Chapitre 1
« Lève-toi Violette ! »
Elle se répétait ces mots depuis que son réveil avait sonné. Il y avait déjà une bonne vingtaine de minutes. Mais son corps refusait d'obéir. Une douleur lui comprimait le cœur. Une douleur familière, qui n'était pour autant pas comparable avec celle qu'elle avait ressenti trois ans plus tôt.
Elle se demandait encore comment elle avait survécu. Elle avait réussi à surmonter cette atroce souffrance qui l'empêchait de respirer et la faisait suffoquer, qui lui broyait le cœur de l'intérieur et brûlait ses entrailles. Elle y était parvenue. Seule. Après des mois à vivre comme morte. Après qu'Antoine ait claqué la porte.
« Lève-toi Violette ! »
Il fallait qu'elle se lève, le pire avait déjà été vécu. Une simple amourette, s'achevant quelques semaines après son commencement, ne devrait pas la mettre KO. Il ne s'agissait que d'une déception supplémentaire. Elle saurait gérer, faire face et se relever. Elle était forte et courageuse. C'était une battante.
Elle se dégagea des draps, posa un pied à terre puis un second. Elle erra jusqu'à la cuisine, se versa une tasse de café et enfila un pantalon gris et un top vert sombre. Gris-vert. Encore et toujours.
« Je vais bien ! »
Oui tout allait bien. Son cœur battait, elle respirait, elle vivait. Elle avait de la chance. Elle appliqua de la poudre sur ses joues, du fard sur ses paupières et du rose sur ses lèvres. Elle s'observa une dernière fois dans le miroir mais ne se reconnut pas. Elle se força à sourire.
« JE. VAIS. BIEN. »
**
Au bureau, Violette s'appliqua sur ses tâches, écouta Bertrand lui parler du week-end qu'il avait réservé pour fêter ses vingt-cinq ans de mariage, donna son avis à Nicole sur les livres qu'elle envisageait d'embarquer avec elle aux Maldives, rit aux anecdotes croustillantes de Nathalie et observa les jumeaux déguster leurs sandwichs. Il y avait un côté réconfortant à se retrouver parmi les personnes de ce cabinet, ils la maintenaient à leur manière dans la réalité.
En sortant de l'agence, elle ne se sentit pas la force de rentrer et de se retrouver à nouveau seule et abattue dans l'étroitesse de son appartement. Elle n'avait pas non plus la force d'aller boxer. Elle décida de marcher un peu. Sans qu'elle ne s'en rende compte, ses pas la menèrent jusqu'au cimetière.
Elle sillonna les différentes allées, observa les compositions qui ornaient les tombes, imagina les personnes qui venaient les entretenir, s'associa à leur douleur. Elle croisa une jeune mère et sa petite fille. Celle-ci portait un arrosoir bien trop grand pour elle qui l'éclaboussait à chaque pas qu'elle faisait. Sa maman l'aida à porter le récipient pour arroser les bouquets qui trônaient sur le marbre. En passant près d'elle, Violette calcula l'âge du défunt et en déduisit que la jeune femme devait être la petite fille de celui-ci. La fillette, quant à elle, était bien trop jeune pour l'avoir connu. Cependant, elle la vit claquer sa main sur sa bouche et l'envoyer vers le ciel. « Bisous envolés pour pépé. »
Un sourire triste sur les lèvres, elle poursuivit son chemin, passa devant un homme qu'elle croisait chaque fois qu'elle venait. Elle le voyait toujours assis sur le banc en face d'une tombe, les deux mains appuyées sur une canne. Il ne la regardait ni ne la saluait jamais, certainement trop occupé à faire revivre en pensées le souvenir de celle qui dans le médaillon lui souriait.
Elle s'arrêta enfin au pied de la stèle de Florian. Elle s'agenouilla et ne dit rien. Elle contempla le visage de son frère à tout jamais figé dans le sourire de ses vingt-sept ans. Dans quelques jours ils auraient fêté ses trente ans. Il en aurait peut-être profité pour leur annoncer son mariage avec Annabelle ou la naissance future de leur bébé. Dans le jardin fleuri de ses parents, ils auraient suspendu des lampions et auraient écouté le concert improvisé par le trio d'amis. Les yeux rivés sur ce frère qu'elle admirait, elle aurait senti la main d'Antoine caresser son dos tandis que ses mains à elle auraient caressé les cheveux blonds de leur enfant endormi.
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