Chapitre 32 – Super vilains
Lundi 7 novembre 2022. Sicile.
La ville de Catane était habituée aux caprices explosifs de l’Etna. Au fil du temps, les habitants avaient appris à prédire ses éruptions. Pourtant, les dernières secousses apparurent soudainement. Aucun des nombreux détecteurs d’ondes sismiques, dont toutes les maisons étaient équipées, n’avait annoncé la tragédie épouvantable dont ils furent les proies. La totalité de la population avait péri dans ce que les humains pensèrent être une catastrophe naturelle.
Son réveil inattendu fut causé par l’intrusion du Néant sur notre Terre, par le biais du portail interplanétaire découvert par Suridar. Depuis, l’entité maléfique s’appliquait à mettre en position les pièces de son programme dévastateur.
Suridar, ivre de chagrin suite à la perte de sa femme et d’Alanine, prit quelques jours afin de digérer son deuil. Bien sûr, il désirait se venger de la Trinité. Malheureusement, ses projets étaient bien trop engagés pour succomber à sa soif de sang des Darck et surtout, le Néant, son maître, requérait sa présence sur-le-champ.
Le magma bloquant ses pouvoirs, il fut contraint d’accéder à l’entrée de leur repaire par le chemin de lave, marchant prudemment au milieu des vapeurs étouffantes, évitant parfois de tomber de justesse dans les coulées de roche bouillonnantes.
L’air empestait le soufre. Le vent fort faisait voltiger les sombres résidus de cendres volcaniques. La soutane humide, le corps ruisselant de sueur, il atteignit enfin sa destination. Ce fut haletant qu’il s’arrêta devant une paroi rocailleuse. Sa sorcellerie fut de nouveau activée. D’un claquement de doigts, il recouvra son éclat, puis pénétra dans une galerie éclairée par quelques flambeaux verdoyants.
Il aurait préféré avancer dans le noir total, car s’étalaient à perte de vue les lambeaux de chair nécrosée perdus par les Gogs. La vision écœurante combinée au fumet putride dégagé par ces immondes créatures poussa son estomac dans ses derniers retranchements. Pendant cinq bonnes minutes, il se soulagea dans un coin.
Remis de ses émotions, c’est avec hâte qu’il rejoignit le cœur du volcan. Il s’apprêtait à annoncer sa présence, lorsqu’une conversation résonna dans l’immensité du cratère. Suridar changea d’avis et se camoufla dans un angle, espionnant l’échange entre Néant et sa mystérieuse disciple. La manie de cette femme à garder son visage dissimulé l’intriguait. Qui était-elle ? Pourquoi maintenir son identité secrète ?
— Maître, votre enveloppement physique touche bientôt à son terme. Pensez-vous qu’il soit judicieux de continuer à impliquer ce poltron d’opportuniste de Suridar ?
L’œuf recouvert de veines violettes lévitant au-dessus du magma répondit ceci :
— Ma précieuse enfant, je t’accorde que c’est un couard, mais son sens de la manigance et sa faculté à semer la discorde demeurent nécessaires à la suite des événements.
— Certainement mon maître. Concernant « La Reine », à quel moment, vais-je pouvoir la faire passer de vie à trépas ? Le ton haineux qu’elle employa fit frémir de plaisir le contenu de l’œuf.
— Sois patiente, ma bien-aimée. Laissons-les finir leur minable tentative de sauvetage de l’humanité. À leur insu, ils réveilleront mon armée, qui jettera sur cette Terre la même désolation que sur Paramisse.
Soudain, l’idée de s’associer avec cette entité ténébreuse n’enchantait plus beaucoup Suridar. Mais à son grand désarroi, il s’aperçut qu’il ne pouvait faire marche arrière, et que le destin de son fils, mort-né et capturé par le Néant, dépendait de son engagement. Cet enfant avait été le prix payé par Alanine à Suridar pour l’aide qu’il lui avait fournie pour usurper le trône. L’apôtre du Néant l’avait kidnappé le jour de sa naissance, afin d’obliger Suridar à former une alliance. Plutôt que d’annoncer l’enlèvement de son héritier, il avait maquillé la vérité et en avait fait un nourrisson mort-né aux yeux de la cour et de sa mère. Même sa défunte épouse, qu’il aimait éperdument, n’avait pas été mise dans la confidence. Depuis neuf ans, il exécutait sans relâche les instructions données par cette femme qu’il exécrait. Il jaillit de son trou comme s’il arrivait.
— Maître, je viens vous livrer les nouvelles récentes, clama-t-il en sortant de sa cachette.
— Parle, misérable.
Le ton mielleux employé par la créature tapie dans l’œuf le terrorisa. Maîtrisant sa peur, le sorcier les rejoignit tout en restant à bonne distance.
— L’un de mes espions au sein du palais m’a informé du transfert de tous les dirigeants des gouvernements humains au cœur du Colisée de la cité, à huit heures et demie.
Sa voix mal assurée ravit la disciple, qui adorait être spectatrice de l’effroi inspiré par son sauveur.
— Bien. Allons secouer le quotidien un peu trop calme du clan de la sublime Andromède Darck. Tu t’y rendras pour éliminer tous les humains. Seulement attention ! Ne t’en prends à aucun Khal, ordonna le Néant avec une douceur glaçante.
— Concernant mon fils, quand vais-je le voir ?
— D’ici quelques jours, tu pourras rencontrer ta progéniture. Tu m’as bien servi. Tu seras récompensé !
Puis le sorcier ouvrit son vortex et disparut.
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