La Perle (Partie 1)

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Un souffle d’air gelé les fit tressaillir. Ædemor sentit un frisson remonter le long de son épine dorsale et picoter sa nuque. Il regarda instinctivement Yukihina qui éprouva le même malaise. Face à son père devant l’immense pilier de glace, Galanodel se retourna d’un bond. Chremata et Argyros se figèrent alors qu’ils scrutaient le panorama.

Issues de points opposés de l’horizon, trois gigantesques créatures ailées fendirent les airs au-dessus de la mer de nuages, avant d’y plonger aussitôt. Leurs cris résonnèrent à la fois comme des rires et des plaintes, déformés, démesurés, terrifiants.

Argyros fronça les sourcils et hocha la tête à l’intention de sa femme. À l’unisson, ils procédèrent à une incantation et dressèrent une sphère irisée protectrice autour du sommet du Colosse Gris. Le globe d’énergie crépita autour d’eux dans une odeur d’ozone alors que la menace accourait. Un battement de cœur plus tard, une série de rugissements sauvages se firent entendre. Rauques, sourds, telle une avalanche issue de toutes parts à la fois. De multiples éclairs orangés zébrèrent le ciel et vinrent percuter le rempart intangible. Quelques-uns frappèrent des Charkars sur leurs positions surélevées, les carbonisant instantanément.

Faisant irruption de la brume, le plus proche des monstres ailés se percha au-dessus d’eux et arracha de ses griffes des pans de rocher. Les eaux en contrebas les accueillirent dans un fracas tonitruant.

Galanodel reconnut la créature tout de suite. Une haine sauvage et bestiale transforma alors les traits de son visage, ses yeux virant au violet sombre des cieux orageux. Hérissant ses écailles reptiliennes effroyablement, elle ne ressemblait plus à cette Valwyne que le chevalier avait rencontrée. Dégainant son arc, elle décocha une flèche dans le même mouvement, le regard empli de colère.

— Mefiskal ! hurla-t-elle.

Le dragon n’avait rien en commun avec Pyrkaia. Tapissée d’écailles noires et luisantes telle l’obsidienne, la peau couvrait plus d’os que de chair. Des cornes menaçantes pointaient vers l’avant de son crâne, comme une incitation au combat. Ses yeux profondément plantés dans ses orbites et sa silhouette squelettique lui donnaient une allure froide et sans âme. Le plus effrayant était l’aura de ténèbres dont il était nimbé, à l’instar d’une fumée, un brouillard maléfique corrompant qui aurait l’audace de s’en approcher. La barrière magique des dragons d’argent fut mise à mal, corrodée par ce nimbe nocif.

Avant qu’il ne puisse réaliser l’enchainement des évènements, Ædemor aperçut Yukihina sauter sur le côté pour tente d’éviter un éboulement. Des pierres la blessèrent, lui arrachant un grognement de douleur. La tunique déchirée de la Talwene dévoilait son échine lacérée et zébrée de sang. Le jeune homme se précipita vers elle et la secourut alors qu’un autre pan de mur s’écroulait, détruisant un bas-relief émaillé d’azur et de prasin.

Argyros leva les mains au ciel et poussa un puissant cri. Son visage se déforma alors, cornes et dents y sortirent en nombre. Son dos laissa surgir une paire d’ailes reptiliennes aux écailles d’argent. Il grandit, l’apparence humaine laissant place à celle qui était sa véritable nature : un dragon de glace. Aussi haut qu’une maison de deux étages et large comme l’Eldenore, il s’envola d’un bond et fonça sur le dragon au-dessus d’eux.

Le choc fut brutal, les entraînant dans une chute ponctuée de morsures et de griffures. Le déchainement de violence entre deux êtres de cette gigantesque taille subjugua Ædemor, qui en resta tétanisé. Il tenta de bredouiller une prière à Tyasimar, mais la déflagration d’un autre éboulement à ses côtés lui coupa la respiration.

Chremata s’apprêta à se métamorphoser à son tour quand un souffle rougeâtre s’abattit sur elle et l’envoya s’écraser contre une façade sculptée. Des fissures apparurent au-dessus d’elle et dans un cri d’effroi, elle vit se déliter la partie haute de ce qui devait être la tête du Colosse Gris. Les débris et les rochers l’ensevelirent et elle disparut dans un nuage de gravats. Le dragon à l’origine de l’attaque se plaça derrière le pilier de glace. Déployant ses ailes et hurlant de rage, il bondit pour rejoindre Mefiskal dans sa lutte.

— Triskalar… non…

Galanodel vidait inutilement son carquois face à ces adversaires, puis devint livide. Au loin, chevauchée par une personne qui ne pouvait être que l’Exécutrice de l’Empereur, Niaskaia, le troisième des dragons noirs profanateurs de Reamwen, apparut à son tour. Lors d’une manœuvre aérienne au-dessus de la plateforme, Zenyassa sauta de sa monture, et, planant de ses propres ailes, vint atterrir devant Galanodel.

À peine la Draconienne posa le pied sur le sol marbré qu’elle fit usage de sa terrible magie. De la paume de sa main jaillit une boule d’énergie lumineuse dont la déflagration projeta les compagnons aux quatre coins de la place. Yukihina et Ædemor se retrouvèrent sonnés et assistèrent impuissants à la bataille inégale opposant Argyros à Mefiskal et Triskalar. Lorsque Niaskaia se lança elle aussi à l’attaque, le dragon d’argent tenta de se dérober. Il bondit sur les escarpements de la cour inférieure pour s’envoler, mais Triskalar saisit une de ses pattes postérieures dans sa gueule. Mefiskal en profita pour porter un coup de griffe qui lui déchira cruellement son aile droite. Argyros tomba avec force sur le sol, incapable de s’échapper.

Les trois dragons noirs se placèrent alors de concert sur les parois. Ils dominaient leur proie et n’attendaient qu’un signal pour frapper.

— Que de difficultés pour vous rattraper, n’est-ce pas ? lança Zenyassa.

— Comment… comment avez-vous pu nous retrouver ? demanda Ædemor incrédule.

— Notre amie commune aux écailles rouges m’a bien aidée, continua la Draconienne. Elle a cru pouvoir négocier votre position contre ses œufs… L’Empereur n’était pas du même avis.

Ædemor serra les dents de dégoût quant à la révélation de cet odieux chantage. La dragonne de feu avait été trahie elle aussi.

Zenyassa regarda ses adversaires en mauvaise posture. Voyant Galanodel la viser d’une flèche, elle ajouta d’un ton tranquille :

— Un mot, un geste et votre père meurt. Déposez vos armes, si vous tenez à sa vie et à la vôtre. Quant à vous, la moinesse, ne tentez rien avec vos poings, ou vous je vous réserve un sort pire encore.

Les trois compagnons se regardèrent et laissèrent tomber leurs armes à terre.

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