Chapitre 28 – Résurrection révélatrice

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Mercredi 2 novembre 2022, Sahara, Enlil Darck

C’est sous un ciel illuminé d’étoiles, tout en se remémorant l’agréable mise à mort de sa tante, qu’Enlil, souriant, traversa le Sahara nu-pieds. Flottant au vent, ses cheveux se nourrissaient des énergies mystiques libérées par la ligne tellurique qu’il suivait. Dévêtu, son torse musclé absorbait goulûment les ondes cosmiques émises par la pleine lune. Seul au milieu du vaste désert à la voûte pailletée, il rayonnait de turquoise. Son chemin initiatique le destinait à acquérir la puissance nécessaire à l’exécution de la résurrection. Il stoppa soudainement sa progression solitaire et analysa l’environnement.

Soufflant fortement, le Simoun entravait le règne du silence sur les dunes qui l’entouraient. Enlil l’utilisa afin de créer une tornade. Dirigeant la tempête de ses mains, il s’en servit pour transporter le sable recouvrant l’antique tombeau à quelques lieues de là. Sculptée dans un bloc de karistal, l’énorme bâtisse se voyait traversée par la féerie sélène bleuâtre. Son regard chakratique s’activa et il se mit à psalmodier :

« Je convoque la substance unique constituée des mille martyrs immolés.

Reconnais en moi l’Héritier.

Accorde-moi par ce fait l’accès au mausolée de l’Ancêtre sacré. »

L’hologramme d’un humanoïde au visage changeant s’incarna et annonça d’une voix caverneuse :

Futur Roi, nous te reconnaissons et t’octroyons le droit de pénétrer la sépulture sacrée.

Enlil traversa la manifestation, puis grimpa les escaliers translucides gorgés d’énergie mystique. Avant de franchir l’entrée, il s’arrêta et s’adressa à l’entité :

— Mes frères arrivent, accorde-leur le passage.

La première des Darck reposait en lévitation sur un parterre de roses cristalloïdales transparentes. Son interminable chevelure argent nouée en une longue tresse s’enroulait sous sa nuque, lui faisant un oreiller. Un fin bouclier chakratique la recouvrait. Enchantée par la féerie du lieu, Enlil en oublia presque pourquoi il se trouvait là. D’un claquement de doigts et, çà et là, une multitude de chandelles apparut.

Lorsque Kieran pénétra dans le mausolée, l’héritier achevait ses préparatifs. Warren débarqua à sa suite. L’aîné récupéra le pendentif et, respectant les instructions de son aïeule, c’est par le biais de l’esprit qu’il l’ouvrit.

— Comment t’as fait ? Je me souviens que mère s’y est essayée pendant des années sans aucun résultat.

— Andromède m’a simplement fourni le code ainsi que la méthode qui va me permettre de la ramener à une existence physique.

— Et pourquoi pas à maman ?

— Cela fait partie du dessein de La Mère, selon ses explications assez floues.

Il canalisa au creux de sa paume un orbe qu’il fit fusionner avec le bijou, qu’il posa ensuite sur le symbole esquissé de son sang. Enlil lévita et s’installa au-dessus du tracé. Sous l’œil attentif de ses frères, il disposa le corps d’Andromède entre l’emblème et lui-même et psalmodia :

« Ton âme et ta chair par ta volonté furent scindées.

En ce jour, ton enveloppe charnelle, tu te dois de réintégrer ».

Le fin tracé s’éclaira. La dépouille d’Andromède aspira l’énergie générée et une chrysalide chakratique laiteuse l’enveloppa. Enlil luttait contre la magie et cela ne se voyait pas, ne se ressentait pas. Paré de son masque royal, il mena ce combat de la chair et de l’esprit de tout son savoir-faire, joint à sa puissance. La douleur se lisait sur son visage. Soudain, il poussa un cri si aigu que les Bédouins, sommeillant à quelques kilomètres d’eux, se réveillèrent en sursaut.

Son aura or grossissait de façon exponentielle. À son apogée, elle engloba l’ensemble du tombeau. Puis l’éblouissement du symbole cessa et le cocon s’estompa. Le corps de la première des Darck retomba brutalement à terre. Warren allait se précipiter vers la ressuscitée quand, d’une voix froide, Kieran l’en empêcha :

— Le processus n’est pas terminé. Si tu interviens, elle meurt pour de bon.

Il affichait un sourire de satisfaction qui ne rassurait pas son jeune frère.

Le karistal bleuté composant la sépulture devint cuivré ; son minerai inondé de chakra royal propulsa son contenu sur Andromède, unifiant de la sorte son cœur et son esprit, qui s’allièrent à sa puissance mystique.

Enlil était toujours en lévitation, le regard brillant, le visage souffrant. Des ailes d’or percèrent son dos et il transmit l’énergie à sa disposition à Andromède. Son âme se retrouvait à sa place. L’étape suivante consistait en la réintégration de sa sorcellerie. C’était à l’ancêtre d’entrer dans la danse. Un éclair argenté jaillit des profondeurs de Khalarie, s’envola au-dessus des dunes et parcourut rapidement le Sahara avant de fusionner avec sa chair.

Depuis son plus jeune âge, Enlil rêvait d’un sortilège que son instinct le poussa à exécuter. Il tendit ses doigts en direction d’Andromède et hurla :

« Que les flammes de la résurrection répondent à mon injonction ! »

Sa chevelure de jais s’éleva en un large éventail et son regard s’incendia. Le feu se propagea à sa peau, le transformant en torche vivante. Ses ailes propulsèrent la totalité de leurs plumes qui se détachèrent pour venir lécher la chair d’Andromède, faisant s’embraser son corps. Puis, peu à peu, les flammes s’atténuèrent et finalement, se résorbèrent, laissant apparaître un amas de cendres.

Enlil s’éteignit également et défaillit. De l’index, Kieran le stabilisa, puis Warren le rapatria près d’eux. Ce dernier, réputé pour ses talents de guérisseur, le requinqua d’une pichenette de chakra au cœur, ce qui reconnecta ses énergies.

— Elle reviendra dans six heures. Je vais me coucher. Restez auprès d’elle, je rentre à la maison, dit-il épuisé.

Et, las de ces péripéties, il s’évapora.

**

Six heures plus tard, sous les cendres, la première des Darck reprit vie. Kieran et Warren la conduisirent à la Villa. Une fois leur ancêtre installée dans une chambre, l’heure du repos était venue pour nos héros. Enfin… pas tout à fait, car ils découvrirent, en passant devant le donjon d’entraînement, Darrius, inanimé, au pied d’une immense pyramide d’onyx. À travers ses songes, Enlil sentit l’anxiété de ses frères…

La couette sur le visage, il ouvrit les yeux, regarda l’heure et lâcha un soupir d’agacement avant de s’évaporer. Il réapparut devant la porte coulissante du donjon. Sous le regard inquiet de Kieran et Warren, l’aîné analysa l’environnement ;

— Il s’agit d’un champ de force destiné à repousser ceux usant de magie sur la pyramide, les informa-t-il.

De l’index, il rapatria leur père et la manifestation cessa d’emblée. Warren sonda Darrius :

— Il est dans les vapes, mais il ne devrait pas tarder à se réveiller.

Par précaution, le benjamin transfusa une petite quantité de son chakra au blessé, qui se réanima aussitôt. Avec l’aide d’Enlil, il se remit debout. Kieran, prévenant, fit apparaître une chaise à son intention et l’interrogea.

Darrius but d’une traite le verre d’A + invoqué et entama son récit :

— Je me suis rendu comme convenu au miroir d’onyx afin de briser le sceau placé par votre mère. À ma grande surprise, le reflet était déjà déverrouillé. Lorsque je suis rentré dans le cabinet royal, la Pyramide trinitale, que je n’avais pas revue depuis le jour de la communion du Roi Jonas, s’y trouvait, ainsi qu’un effluve familier.

— Alien, soufflèrent ensemble les garçons.

— C’est bien cela. Mon autorisation de vortex de sortie étant toujours valable, je l’ai rapportée à la villa. J’ai tenté de percer son mystère à l’aide d’un sortilège, mais l’artefact m’a foudroyé. Après, c’est le trou noir.

— J’ai tendance à penser que notre mère n’est pas si décédée qu’il n’y paraît, annonça Kieran, convaincu de son propos.

Ce que lui confirma son père avec douceur :

— Maintenant que la mémoire m’est revenue, je peux vous affirmer qu’elle est bel et bien en vie. Sa mort a refait d’elle la Gardienne du Continuum.

Dissimulant sa joie, le cadet s’approcha de l’objet et l’observa sous toutes les coutures. Comme ses grands-parents, cinquante-deux années plus tôt, il découvrit le témoignage de Kelly ; Enlil, l’air nostalgique, en fit la lecture :

« Mes excursions solitaires dans le passé visent principalement à préserver le monde de la fin sinistre qui se profile.

Assurer la protection de mes fils reste ma seule ambition.

J’ai travaillé à partir d’époques différentes, bafoué les lois et modifiés certains événements historiques afin d’obtenir le résultat souhaité.

La magie en œuvre voyagera à travers le temps afin de rattraper ses destinataires.

Ne voyez pas en moi une sainte ! Je n’ai pas hésité à utiliser les pires bassesses afin d’atteindre mes objectifs. En écrivant ces mots, j’arrive avec soulagement au bout de tout cela.

Pour conclure le cycle, j’ai transporté la pyramide sur Paramisse bien avant que la Mère ne lui confie la vie.

L’ultime acte déclenchant pour eux le début de tout, signait enfin le dénouement de mon tourment. »

Au dernier mot prononcé, un vortex s’ouvrit, les aspirants avec la pyramide et le maelström les rejeta, non loin du palais.

— Pourquoi nous a-t-elle transféré ici ? se demanda Warren tout haut.

Pensant qu’il s’adressait à lui, Enlil répondit :

— Par elle, tu veux dire le monument ?

— Bien sûr, si aucun d’entre nous ne l’a fait, ça ne peut venir que de l’artefact.

Un long sifflement identique à celui d’un wagon à vapeur se fit entendre. Dans un parfait ensemble, ils se retournèrent : la pyramide répandait de la fumée ! Guidés par l’instinct, ils joignirent leurs mains et le cercle s’activa, leur fournissant une protection de justesse. Une onde de choc déferla jusqu’aux limites du palais. En quelques minutes à peine, sous les yeux ébahis des trois frères, une magnifique forêt d’arbres cristalloïdaux transparents se mit à pousser en plein désert. Les huit cloches de Karistal étendirent le bouclier déphasant la cité, rendant ainsi l’Éden imperceptible.

Le message de la Gardienne s’effaça, laissant place à une ouverture que les Darck franchirent.

Ils entamèrent la visite en suivant un petit chemin tracé à travers la noirceur de l’endroit grâce à des sphères lumineuses flottantes. Ils détectèrent autour d’eux une aura bienveillante. En bout de route, ils repérèrent un nid entouré d’un immense feu d’argent.

D’instinct, ils y enfouirent une main et, successivement, en sortirent des couronnes de karistal aux coloris correspondant à leur chakra.

— Qu’est-ce que ça signifie ? demanda tout haut le second de la fratrie.

Une femme au visage voilé apparut au cœur des flammes. À travers son éblouissante présence, on entrevoyait un poste de pilotage, ressemblant à celui d’un vaisseau spatial. Son timbre mélodieux provenant de partout et de nulle part à la fois résonna dans leur tête :

« Mes champions, le destin qui vous attend n’en est qu’à ses balbutiements. Ces couronnes vous permettront de concrétiser votre projet de conquête de la Terre. Quand l’heure sera venue, la pyramide vous donnera la possibilité de voyager à travers l’Univers, votre royaume. »

Puis, sans plus d’informations, la Mère disparut. Andromède, profondément endormie dans une chambre de la villa, ouvrit subitement les yeux.

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