Chapitre 4
Violette était invitée au Paradise, où l'équipe de Pauline se réunissait pour fêter la victoire de leur projet. Elle avait d'abord refusé ne tenant pas à croiser Fred. Si elle tentait de faire face depuis leur rupture, elle savait que plonger dans ses yeux clairs lui serait insupportable. Elle avait entrevu dans son regard pastel ce bonheur multicolore, qui, comme le papillon qui virevolte à travers les rayons du soleil, sculpte sa beauté dans l'Éphémère. Elle l'avait touché du bout des doigts mais tout s'était évanoui du jour au lendemain sauf ces gouttes de pluie qui roulaient silencieusement sur ses joues, à la tombée de la nuit.
Pauline lui avait assuré qu'il ne serait pas là, que sortir lui ferait du bien. Profiter du présent, de la saveur de l'instant était sans doute ce dont elle avait besoin. Son amie passa la chercher dans la soirée et c'est ensemble qu'elles entrèrent dans le bar.
Elles rejoignirent le reste du groupe qui, assis dans des canapés en velours rouge, n'attendaient plus qu'elles pour commander.
— Vous voilà enfin ! s'exclama Maryline. Et Fred qu'est-ce qu'il fout ?
Le cœur de Violette se mit à accélérer, elle toisa Pauline qui la rassura d'un simple regard avant de rétorquer :
- Il ne vient pas. Il avait déjà autre chose de prévu.
- Qu'est-ce qu'il avait de mieux à faire que de fêter le projet avec nous ? s'étonna Mylène.
Maryline arqua un sourcil.
— C'est évident non ?
Violette plissa les yeux. Elle ne voulait pas croire aux sous-entendus de Maryline. Elle se l'imaginait aux côtés de sa nièce, un sourire triste accroché à ses lèvres tandis qu'elle était là, à fêter un succès qui ne lui appartenait pas. Une pointe de culpabilité lui perça le cœur.
— Tu n'as pas vu comment Elisa minaudait auprès de lui cette semaine ? Je suis d'ailleurs étonnée qu'il ait résisté autant de temps.
Une boule de colère se forma dans sa gorge. Elle avait envie de leur dire d'arrêter de parler de lui comme ils le faisaient, qu'ils ne le connaissaient pas comme elle le connaissait, qu'il n'était pas ce séducteur qu'ils s'imaginaient. Qu'elle avait vu l'amour luire dans ses yeux et la peine noyer ses espoirs.
— Si tu veux mon avis, il doit être...
La bouteille de champagne arriva et Samson fit sauter le bouchon avant de remplir les verres tandis que Marilyne, les yeux aussi pétillants que les bulles dans sa coupe en avait oublié ce qu'elle disait. La joyeuse bande trinqua tandis que Violette luttait contre l'irritation qu'elle ressentait. Pauline avait dû se rendre compte de son émoi car elle s'était rapprochée.
- N'écoute pas ce qu'elle dit.
Le regard de son amie l'apaisa. Elle ferma les yeux quelques secondes et se concentra sur la nouvelle discussion qui animait le petit groupe d'amis. Les filles parlaient avec ferveur tandis que Samson, plus réservé, semblait ne pas les écouter. Elle le détailla, tentant de sonder la personne qui se cachait derrière ces grands yeux fauves, cette barbe rousse et ces tatouages sombres qui couvraient l'ensemble de ses bras. Il ne cessait de jeter des regards à Pauline. Des regards constellés d'étoiles qui pétillaient dans le noir. Il était évident qu'elle lui plaisait. Violette connaissait le caractère sauvage de son amie et priait secrètement pour que le jeune homme ne se décourage pas et prenne le temps de l'apprivoiser.
Un homme s'approcha de Pauline et lui murmura quelques mots à l'oreille. Elle bascula la tête en arrière, un grand sourire sur les lèvres, puis elle se leva et l'accompagna sur la piste de danse. Violette reporta son regard sur Samson qui, les mâchoires serrées, jouait nerveusement avec le muselet de la bouteille. Ses doigts trituraient les fils métalliques.
- C'est censé représenté quelque chose à la fin ? lui lança t-elle pour tenter de désamorcer la rage qu'elle devinait.
Il sourit et lorsqu'il eut fini, lui tendit son objet fier de lui.
- Cadeau !
- Une chaise ? Et bien merci.
Les traits de Samson s'étaient quelque peu détendus.
- Je vais me chercher un verre, je te ramène quelque chose ?
- Non merci.
Violette observait toujours les coups d'œil qu'il jetait à Pauline depuis le bar quand Maryline s'exclama soudainement. Elle se retourna vers la belle blonde qui fixait un homme, la bouche arrondie de surprise puis posa son regard sur l'objet de sa consternation. Déconcertée, elle regarda Fred s'approcher, le bras entourant la taille d'une blonde élancée. Son cœur se souleva, sa vue se brouilla, ses oreilles bourdonnèrent. Le bruit des vagues se rapprochait et venait claquer sur la falaise. Tout se mit à tanguer autour d'elle tandis que la nausée s'emparait d'elle.
Il ne les avait pas encore vues, elle pouvait s'éclipser maintenant avant que la mer ne l'emporte. Elle se leva et tenta de se frayer un chemin vers Pauline, qui débarrassée de son danseur, semblait avoir une discussion animée avec Samson.
- Je vais y aller !
Interloquée, Pauline jeta un œil à son groupe d'amies et aperçut Fred en charmante compagnie.
- Il ne devait pas être là, lui souffla t-elle dans un soupir d'excuse. Je te ramène ?
- Non profite, je vais me débrouiller. Je te ramène si tu veux, je me taille aussi, rétorqua Samson en fixant Pauline de son regard perçant.
**
- C'est Fred que tu fuis ?
Violette ne releva pas, se contentant de regarder la ville défiler devant ses yeux, pendant que Samson conduisait. Les paroles de Maryline tourbillonnaient dans sa tête. Elle voyait la jeune femme, le sourcil arqué et le sourire entendu et se sentait stupide.
- Tu sais les apparences sont parfois trompeuses, reprit-il. Qu'est-ce que tu essaies de me dire ?
- Que ce n'est pas parce qu'il était en compagnie d'une autre fille, qu'il couche avec.
Violette émit un petit rire ironique.
- Et toi ? C'est Pauline que tu fuis ?
Touché ! Les mains de Samson se crispèrent sur son volant. Le silence envahit l'habitacle tandis que les deux occupants ruminaient chacun de leur côté leur soirée. Violette finit par se retourner vers le jeune homme, qui, les yeux toujours rivés droit devant lui, semblait si déçu. Elle ne le connaissait pas, pourtant quelque chose en lui la touchait. Elle pensa à la façon dont il regardait son amie et ferma les yeux.
« L'amour existe bien quelque part. »
S'il lui semblait à présent complètement inaccessible, Violette voulait continuer d'y croire pour les autres.
- Tu as raison Samson, les apparences peuvent être trompeuses. C'est valable aussi pour Pauline.
- Qu'est-ce que je dois comprendre ? Qu'elle ne va pas finir dans le lit de ce mec ? répondit-il agacé.
- Pauline, elle a besoin d'un homme qui ne la lâchera pas dès que la situation se compliquera. Si tu es cet homme là, alors dis-le lui, elle t'écoutera.
Annotations
Versions