accomplir, larmoyantes et de mauvaise grâce.
L'érosion printanière, les rouages du temps qui érodent le chair, modifient la voix, les voies, altèrent le regard sur les choses.
Le temps, ou ce fleuve menant la barque au devant de la grande faucheuse, qui arme mon unique amour, la vie, l'amante jalouse, amie des jours noirs et des nuits claires.
Et si je dois avancer, alors le temps me presse, et si sur son passage je dois m'agenouiller, alors c'est sur mes reins, dans leurs mains, que je souscris à sa hâte.
Le combat pour la vie, l'inconscience de mon corps, la haine de mon esprit, l'emprise de mes sens, mon empire effronté, effondré.
Les mots, sur le temps n'ont pas d'effet. Mais les maux alors ?
Le temps est un dieu. Tu as été le mien. Un dieu cruel qui m'enchaîne et me désarme. Je vais faire mine ne m'oublier, de me livrer, de me laisser filer entre les lignes. Je vais m'abandonner dans la complaisance d'une dextérité créative, je vais te dompter, t'utiliser à tes dépends.
Le temps est mon mécéne, j'écris de sa noirceur, je vis de sa moiteur, je l'embrasse à pleine bouche. Je suis sa captive, un jouet dans les mains d'un éternel souverain. Les mots s'offrent et se soumettent, le temps les caresse, les étreint, les éteint. Attirés, attisés, consumés, les mots et les couleurs, les maux et les humeurs, l'orée des désirs. Le temps n'est pas un enfant sage. L'exclusivité ne fait partie de ses préoccupations. Le temps aime mes mots, mes mots aiment le temps.
Les épines d'une rose ne se retirent qu'avec amour. Tu me les a enlevés, j'en ai fait pousser des nouvelles. Maintenant, j'écorche, je griffe, je te mets à nu, à mes pieds. Fini les larmes, les cris, les désirs inassouvies. Je suis devenue reine de mes jours et de mes nuits. Je sors, je fume, je ne bois toujours pas. Mais, j'ai d'autres plaisirs en réserve. Je laisse leurs regards errer sur moi. Les tiens ne me doivent plus rien. Ne me font plus rien.
Prendre le temps, le voler, le suspendre, le surprendre, l'envouter et lui jurer fidélité. Aimer en contre partie, maudire ton corps et envier les lettres, vivre près des anges et mordre les mots de tes lèvres, me désavouer pour mieux me dévoiler, loin de tes heurts.
Dans le temps, je saurai entrevoir les choses vraies, je saurai m'harnacher solidement à ma morale, me cramponner à l'éthique, aux principes, aux engagements constitutionels, et à toutes ces autres choses qui servent de balustrades pour maintenir les excès des mots. Du temps, je ferai des cages folles et je pourrai t'enfermer loin de mon coeur.
Avec le temps, je récolterai cinq pierres, les cinq sens, les cinq branches, les cinq éléments, les cinq orients et puis nos cinq doigts liées entre eux en un poing. Ton poing est mon point. Le temps te le dira assez bien.
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