Chapitre 33 – Toute résistance est inutile !

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Mardi 8 novembre 2022

Suite aux récentes péripéties, le clan Darck au complet œuvra afin de parfaire le projet de conquête de la Terre.

Kelly présenta à Enlil son espion infiltré auprès de Suridar. Le prince fut plus que ravi de cette information surprise, d’autant plus que l’agent double n’était nul autre que le père de Nick. Ce qui signifiait que le Monétaire avait respecté les indications de sa reine tout le long de la période où elle était supposée être morte et de ce fait, il n’avait pas trahi. Kelly lui avait fourni des instructions précises quant à ses agissements après sa mort, qu’il avait scrupuleusement exécutées, au péril de sa vie.

Warren en profita pour connecter sa machine au palais. L’Intelligence magificielle assumait désormais la fonction occupée par Andromède durant des siècles.

En dépit du chamboulement régnant au cœur du royaume, une excellente nouvelle vint éclaircir la noirceur perpétuelle dans laquelle cette crise majeure les avait immergés : Lyana portait la vie.

Sur le Colisée planait un calme écrasant. Souverains, chefs d’État et administrateurs des cultes, anxieux, attendaient sans mot dire, assis dans les gradins. Cela tombait bien. Les individus en proie à ce genre d’émotions se révélaient plus faciles à manipuler, et à plus forte raison lorsqu’il s’agissait de tout un groupe.

Il fallait les comprendre : être confronté à son double à la sortie du lit peut être traumatisant. Soudain, chacun d’eux se retrouva expédié, brutalement ou non, dans un vortex. Entre l’instant de leur enlèvement et leur entrée, ils vécurent les moments les plus surprenants de leur carrière.

En qualité de subtils tacticiens, la fine fleur de l’humanité respecta les instructions fournies par les ravisseurs à leur arrivée. Les moyens déployés afin de les soustraire au nez et à la barbe des meilleurs services de sécurité du monde laissaient entendre la gravité de la situation. Une question se bousculait dans leur esprit : « Qui avait les ressources et l’influence nécessaires pour parvenir à assumer une telle logistique ? »

L’héritier et ses frères, vêtus des nouveaux uniformes impériaux cintrés, confectionnés de Kevlarstar noir et équipés du dernier cri en matière de magicologie, apparurent soudainement au cœur de l’arène.

Assis chacun sur un trône de rubis, ils observaient méticuleusement leurs prestigieux invités. Poutine, Macron, Merkel et Biden furent casés côte à côte. Quant à Élisabeth II, Mohamed V, Albert de Monaco et leurs royaux homologues, ils se virent placés dans une loge princière, mise à disposition par Kieran en personne.

Puis Enlil se leva et tous les regards convergèrent dans sa direction. Sa parole résonna alors dans le crâne de chacun et le soubresaut de panique qui s’ensuivit amusa follement les princes Darck.

— Bonjour à vous et merci d’avoir respecté les consignes fournies par les membres de ma famille. Avant de vous exposer la raison de votre convocation, je vais vous offrir une distraction matinale.

Il claqua des doigts et, entre les mains des spectateurs, apparut un Beretta 92 FS. Élisabeth II, très noble dans sa magnifique robe de chambre écossaise, la tête coiffée de bigoudis, une cigarette à la bouche accompagnée d’un Irish coffee, sursauta et s’exclama, d’un ton plein de conviction :

— God Save the Queen, please !

D’une pensée, il força ses invités à braquer l’arme dans sa direction. D’une deuxième, il les obligea à presser sur la détente. Les balles fusèrent, s’arrêtant à quelques millimètres de sa personne, pour finalement retomber au sol. Ensuite, il les contraignit à pointer le canon sur leur voisin de droite. Quelques instants passèrent et, malgré eux et d’un air terrorisé, ils appuyèrent sur la gâchette. Rien ! Il n’y avait qu’une cartouche dans les chargeurs. Ravi de sa petite blague, Enlil rendit leur autonomie cérébrale aux dirigeants.

L’aura de puissance argentée générée par le Lien trinital caressa alors l’ensemble de l’amphithéâtre. Confrontés à ce phénomène surnaturel, les officiels ne purent esquisser le moindre mouvement. D’une même voix, les frères entamèrent doucement une psalmodie qui se répercuta jusqu’au vélarium :

« Esprit de la Nuit, voile de ténèbres qui obscurcit nos vies.

Investis ce lieu précis. Substitue-toi à l’éclaircie.

En cet instant volé au cœur de la clarté, je te permets d’exister. »

Soudain, éteignant la lueur matinale du soleil, le firmament s’assombrit. La pénombre envahit l’auditorium, des torches pendantes au mur s’élevèrent d’immenses flammes verdoyantes, un gong retentit et les trois frères s’estompèrent, laissant apparaître à leur place un maelström doré.

En sortit Kelly Darck, vêtue d’une élégante combinaison en dentelle noire. Elle avait tressé ses interminables cheveux argentés, signe qu’elle entrait en guerre. Son regard glacial aurait dissuadé n’importe quelle armée d’attaquer. Ce jour était celui où elle relâcherait sa haine trop longtemps contenue. En attendant l’arrivée de sa victime, elle eut le loisir d’observer le décor. Ses enfants avaient l’art d’épater les foules.

À exactement 8 h 30, le piège d’Andromède se referma, ce qui correspondit à l’instant où le vortex ennemi se manifesta. Invisibles, éparpillés çà et là, les darboukas explosèrent en de frénétiques coups de tam-tam, qui résonnèrent au-delà de la cité. Un sort soigneusement dessiné dans le sable illumina l’arène ; Suridar se trouvait maintenant à la merci de Kelly.

— Il semblerait que pour une fois, vous possédiez une longueur d’avance sur moi, lança-t-il tout en applaudissant.

Kelly ne put se retenir et elle expédia une décharge de foudre argentée sur le sorcier. Ce dernier, ayant de bons réflexes, para l’attaque sans difficulté. Néanmoins, son manque d’attention lui fit prendre l’assaut suivant. En effet, la Gardienne disparut, puis réapparut derrière son opposant. La paume qu’elle posa sur son épaule libéra une vague de vent violent qui le projeta à travers le ring.

Affalé sur l’arène, le joujou de Kelly devint rouge de colère. Essayant de se relever avec dignité, tout en époussetant sa longue soutane trop grande, d’un ton qui se voulait calme, il s’adressa à sa rivale :

— Gardienne du Continuum, notre interminable partie de cache-cache prend fin aujourd’hui, paraît-il.

Et, pour illustrer ses propos, Néotolc leva les deux mains au-dessus de son crâne, faisant naître une boule de flammes vertes, semblables au feu grégeois. Ayant anticipé l’offensive, Kelly sauta dans les airs, se préparant à frapper. Le sort de Suridar s’échappa de ses mains et s’envola pour la pister sans relâche, à la manière d’une tête chercheuse. Pendant quelques minutes, la combattante multiplia les acrobaties et les disparitions. Puis, fatiguée de ce petit jeu, elle retourna l’attaque à son expéditeur.

— Quand vas-tu comprendre que je te suis supérieure en tout point ? Tu n’es qu’une puce qui me démange depuis trop longtemps, dit-elle dans un demi-sourire.

Détestant être rabaissé, Suridar fut piqué au vif. Bouillant de rage, il la bombarda de sortilèges qu’elle évita un à un, tout en avançant d’un pas félin sur son adversaire.

— Je vais rectifier l’erreur de ta trop longue existence, largua-t-elle d’un ton haineux.

Malgré sa puissance, il savait, depuis l’instant de son apparition, qu’il vivait ses dernières minutes. Même s’il ressortait vainqueur de son combat avec cette chienne, ses fils lui feraient la peau avant qu’il ne puisse s’échapper.

Kelly remua lentement l’index. Le filament doré qui en sortit vint lécher l’épiderme du pathétique ennemi, qui tentait en vain de se soustraire au serpent chakratique sanglant.

Dans un ultime accès d’espoir, il invoqua un bouclier de volute noirâtre. Ainsi protégé, la magie de la Gardienne s’écrasa sur le bouclier et se résorba. Le choc du retour, qu’elle n’eut pas le temps d’éviter, lui coupa la respiration. Affalée au sol, la reine eut du mal à se relever. Néotolc, mis en confiance, s’approcha.

Une illusion ! Arborant un sourire sadique, elle surgit soudain derrière lui. Son souffle chaud effleura sa joue. Trop tard. Une lame s’enfonça profondément dans sa nuque. Sous le mouvement descendant du poignet de Kelly, son dos se déchira en deux. Elle prit soin de planter l’arme au bas de l’échine de son jouet et, au creux de son oreille, d’un ton sans équivoque, elle susurra :

— Tu ne vas pas périr aujourd’hui, mon ennemi ancestral. La mort est bien trop délicieuse comparée à la perfidie dont tu as fait preuve. Je trouve regrettable que ta démone de femme ait déjà succombé. J’aurais pris un malin plaisir à la malmener.

— Je sais admettre ma défaite, achève-moi, implora-t-il, le regard empreint de douleur et de honte.

— Même pas en rêve. Ma dague coincée dans ta colonne vertébrale te permet de vivre. Quand nous aurons clos nos petites affaires royales, je viendrai te rendre visite quotidiennement. Je vais passer de longues heures en ta compagnie pour te faire subir des tourments que ton esprit tordu ne peut imaginer. N’envisage surtout pas de la retirer, elle te causerait davantage de souffrance.

Suridar se décomposa. Il n’avait plus rien du dieu maléfique qui provoquait des ravages sur son passage : il n’était plus qu’une loque à la dignité perdue.

Kelly, dont les talons nageaient dans le sang épais de son adversaire, cautérisa la blessure d’un jet de flammes. Le cri du sorcier fut si intense qu’il se répercuta à travers tout le Sahara.

D’un coup de pied bien placé, elle l’étala face contre terre. Triomphante, la Gardienne se tourna vers ses enfants assis dans la loge royale. La Nuit invoquée s’éclipsa et, à la lueur du jour, les kidnappés arboraient des mines translucides.

Redoutaient-ils d’être les suivants ? La Trinité se transposa au cœur de l’arène :

— Voyez ceci, peuples de la Terre : Suridar, le sorcier qui vous menaçait, vient d’être vaincu sous vos yeux par notre mère. Nous sommes les Darck, désormais Empereurs de l’empire terrien ! clama Enlil.

Les politiciens commencèrent à s’élever en protestation. « SILENCE !! », hurla son esprit si fort sous leur crâne, qu’après la chute de certains d’entre eux, un calme religieux s’installa.

— Avant de continuer, reprit-il, doucereux, mon frère va préciser quelques règles afin d’éviter que l’un de mes légendaires accès de colère ne vous annihile tous par inadvertance. Kieran, s’il te plaît, conclut-il avec un geste, intimant à l’intéressé de s’approcher.

L’air tout aussi dangereux, le cadet avança d’un pas en avant.

— À l’avenir, vous n’interromprez aucun d’entre nous, sous aucun prétexte. En second lieu, vous ne prendrez la parole que si vous y avez été au préalable autorisés. Et pour terminer, ne vous fourvoyez pas : votre statut, quel qu’il soit, ne vous octroie aucune immunité.

Durant de lentes secondes, il les observa, et c’est d’un ton abrupt qu’il poursuivit :

— Pour répondre à vos pitoyables expressions d’étonnement, le fait que vous compreniez des langues qui vous sont étrangères est un autre de nos exploits. Un sortilège de traduction universelle englobe dorénavant la cité. Sous peu, il recouvrira l’ensemble de la planète. Mon frère va reprendre dans quelques instants, mais soyez conscients qu’il n’y aura pas d’autre avertissement.

Issaias Afewerki, dictateur assumé et tortionnaire reconnu de l’Érythrée depuis vingt-quatre longues années, n’eut même pas le temps de contester. Son cœur s’arracha de sa poitrine et vint se loger dans la main de Warren, convaincu qu’une image serait plus percutante que des mots. Warren se dit aussi qu’au-delà de l’exemple, la fin épouvantable de ce misérable apparaîtrait comme un bienfait pour le monde. Le teint déjà pâle des invités vira au vert. Tous tentèrent de garder bonne contenance, mais la pression eut raison de l’assurance de certains, notamment de celle du président autoproclamé de la Corée du Nord, Kim Jong-Un, dont une auréole humide souilla l’entre-jambes. Une fois, le calme revenu, Enlil se fit entendre :

— Un maléfice distillé dans l’air détruira l’humanité sous peu. Ce dernier vous dépossédera de vos vies. Préserver l’espèce humaine est impossible, mais avec l’aide de vos nations, nos sujets et nous avons la possibilité de vous transformer en êtres surnaturels. Je tiens à préciser que nous aurions pu tout simplement vous laisser mourir et nous approprier la Terre.

Il se tut quelques instants afin qu’ils digèrent l’information et reprit :

— Après mon départ et conformément aux instructions de mes spectres, vous visiterez notre cité et ainsi, vous pourrez vous acclimater avec le mécanisme de notre civilisation. En ce qui concerne vos fonctions, ne vous en préoccupez pas. Mes espions, ayant revêtu vos apparences, s’en chargent à votre place. Ne craignez rien, vous êtes ici en sécurité. Prévoyez de rester en notre compagnie jusqu’à la fin de tout ceci. Nous vous attendons ce soir, à vingt heures précises, dans la salle principale de bal où nous exposerons notre plan en détail. Des appartements au sein du palais vous seront attribués ; si une chose vous manque, n’hésitez pas à en faire la demande auprès d’Andromède, qu’il désigna du doigt.

— Et merde !

Profitant de la concentration des princes, Suridar s’était échappé. Abandonnant son public en état de choc, le trio s’évapora.

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