Chapitre 35 – Royal planning

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Satisfait du succès du kidnapping, Enlil déambulait dans son palais, planifiant la suite de sa journée. La fuite de Suridar le contrariait, mais cela n’avait rien d’un problème majeur, car le scélérat ressurgirait tôt ou tard, et il restait de nombreuses tâches à accomplir pour parfaire ses projets. Avant toute chose, il souhaitait féliciter la future maman. Tandis qu’il arpentait les couloirs de son fief pour atteindre l’aile royale, il vit sa mère sortir des cachots. Celle-ci s’arrêta, attendant que son aîné la rejoigne. Comme à l’accoutumée, il étreignit Kelly quelques instants :

— Que faisais-tu aux oubliettes ? demanda-t-il en soufflant une mèche tombée devant son œil.

— Disons que j’ai un plan en tête que je partagerai avec toi d’ici peu.

Son sourire énigmatique n’augurait rien de bon. Enlil savait pertinemment que le capital-risque de ses agissements était d’au moins soixante pour cent.

— Devrais-je m’inquiéter ?

— Ni plus ni moins qu’à l’accoutumée, le rassura-t-elle, tout en lui caressant la joue.

— Je t’aime.

— Si je ne te connaissais pas aussi profondément, je dirais que ton cœur s’est attendri ces derniers jours. Ça te va plutôt bien.

Avant que l’émotion ne le gagne, Enlil poursuivit sa route, abandonnant sa mère à ses projets obscurs et se rendît directement chez Kieran. Il toqua trois fois et la porte s’ouvrit sur une Lyana rayonnante de bonheur.

L’appartement princier ne ressemblait plus à ce qui avait été autrefois la pouponnière de ses frères. Les murs avaient été poussés ou effacés afin d’ajouter de l’espace à la pièce. La longue baie vitrée était habillée de somptueux rideaux bleu nuit, confectionnés par le tapissier royal. Le mobilier historique d’inspiration humaine, sélectionné dans la collection privée du cadet, procurait un sentiment de confort à la salle à manger. Le tout était dans des teintes ébène et ivoire. Affairée à se pomponner, elle fit signe à son beau-frère de s’approcher. Il s’installa sur une chaise trônant près de la coiffeuse aux contours sertis d’émeraudes scintillantes. Enlil reconnut aussitôt le meuble particulier et Lyana, remarquant sa surprise, se sentit gênée.

— La coiffeuse de ta mère est sublime ! C’est Kieran qui m’en a fait cadeau. Cela te dérange-t-il ? demanda-t-elle timidement.

— Non, tranquillise-toi ! Elle a juste éveillé de vieux souvenirs d’enfance. J’observais ma maman se transformer en reine devant cette glace. Je me trouvais assis sur le bord de son lit, pendant que le personnel s’affairait à exécuter ses quatre volontés qu’elle leur communiquait par le biais du reflet. Entre deux ordres, elle m’exposait un nouvel aspect de la vie de souverain ! Elle m’a vraiment manqué.

— Tu es très attaché à la reine Kelly, bien plus que Kieran et Warren, j’ai l’impression !

— Cela doit être dû au fait que j’ai passé plus de temps avec elle que mes frères. Mais ne tombons pas dans la sensiblerie, je déteste ça.

— Ta raison après tout, tu es un Darck…

— Tu te trompes Lyana. Nous sommes des Darck. Tu es la mère de ma future nièce, cela t’octroie tous nos privilèges. Nous serons tous les trois rois, mais c’est en famille que nous gouvernerons. Tu portes la prochaine héritière.

Dans son cœur, Enlil avait déjà gagné une sœur. Il aimait le naturel et la franchise de cette délicieuse jeune femme.

Pour cacher son état de nervosité, il fit glisser ses doigts dans sa longue chevelure argentée avant d’annoncer :

— J’ai besoin de toi !

— Explique…

— Je souhaiterais que tu orchestres pour ce soir une réception dans la plus pure splendeur royale. Ils doivent nous craindre, sentir notre puissance, j’exige qu’ils reconnaissent notre suprématie. Expose le prestige des Darck, notre famille doit devenir la meilleure option pour la Terre. Ça te branche ?

— Tellement que ça pourrait me déclencher des contractions !

— Parfait. Tu as carte blanche. Accorde-moi ta main, demanda-t-il pompeusement.

Lyana la lui tendit avec une grâce exagérée, accompagnée d’un sourire conquérant. Enlil appliqua sa paume dessus. Il s’y imprima une fleur de Lys aux pétales d’or.

— Par ce symbole, tu accèdes à la troisième plus haute fonction du palais : intendante royale ! L’ensemble de nos employés et de nos domaines sont laissés à ta responsabilité. Ton statut te donne un droit de passage à la majorité des ailes. Notre foyer est entièrement sous ta garde. Andromède s’en chargeait lorsqu’elle hantait ces murs. Demande-lui conseil si besoin.

— J’espère être à la hauteur de la tâche ! Es-tu sûr de ton choix ?

— J’ai toute confiance. Ce poste t’ira comme un gant.

— Merci, le beauf ».

— T’inquiète. Je terminerais bien la journée avec toi, mais je suis sous le coup d’une obligation frustrante.

— Laquelle ?

— Discuter avec Son Éminence Jonas Darck. J’ai beau me dire qu’il est mon grand-père, je ne le vois pas comme tel et Anatole me manque.

**

Jonas Darck guettait Enlil avec un manque de patience flagrant. Il marinait depuis une demi-heure devant le reflet du miroir dimensionnel d’onyx, transféré à son héritier bien malgré lui. Sous le regard incisif de ses prédécesseurs, trônant le long du couloir, il se sentait comme un moins que rien, jugé par ses pairs. Enlil s’autorisait le culot de le faire attendre… L’humiliation mit les nerfs de l’aïeul à vif. Le courant avait du mal à se créer avec ses petits-fils. Il avait surtout l’impression qu’ils auraient préféré que l’existence d’Anatole perdure au détriment de la sienne.

L’ancien monarque regrette-t-il son sacrifice ?

Jalouse-t-il l’aîné de sa fille ?

Convoite-t-il sa position perdue ?

La situation déjà tendue est-elle sur le point d’imploser entre ex et futurs rois ? 

Enlil traversa l’immense et longue allée centrale sous les révérences et les salutations qu’il ignora superbement. La conjoncture du moment ne se prêtait certainement pas aux courbettes et aux ronds de jambe. Déterminé, il rejoignit un Jonas au teint fulminant. Sans préambules, le grand-père, à bout de nerfs, laissa éclater sa colère. Sa voix sévère résonna, ce qui mit en pause toutes les activités des curieux.

— Ça fait trente minutes que je poireaute comme un idiot. Je pense mériter un peu de considération, non ?

Peu féru de ces situations dramatiques, Enlil lui répondit par télépathie : « Qu’est-ce qui te prend ? Tu ne vois pas où l’on se trouve, abruti congénital ? Où est passée ta dignité ? Ressaisis-toi, tu es ridicule, là. Si tu as quelque chose à me reprocher, tu le fais en privé et avec plus de respect. N’oublie pas qui gouverne ici. »

La nuance royale appliquée à la voix n’appelait pas à la réplique. Pourtant, Jonas lui tint tête, et continua haut et fort.

— Tu n’es pas encore le maître des lieux, ta communion n’est pas faite. Pour qui te prends-tu ? As-tu conscience de me devoir tes privilèges ?

Le ton haineux utilisé par son grand-père brisa la patience d’Enlil. Il attrapa Jonas par le col, le scotcha contre le mur puis le souleva du sol.

Dans un murmure, il se fit le plus cohérent possible :

— Ton heure de gloire est passée, accepte-le. Tu manigances de la même façon que ta chienne de sœur. Elle représentait un mal que je n’ai pas pu maîtriser et qui, au final, a servi les intérêts du monde. Toi, tu n’es qu’un parasite, ayant acquis la place d’un sorcier cher à mon cœur. Tu as des comptes à régler ? Pas de problème ! Puisque tu es si confiant, affrontons-nous ce soir.

Malgré tout, il sentait vaguement que quelque chose n’allait pas. La personne devant lui ne correspondait pas au tableau sympathique qu’on lui avait peint de Jonas. De son côté, tremblant de colère, Jonas clama :

— Si j’obtiens la victoire, tu me remettras ma couronne et on laissera les humains crever !

— Si je gagne, tu dénicheras un moyen de ramener Anatole, quitte à t’effacer une nouvelle fois.

Enlil le reposa avec délicatesse et lui dit :

— Je pense pouvoir me passer de toi pour le reste de ma journée finalement. Sache que je t’accorde la possibilité de refuser le combat. Mais ton insolence aura pour conséquence ton retrait définitif des affaires du palais. Tu dois ma clémence à l’amour que ma mère te porte, sinon je tiendrais déjà ton cœur au creux de ma main.

L’héritier le lâcha, puis se retourna pour s’adresser aux spectateurs, fascinés par l’autorité qui se dégageait du futur souverain.

— L’ex-roi Jonas Darck a fini de se donner en spectacle ! Je vous encourage à prendre les paris sur sa décision de m’affronter ou pas. Transmettez le mot aux nôtres, je convie ceux qui le souhaitent à vingt-trois heures au Colisée.

L’humiliation du grand-père serait publique, il ne fallait pas le chercher.

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