Chapitre 13 – Bouquet final

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Aussi sublime qu’empreinte de colère, Andromède luisait de mille et cent éclats. Elle n’eut pas besoin de voir Naps et Sarek ratatinés dans un coin. D’une main, elle les libéra des mailles enchantées. Son intention se porta ensuite sur les corps sans vie des traîtres. Du pied, elle renversa la carcasse du pestiféré, face contre terre.

Oubliant toute contenance, Andromède lui cracha au visage et, de l’index, disloqua ses restes. Puis, jubilant comme Robespierre contemplant la tête de Marie-Antoinette, elle incendia les débris.

— La mort n’arrête pas ce genre de monstre, lâcha-t-elle tout haut.

Aussi effrayé que subjugué, Naps, tenant son garçon moribond, se manifesta :

— Hum ! Hum ! Andromède se retourna : la vision de la sorcière nue, recouverte de sa longue chevelure d’argent, le rendit fou d’amour sur-le-champ. Muet d’admiration, il ne put poursuivre. Constatant l’état de Sarek, Andromède guérit chacune de ses plaies et celles de son père.

— Merci, articula-t-il tant bien que mal. Je suis désolé, je n’ai rien pu faire.

— Je n’ai pas de temps pour la sensiblerie. Lorsque j’aurai confiné la mortifère créature, nous quitterons cette planète. À cet effet, j’ai une mission à te confier.

Par le biais de son esprit, Andromède lui donna ses directives et, sans plus s’attarder, disparut dans son vortex.

Arrivée au pied du mont Destinée, la Gardienne de la magie se dirigea vers l’ouest. Rapide, sa marche la conduisit à un chemin, connu seulement des plus hautes autorités. Au fur et à mesure qu’elle gravissait la pente, l’empreinte nauséabonde devenait de plus en plus intense.

Signe qu’elle atteignait le terme de son parcours.

Une frontière chakratique stoppa soudain son avancée. Loin d’être ennuyée, la sorcière perça un passage d’une salve d’énergie. Nyctalope, l’opacité ne l’indisposa nullement. Accélérant la cadence, elle franchit les derniers mètres la séparant de l’accès camouflé.

— Alexa, déverrouille l’entrée.

Prompte aux ordres, l’intelligence Magificielle voulut obéir aussitôt, mais rien ne se passa. En déduisant que sa matrice ne fonctionnait plus, Andromède brisa la roche en de multiples morceaux d’une pichenette et s’engouffra dans l’escalier en colimaçon.

Moult souvenirs remontèrent à la surface, ce qui attisa sa rage vengeresse. Malheureusement, elle savait qu’elle ne pourrait pas le tuer, car celui qui met à mort le Néant prend sa place. Ainsi l’exigeait l’équilibre.

Ses alliés avaient rejoint l’Entre-deux-Monde, dans lequel Naïla se trouvait être une traîtresse. Quant à Naps, il mourrait bientôt. Sarek était tout ce qui la reliait encore à son ancienne vie. Il vivrait, il le fallait.

L’ennemi avait senti son approche, mais, ne souhaitant pas affronter cette sorcière au sommet de sa forme, il réunit ses troupes dans le couloir aux portraits. Sous l’œil agacé des sujets peint, la horde grondait d’impatience.

Andromède se tenait derrière la peinture de Kelly Darck. Ses iris d’or lui permirent de voir au travers : la légion de bêtes ne l’effraya même pas un peu. Concentrant sa colère, sa peau nue recouverte de flammes verdoyantes, Andromède transperça la toile d’un seul coup et décima la meute. Ceux touchés par sa lueur hurlèrent d’agonie et, le feu se propageant rapidement, l’ensemble se mit à beugler dans une cacophonie qui sonna comme une douce mélodie aux oreilles de la Gardienne de la magie. Parvenue à l’autre bout du couloir, sa mortelle trouée s’arrêta.

Elle prit le temps de se retourner pour contempler sa victoire. Satisfaite du carnage, sa véritable chasse commença. L’aura du Néant imprégnait la totalité de l’édifice, l’empêchant de déterminer sa position exacte. Alexa aurait été bien utile en cet instant. Résignée à devoir fouiller partout, ses pas la menèrent en direction de l’amphithéâtre. Lorsque le continuum s’était figé, la Créatrice lui avait donné quelques directives, dont celles d’emporter la Pyramide Trinitale sur Terre.

Elle détestait l’idée d’abandonner ce lieu qui l’avait vue grandir, mais le temple deviendrait la geôle de l’ennemi. Au bas des marches, elle remarqua immédiatement l’entrebâillement des battants.

— Approche, l’invita un timbre strident.

Aucun doute, « il » se trouvait à l’intérieur ; l’heure de faire tomber sa colère était venue.

— Ne sois pas impatient ! Tu prendras ta raclée bien assez tôt. Ha, ha, ha, ha, ha !

Son rire enragea le Néant. Il tendit la main putréfiée de Sokar en direction de la porte, qui explosa en minuscules morceaux. Loin d’être impressionnée, Andromède renvoya les éclats à l’envoyeur, trop lent pour esquiver.

Sonné, il ne s’aperçut pas tout de suite que d’une pensée, la sorcière s’était transposée derrière lui. Mais, alors qu’elle s’apprêtait à séparer la tête du corps, le gamin empoigna son bras, prit appui sur son pied gauche et tourna, de plus en plus rapidement, jusqu’à former un tourbillon. Sa rotation maximum atteinte, il se contenta de lâcher Andromède, étourdie, qui fut éjectée telle une fusée. Cependant, ayant anticipé la manœuvre, en fine stratège qu’elle était, sa chevelure s’accrocha à l’un des piliers et la retourna en direction du Néant.

Au passage, elle s’empara d’une des multiples dagues ornant l’amphithéâtre et l’expédia avec force, droit devant elle. Sans surprise, il s’en saisit, mais sa demi-seconde d’inattention permit à Andromède de lui lancer un uppercut. Crasse, vers de terre et dentition sautèrent.

Tombé à la renverse, le monstre poussa un cri de rage qui se répercuta contre les parois ; un séisme d’une intensité inouïe fit trembler l’ensemble de la bâtisse. La pluie de Karistal qui se mit ensuite à chuter força Andromède à se replier.

Sans le perdre du regard, elle évita les blocs. Cette bête apparaissait trop lâche pour un corps à corps, elle devait ruser :

— Vieille chose, l’histoire dit que je t’ai déjà vaincue. Te souviens-tu du sorcier qui t’a scellé en Éden ? Il se trouve qu’il est mon plus puissant descendant. Ma victoire ne fait donc aucun doute. Ha, ha, ha, ha, ha, ha !

Andromède attendit une réponse bien cinglante… qui ne vint pas. Mais… Ouch ! Le poing tendu, il surgit des hauteurs ! Impossible d’esquiver ou de contrer. Sonnée, elle replongea contre les carreaux de marbre qui éclatèrent.

Souhaitant en finir rapidement afin de posséder cette chair vivante (faite sur mesure), il pointa le doigt en l’air. Des volutes de fumée obscure se détachèrent et l’accumulation de chakra produisit un disque, qu’il projeta sur l’étourdie. Enfin, pas tant que cela : lorsqu’il la toucha, sa cible devint nuée d’argent. Jaillissant alors dans son dos, d’une main, elle le décapita et, dans un cri de victoire, jeta son trophée contre la Pyramide d’Onyx. Le reste du corps retomba mollement au sol.

De par sa nature maléfique, l’artefact demeurait invisible au Néant ; imaginez donc sa surprise lorsque sa tête cogna le vide.

— Quel est cet objet imperceptible, ma douce enfant ? lâcha-t-il après avoir fini de rouler.

Trop occupée à tracer le sceau qui cloîtrerait cette chose pour les trois mille années à venir, elle ne prit pas la peine de répondre.

— Je vais me reconstituer, belle Andromède ! Je reviendrai au sommet de ma puissance, spécialement pour te posséder. Ta mère a fait des merveilles en t’engendrant.

Sa besogne accomplie, elle s’éleva dans les airs et entama une psalmodie que lui avait apprise la Créatrice :

Que la créature emprisonnée,

Sois privée de toute liberté.

Que s’achève le temps de la malchance,

Que commence celui de l’abondance.

Ce sort irrévocable que je lance,

Gage d’une vie vidée de nuisances.

La clef ne peut être que ma lignée,

J’appose le sceau de mon essence

Maudissant ainsi ton existence.

Progressivement, le symbole mystique tracé luisit d’or et d’argent. Une fois complété, un dôme se forma autour de la mortifère créature, puis Andromède transposa la pyramide à son flanc et franchit son vortex.

Arrivée de l’autre côté, elle dominait le troupeau. Les dix mille et quelques réfugiés de Khalarie, pour la majorité des sorciers, avaient les yeux rivés au ciel.

— Par la main de La Mère, je suis devenue la gardienne de la magie. Mon nom est Andromède Darck, prêtresse que vous avez laissée au sacrifice pour sauver vos misérables destinées. Je vous accorde mon pardon, à la condition que vous vous soumettiez à ma volonté. Paramisse est perdue, sa guérison prendra trop de temps pour qu’elle puisse encore abriter la vie.

— Où allons-nous résider dans ce cas ? s’exclama une voix égarée parmi les survivants.

— La Créatrice a engendré plusieurs galaxies, hébergeant différentes créatures. Elle nous permet de quitter celle-ci pour rejoindre un Nouveau Monde, où nous cohabiterons paisiblement avec l’espèce humaine.

Tous la regardaient, ébahis. Ils sentaient la force de son chakra électrisant sa peau, caressant la leur. Dans un parfait ensemble, la majorité s’agenouilla en signe d’obéissance. Par télépathie, elle entra en contact avec Naps, installé sur un trône, au cœur du reflet de l’univers :

— À toi de jouer.

Il rayonna de sa puissance et des milliers d’aiguilles sortirent de l’assise royale, le transperçant de part en part. Se nourrissant de son énergie mystique, la salle se mit à bouger. Voyageant au cœur de la voûte stellaire, le représentant du clan Bonaparte focalisa son attention sur la planète Terre. Nombre de galaxies défilèrent, avant que, enfin leur fief se dessine et qu’un itinéraire s’établisse. Puis ses prunelles larmoyantes se posèrent sur Sarek :

— Je t’aime, articula-t-il en crachant son sang.

Et, sous les yeux de son fils, Naps rejoignit l’Entre-deux-mondes.

Andromède écarta les bras et sa sorcellerie engloba Khalarie.

Le vortex interplanétaire d’argent, qui s’ouvrit sous ses fondations, engloutit alors la cité et son contenu.

**

Terre – 100 Av. J.-C

Le firmament saharien, inondé de l’éclat solaire, se déchira en un nuancier de couleurs flamboyantes. Pareil à une aurore boréale, un vortex irradia la steppe de ses relents cosmiques. En surgit une imposante structure. Réduisant sa force d’inertie, la construction étincelait sous l’éclairage de l’astre de feu. Elle se posa dans un vacarme assourdissant, engendrant une tempête, faisant s’envoler le sable sur des lieues à la ronde.

Réunis au cœur de Khalarie, les Paramissiens se laissèrent gagner par l’émotion. Cris de joie, pleurs, embrassades… Même Andromède ne put contenir son bonheur et s’autorisa un sourire radieux. Enfin, ils allaient retrouver cette félicité perdue. Mais avant cela, il subsistait bon nombre de choses à accomplir. D’une poussée parfaitement maîtrisée, elle s’éleva dans les airs et par le truchement de l’esprit, s’adressa à ses sujets :

— L’heure n’est pas encore à la réjouissance ! S’il reste des membres de l’Ordre en vie, qu’ils rejoignent le général Sarek Siriki dans la salle du trône ; il vous fournira mes instructions.

Épargnez votre chakra ; pour l’instant, cette terre n’en produit pas.

Sous peu, Khalarie s’adaptera au nombre d’habitants, réduisant l’espace de façon à ménager nos ressources. Installez-vous dans les résidences proches du palais. Solidarité devient notre maître mot.

Rassurez-vous, mon inépuisable pouvoir me permettra de pourvoir à vos besoins.

Puis la nouvelle Reine éternelle tendit les bras, qui étincelèrent de son aura argentée. S’échappant en multiples faisceaux, ses rayons touchèrent les survivants un à un et entre leurs mains apparut de la nourriture. Puis le vortex de la souveraine se matérialisa et elle y pénétra.

Le tunnel de lumière la déposa directement dans ses appartements. Agacée d’être nue, elle enfila une robe de soie noire à bretelles. Qu’elle fut heureuse de chausser une paire d’escarpins ! Possédant dorénavant sa propre volonté, sa magnifique chevelure immaculée fusionna pour former un imposant chignon. Elle oubliait quelque chose…

Puis, la révélation :

— Le diadème d’Ennigaldi !

À la pensée de sa mère d’adoption, la redoutable sorcière fondit en larmes. Ses sœurs lui manquaient, sauf Naïla, qu’elle haïssait !

« A-t-elle survécu ? »

L’amertume laissa place à la rage. Désirant en avoir le cœur net, elle scinda son âme, et en envoya la moitié ressentir les émotions de la cité. Elle n’eut pas à survoler Khalarie bien longtemps, l’aura de puissance de la garce se détachait clairement du lot. Sa lumière regagna sa chair.

Avant de s’occuper de son cas, Andromède devait nourrir la Terre du chakra contenu dans les réservoirs de Karistal, amassés par Ennigaldi dans le plus grand secret, sur l’ordre de Kelly.

Obligée de garder son masque de noblesse, elle retint son chagrin et se transposa dans la salle du trône. Son index virevolta et le siège de Rubis se déplaça, révélant une dalle de Diamonite estampillée d’un W. La Gardienne de la magie posa sa paume dessus et l’imbiba son énergie mystique. Reconnaissant son autorité, la stèle s’effaça. Elle sauta à pieds joints dans le trou et se laissa tomber. La chute fut profonde, mais rapide. Distinguant le sol, elle freina et atterrit délicatement sur ses talons.

Des flambeaux enchantés s’embrasèrent, dévoilant un cercle de douze piliers transparents séparés par des alcôves, pourvues d’imposantes jarres de Karistal. Son regard se porta au plafond : les colonnes soutenaient le parterre d’émeraude de l’antre royale. Puis la vivacité des torches se réduisit et un halo vermillon provenu des hauteurs éclaira le centre de la pièce. Soudain, la représentation astrale de Green Hood parcourue d’éclairs se matérialisa.

— Bienvenue dans mon laboratoire, Andromède Darck ! Grâce à mon génie, la magie de Paramisse va prospérer sur la Terre.

L’image devint floue. Andromède comprit qu’il ne s’agissait pas d’une projection, mais d’un enregistrement photonique. Admirative et curieuse du phénomène, elle approcha l’hologramme et tourna autour, attendant qu’il se stabilise :

— Pour actionner le système, il te suffit de propulser ta puissance simultanément sur toutes les jarres. Lorsqu’elles seront totalement illuminées, coupe le contact et laisse faire. Attention, l’intensité de chacune doit être équivalente aux autres. Un iota en trop et boum.

Ses pupilles d’or, semblables aux siennes luisirent, puis il s’estompa. Pressée d’en finir, Andromède s’installa au centre. Sa crinière se défit pour se séparer en douze mèches, qui vinrent s’enrouler autour des contenants. Ses iris brillèrent et son énergie mystique se propagea au travers de sa toison. D’abord indolore, la procédure commençait à demander un effort sursorcier ! Tenant bon, elle eut le sentiment de lutter contre la sorcellerie dont elle était Gardienne.

Enfin, le chargement se régula. Apaisée, sa symbiose avec la machinerie s’accomplit. Désormais maîtresse du flux, elle conclut la manœuvre et, au moment propice, rompit le contact.

Alors que sa chevelure reformait l’imposant chignon, le souffle court, la reine éternelle tomba à genoux.

Les piliers transparents aspirèrent les particules chakratiques stagnant dans les jarres puis, s’extrayant du sol, une petite colonne apparut aux côtés d’Andromède qui, avec peine, se releva et y apposa sa paume. Une pression se créa à l’intérieur des piliers, qui évacuèrent les relents de magie aux tréfonds de la planète. D’ici quelques semaines, leur Terre d’accueil générerait son propre pouvoir.

Maintenant, elle pouvait régler son compte à Naïla. Au passage, elle récupérerait le diadème de sa mère.

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