Chapitre 34 – Capuchon holographique

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Warren et Kelly avaient passé la soirée de la veille ensemble. L’histoire des frères Hood l’attaquant dans la salle du trône, lors de son seizième anniversaire, intrigua son benjamin. Ce dernier, convaincu que ce fait ancien était lié aux événements des temps récents, décida d’en savoir plus. 

Une fois les portes de l’entrée royale franchies, Warren en condamna l’accès à titre provisoire. Ensuite, il s’implanta au cœur de l’antre monarchique et laissa son esprit voguer à la recherche d’un élément expliquant comment les Capuchons avaient pu pénétrer ce lieu, sans la présence de Kelly ou de Jonas.

Sans grande surprise, il ne dénicha rien. Loin de se décourager, il guida ses pas jusqu’à son trône de rubis, puis s’y installa pour réfléchir à ses options. Une idée de génie lui traversa les méninges :

— Alexa, lance la spectrosorcellerie de masse, s’il te plaît.

La pièce s’obscurcit immédiatement et de la fumée verdâtre se dégageant du sol l’emplit. Après une attente interminable, le tout se résorba.

L’analyse ne fournit rien de probant, Concepteur, mais je porte à votre attention qu’il existe sous vos fesses une crypte, ne figurant sur aucun plan.

Ni une ni deux, de la main, il bougea délicatement l’assise, révélant une dalle de diamonite estampillée d’un W. Il frôla la gravure et le pavé tressaillit.

Warren le déplaça et pencha la tête dans l’ouverture. Le souterrain paraissait gigantesque. Exalté par sa trouvaille, il posa sa paume contre la dalle et l’imbiba de son énergie mystique. Reconnaissant son autorité, la stèle s’effaça. Il se mit au bord du gouffre et, droit comme I, il sauta. Bien que profonde, la chute fut rapide. Distinguant le sol, il diminua sa vitesse, lui permettant d’atterrir sobrement sur ses talons. À la seconde où son pied effleura le parquet, le corridor central s’illumina ; l’endroit couvrait l’immensité du palais.

Contrairement au reste de Khalarie, ce qui apparaissait comme un laboratoire clandestin demeurait imparfait. En ce lieu, le sortilège fondateur de la cité ne fonctionnait visiblement pas. Sous ses pas, le plancher craqua ; une vieille odeur de moisissure flottait dans l’air ; scorpions et autres bestioles du désert venaient de voir leur quiétude perturbée.

Des flambeaux enchantés s’embrasèrent, dévoilant un cercle de douze piliers transparents séparés par des alcôves, pourvues d’imposantes jarres de karistal vides. L’intensité des torches se réduisit et un halo vermillon provenu des hauteurs éclaira le centre de la pièce. Au même moment, l’inscription « Green Hood », parcourue d’éclairs, se peignit sur la paroi, suivie de l’apparition du personnage en question.

Dans sa main droite, Green tenait une magnifique canne de bois blanc. Le pommeau représentait un être ailé monstrueux que Warren n’identifia pas. En guise d’œil, la créature arborait deux perles rouges. Puis le mystérieux sorcier eut comme une sorte de bug flou, qui finit par se stabiliser :

— Bienvenue, je suis l’un des fils de la Mère, je transmets en direct depuis le passé. Inutile de me répondre, je peux ni te voir ni t’entendre. Nous disposons de peu de temps, car l’outil me servant à interagir avec toi arrive à la fin de sa charge à ton époque.

Ensuite, il pointa la gauche du laboratoire qui s’éclaira ; différents types d’appareils et instruments s’étalaient un peu partout. Trois trônes en or, sertis de karistal, attirèrent son attention.

— Tes recherches en magicologie m’ont permis d’opérer quelques prouesses, dont ces trois trônes qui vous offriront la possibilité de connecter votre chakra à l’âme humaine. Sans ces catalyseurs, vous ne parviendrez jamais à clore le rituel. Je te laisse trouver les diverses options qu’ils renferment. Ma plus grande invention est déjà présente sur la planète. Adresse-toi aux amis de ta mère, Christian et Karl, ils te fourniront des instructions. À bientôt et bonne chance !

Sur ces mots, l’hologramme s’estompa. Toujours sous le choc de sa découverte, il alla s’asseoir sur l’un des sièges afin de réfléchir. Il aboutit à l’effrayante conclusion qu’il lui fallait s’occuper de tout ceci seul. Enlil et Kieran avaient bien trop à faire. Protecteurs, ses aînés avaient tendance à tout faire à sa place. Si tout se déroulait comme prévu, sous peu, il se verrait couronné roi de la magie. Warren prit sa décision : il irait à la rencontre de Christian et Karl en catimini. Il ne fréquentait pas ces sorciers, mais la famille en parlait fréquemment avec bienveillance. Nul doute qu’ils lui viendraient en aide. Le jeune homme se leva et le trône d’or disparut. À son pouce, un anneau de karistal cuivré apparut.

Warren rebroussa chemin et, sur son passage, une à une, les lueurs s’éteignirent.

— Alexa, inclus les sous-terrains dans le sortilège fondateur de la cité.

Une vague de puissance balaya le laboratoire secret, lui rendant son éclat d’antan. Dans une pluie de gemmes émeraude, un escalier de marbre noir conduisant à l’entrée s’ajouta. Le bric-à-brac plus que centenaire se rangea de lui-même et l’ensemble des bestioles fut transporté dans le désert.

De retour à l’étage, Warren traça un W à l’aide de son chakra au-dessus de l’ouverture. La dalle de karistal précédemment en position réapparut et l’assise royale se replaça.

**

Au 6, place des Vosges — 75 004 Paris, se trouve la demeure du célèbre Victor Hugo. Le somptueux manoir d’époque Louis XIII héberge les reliques de l’auteur. Chaque jour, le musée est envahi de touristes ne soupçonnant aucunement l’existence d’une entrée secrète juste sous leur nez.

Derrière les cordons de sécurité se situe une magnifique cheminée, finement ouvragée dans des tons rouge et noir. Il suffisait d’imprégner une dose minime de chakra au cœur du passage pour être aspiré par un maelström, vous expédiant directement aux sous-sols. Warren Darck emprunta ce chemin à l’insu de tous. L’atelier dissimulé regorgeait de tissus et d’outils épars, çà et là. Les aiguilles enchantées s’affairaient à parfaire la collection printemps/été. La magie était extrêmement influente en ce lieu. En dehors du palais, jamais Warren n’avait observé autant de forces en action. La puissance de ces deux frères devait être colossale. 

Peu coutumiers des visites, Karl et Christian invoquèrent tous leurs ciseaux, qui se placèrent instantanément entre eux et l’éventuel agresseur. Warren stoppa net sa course et s’équipa d’un bouclier au cas où les choses prendraient un tournant dramatique, puis il se présenta d’une voix amicale :

— Bonjour, Messieurs. Ne paniquez pas ! Je suis Warren, le fils de la Reine Kelly Darck. Je m’excuse d’arriver à l’improviste, mais on m’a invité à vous contacter.

Les armes aiguisées retournèrent aux postes qu’elles occupaient et Warren aperçut enfin les deux sorciers dont il avait tant entendu parler. Karl vrilla son regard en direction d’une petite fille âgée d’au moins dix ans qui s’était cachée dans un coin.

— Kayna rentre auprès de ta mère, on vous rejoindra pour le dîner.

Un vortex argent apparut et la gamine aux iris violine fixa Warren, lui sourit tendrement, puis disparut au cœur du maelström.

L’un des frères Lagerfeld arborait une chevelure grise coiffée en une queue de cheval. Sa silhouette svelte était moulée dans un costume de cuir cintré et ses yeux étaient camouflés par une paire de lunettes de soleil, qui lui mangeaient le visage. Il possédait les sublimes manières de gens de noble rang. Son acolyte était tout le contraire, jamais le prince n’aurait cru voir un Khal aussi rondouillard. Enveloppé dans un complet en velours marron au pantalon soutenu par des bretelles, son corps dodu planait à ras le plafond. L’œil affectueux et le sourire aux lèvres, Christian l’invita à prendre place sur l’un des magnifiques fauteuils Voltaire bordeaux.

Ils parlèrent de la pluie et du beau temps pendant quelques minutes, puis Warren leur relata son expérience dans les mystérieux sous-sols de la salle du trône. Karl toisa son frère et lui dit :

— Enfin ! Je pensais que ce jour n’arriverait jamais !

— Que veux-tu dire par là ? demanda Warren.

— Laisse-moi lui raconter l’histoire, Christian !

L’excitation dans sa voix intrigua le Prince.

— Fais-toi plaisir. De toute façon, il est meilleur conteur que moi, confessa-t-il à son prestigieux invité.

D’un geste rapide de la main, il fit apparaître trois cocktails à la teinte rosée, accompagnés de petits fours.

— Lors de sa Communion d’allégeance, Jonas Darck a annulé le sortilège nous retenant prisonniers. Nous avons alors décidé de tenter de vendre nos confections aux humains. Jeune et plein d’enthousiasme, le duo que nous formions a abordé ce nouvel univers empli de possibilités avec une innocence qui a fini par nous perdre. Nous nous sommes ensuite résolus à retourner auprès des nôtres, la tête basse et honteux de notre échec. Quelques heures avant notre départ, nous avons rencontré un individu singulier au visage masqué par un capuchon vert, qui nous a conduit ici même. Après quelques heures à papoter où j’ai éprouvé l’impression qu’il cherchait à mesurer notre valeur (tu imagines ?!)… il nous expliqua brièvement ce qu’il attendait de nous et la raison, mais sans vraiment rentrer dans les détails. Puis il a disparu sur ces paroles mystérieuses :

« Sous aucun prétexte vous ne révélerez notre accord au risque de perturber l’espace-temps. Lorsque Warren Darck viendra à vous, dévoilez-lui mon œuvre, il saura en disposer. »

— Je me permets de t’interrompre, mais… quel était ce marché ?

— Notre bienfaiteur énigmatique nous offrait le moyen de surpasser la renommée de notre famille, tout en mettant son projet en place : protéger la planète dans un avenir qui nous semblait lointain à l’époque. Mais aujourd’hui, enfin, le moment de te présenter l’imprimeur de pensées est arrivé, annonça-t-il d’une voix protocolaire qui évoqua Anatole au Prince.

Ses hôtes l’invitèrent à les suivre jusqu’à une toile représentant la reine Kelly Darck. Il trouva sa mère majestueuse dans sa robe d’un blanc immaculé. Leur main droite se posa sur la peinture. Avec un synchronisme millimétré, les couturiers psalmodièrent une incantation :

« Et tuâmes nabis transitons, résonnate Regina meut fidèles ! »

À la lueur du chakra de Christian, les trois compères parcoururent l’immense tunnel paré de karistals émeraude qui se terminait sur une vaste grotte contenant une centaine d’estrades de diamonite. Warren, intrigué, s’approcha d’un des appareils et tourna autour en silence. Ses amis stylistes attendaient son verdict, non loin de là.

— Bien, il semblerait que le dispositif octroie le pouvoir de former la réflexion de l’esprit. Comment ce mystérieux capuchon vous a-t-il aidé à consolider votre position dans le milieu de la mode ?

— En échange de notre collaboration, il nous a offert la première de ces machines, cela nous a permis de nous affranchir des limites imaginatives. C’est ce qui a bâti notre renommée, répondit Karl.

— Vous avez fabriqué ces appareils grâce à ses instructions à partir du premier exemplaire ! Mais dans quel but ?

— J’étais sûr que tu poserais cette question ! En bas, sur la droite se trouve un boîtier à peine visible. Pour l’ouvrir, tu dois presser le creux que tu sentiras.

Le Prince s’exécuta et saisit immédiatement l’utilité de ce bijou de magicologie.

— Mes amis, je vais devoir vous mobiliser pour mettre tout ceci en place, acceptez-vous de m’accorder votre aide pendant les jours à venir ? Il nous faudra déterminer l’endroit où les placer et aussi dénicher les meilleurs geeks de l’humanité.

— Les emplacements sont déjà localisés, nous avons investi dans deux cent trente-quatre boutiques à travers le globe, toutes situées sur les anciennes lignes telluriques. Autant te dire que le monde entier s’est interrogé lorsque nous avons inauguré un magasin au milieu de l’Amazonie.

— Ne m’en parle pas ! On a fait les choux gras de la presse pendant six mois, se plaignirent les Lagerfeld dans une pure harmonie.

— Dans ce cas, je reviendrai vers vous en temps utile, annonça Warren empli d’excitation.

Les estrades de karistal disparurent avec lui.

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