Violette pénétra dans l'immeuble de Pauline. Elle repensait à la mine déconfite de sa mère, à ces regrets qu'il lui avait semblé lire dans son regard. Perdue dans ces réflexions, elle manqua de percuter Samson qui descendait les escaliers.

• J'ai suivi ton conseil, je suis venu lui parler, lui dit-il en se grattant la tête, comme pour justifier sa présence ici.
• Et ?
• Elle a plutôt bien réagi, j'espère que ça va le faire.
• J'en suis certaine.
• Ça va toi ? T'as pas l'air en forme. T'es toute blanche.
• Besoin de vacances.
• Profitez bien toutes les deux. Tu la surveilles pour moi ?
• Promis, lui répondit-elle dans un petit éclat de rire.

La jeune femme continua son ascension, le cœur plus léger à l'idée de savoir que Pauline lâchait enfin prise. Si elle n'espérait plus que sa vie retrouve un semblant de normalité un jour, elle continuait à prier pour que celle de son amie soit la plus douce possible. Chacun avait droit à une période de bonheur dans sa vie mais du plus loin qu'elle se souvienne, Pauline n'avait jamais eu sa part. Elle n'était pas malheureuse, loin de là et se satisfaisait pleinement de son quotidien, de son métier et de ses amis mais Violette pensait qu'elle méritait bien plus.

Elle frappa à la porte de son amie. Pauline remarqua aussitôt à ses yeux rougis que quelque chose n'allait pas. Violette lui confia la discussion animée qu'elle venait d'avoir avec sa mère.

• La vache ! Elle m'étonnera toujours la Hortense. Bon tu sais que je ne fais pas partie de son fan- club mais c'est bon signe quand même non ?
• Je m'en fous.
• C'est tout de même un pas vers toi. Tu attends depuis tellement longtemps.
• Justement, c'est trop tard.
• Bon, et Dom Juan et l'autre Monsieur Chicago ?
• J'en sais rien. De toute façon ils m'ont déçue tous les deux. Je crois que je suis peut-être mieux toute seule.
• C'est ce que je n'arrête pas de dire ! Les mecs ? Tous dans le même panier. Ils te prennent,(Pauline leva un sourcil pour souligner le double sens de son expression) et après ils te jettent. Trop vieille, pas assez ferme. Trop chiante, pas assez souple (nouveau levé de sourcil). Trop ceci pas assez cela. Pas un pour redresser l'autre. Dès que t'as besoin d'eux pour autre chose qu'une partie de jambes en l'air, hop ils se font la malle. T'as bien raison ma Violette, t'embête pas pour eux.
• Il y a quand même certaines exceptions non ?

Pauline dissimula son sourire dans le verre de vin qu'elle venait de se servir en comprenant le sous-entendu de son amie. Elle lui parla alors de Samson, de ces mots qu'elle n'avait jamais entendus auparavant, de cette inquiétude qui l'envahissait mais aussi de ce désir de faire confiance pour la première fois de sa vie.

• Je suis contente pour toi Pauline. Il a l'air d'être un mec bien et de tenir vraiment à toi.
• L'avenir nous le dira.

Une notification les interrompit. Le visage de Pauline s'évanouit lorsqu'elle lut le message qu'elle venait de recevoir. Violette la vit prendre une profonde inspiration avant de s'exprimer.    

 — Bon... tu te rappelles mon amie Sandrine ?

— La psy ?

— Ouais...c'est ça, la psy, fit Pauline en reprenant l'air dédaigneux qu'avait utilisé Violette.

• Tu vas m'en vouloir mais...

— Mais quoi ? cracha Violette, soudain suspicieuse.

— Mais j'ai pensé que...

— Que quoi ?

— Bon tu sais que je t'aime et que je te soutiens dans tous tes choix. Mais je ne te sens pas bien. Fred, le retour d'Antoine, ta mère... Tout ça, ça te remue les tripes et je pense que tu devrais aller voir mon amie pour en discuter.

— Pauline ! J'ai dit non !

— Ben t'as plus le choix. Je t'ai pris un rendez-vous demain à 9h, on partira après la séance.

— T'as pas fait ça ?

— Si !

— Mais de quel droit ? Tu te prends pour qui... ?

— Pour ton amie !

— T'appelles ça une amie ? Une personne qui te plante un couteau dans le dos ?

— Arrête Violette. Je ne plante rien du tout. Je m'inquiète pour toi, c'est tout.

— Mais j'ai pas besoin de toi !

Pauline encaissa le coup.

— Je suis grande ! Je sais très bien m'occuper de moi-même ! Je n'aurai pas cru que tu...

Violette se leva, attrapa son sac et s'approcha de la porte d'entrée. Son amie la retint par la main.

— Lâche-moi ! cria t-elle avec colère. T'es pareille que tous les autres en fait, incapable de m'aimer comme je suis.