Chapitre 1
« Violette, lève-toi ! Je sais que tu souffres mais pense à nous. Ne laisse pas le fossé se creuser. Je t'attends là sur la rive. Fais un pas, un tout petit pas. Viens dans mes bras. »
Elle regarda autour d'elle, il était si près et en même temps si loin. Il lui aurait suffi de tendre la main pour le toucher, mais son corps refusait de bouger. Elle était là, au milieu de leurs larmes versées sur leur futur avorté. Pourquoi ne venait-il pas la chercher ?
« Violette, parle-moi ! Pleure ! Pleure si tu veux. Crie si tu peux mais ne me quitte pas des yeux. »
Pleurer, crier, hurler même, oh que ça lui ferait du bien. Mais tout était mort en elle. Ses cris s'étaient brisés sur les murs de la souffrance. Ses espoirs s'étaient envolés vers l'Éternité. Elle regarda autour d'elle, il n'était plus là. Le soleil avait sombré, emportant avec lui les reflets dorés des lendemains sucrés.
- Violette ?
La jeune femme ouvrit les yeux. Fred se tenait près d'elle, les cheveux ébouriffés et le T-Shirt froissé. Il posa ses lèvres sur ses épaules dénudées et glissa des baisers le long de ses bras.
Elle ne lui avait pas parlé d'Antoine. Elle avait feint l'ignorance lorsqu'il l'avait questionnée et avait remisé ce fantôme costumé au placard de l'imparfait, sous cet amas de vieux souvenirs qu'elle tentait en vain d'oublier. Elle avait plongé son regard dans le bleu azuré qu'il lui offrait et, prié secrètement pour que l'eau cristalline de ses yeux gomme les cicatrices du passé, comme font les vagues qui viennent effacer les messages écrits dans le sable mouillé.
Mais depuis qu'elle avait revu Antoine au Green Mill, les souvenirs revenaient l'assaillir. À plusieurs reprises ces derniers jours, Violette avait cru voir sa silhouette se dessiner dans les allées qui la conduisaient au cabinet. Au bureau, elle voyait deux yeux bruns dissimulés derrière des lunettes transparentes et une barbe impeccable prendre place dans ses dossiers. Des images d'un costume sombre et d'une chemise déboutonnée s'invitaient dans ses pensées et tournoyaient devant ses yeux.
Elle imaginait Antoine au lit avec cette blonde qu'elle avait aperçue l'autre soir au bar et se demandait combien de femmes étaient passées dans ses bras depuis qu'elle ne s'y blottissait plus. Elle sentait alors la jalousie lui piquer le cœur et instiller son poison au creux d'elle.
Leur passé lui revenait en tête et les questions se succédaient. Comment pouvait-il avoir tiré un trait sur leur histoire aussi facilement ? Se rappelait-il leurs bons moments, leurs étreintes passionnées, leurs éclats de rire complices ? Se souvenait-il de ce qu'ils avaient enduré ? Pensait-il encore à elle, à eux ?
Tout ce qu'elle avait tant peiné à archiver depuis ces trois dernières années s'empilait de nouveau dans son esprit. Il n'était pourtant apparu que quelques secondes, le temps d'échanger des banalités. Mais il était revenu juste au moment où elle semblait avoir enfin tourné la page. Juste au moment où elle réapprenait tout doucement à aimer. Car Violette et Antoine s'étaient aimés. Profondément. Passionnément. À la folie. Comme on aime qu'une seule fois dans une vie.
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