Chapitre 37 – Troublantes vérités

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Mercredi 9 novembre 2022.

Andromède se tenait face à son miroir, changeant d’une main les différents vêtements endossés par son reflet. Son choix s’arrêta enfin sur une robe blanche, courte, à col roulé, sans manches et excessivement moulante.

Ses doigts claquèrent et la tenue ayant retenu son intention l’habilla. Elle rehaussa sa petite taille avec une paire d’escarpins crème et se para de pierres précieuses. D’une pensée, ses cheveux se coiffèrent en un chignon parfait et ses lèvres fines se teignirent d’or.

Enfin majestueuse, elle quitta ses appartements, empruntant la direction du Sanctuaire monarchal. Sur son passage, les courtisans, pages et servantes la saluèrent avec ferveur. Savoir que la première des Darck était parmi eux les ravissait. En effet, tout Khal digne de ce nom avait connaissance de ses légendaires exploits. Après avoir pris plaisir à traverser le palais, elle arriva à destination.

À l’instant où elle posa le pied dans l’enceinte du jardin, les quatre saisons se déchaînèrent. Vent, foudre, chaleur, neige et pluie ; feuilles et ronces la submergèrent. Luttant avec force contre la quintessence de la nature, elle réussit après un effort sursorcié à la canaliser. Le mélange de l’essence des saisons généra un cyclone chatouillant le firmament.

Soudain, les eaux violines de l’étang mystique se mirent à bouillonner. À sa surface, un maelström se forma et une violente vague de chakra divin s’en échappa pour fusionner avec le phénomène.

Certains membres du clan, alertés par la montée de puissance, apparurent auprès de la première des Darck. Leur stupéfaction révélait le non-sens de la situation. Merzhin, le conjoint d’Andromède, disparu obscurément il y avait des siècles de cela, se trouvait à présent aux côtés de l’ancêtre ! Le doute n’était pas permis. Tous avaient senti le lien du sang qu’ils partageaient avec le grand-père, surgi de nulle part.

**

Quelques heures plus tard :

Blotti contre son âme sœur, l’époux retrouvé guettait patiemment son réveil. Enfin, elle se retourna, plongea son regard dans celui de Merzhin et c’est avec fougue qu’elle l’embrassa.

Les doigts de l’aïeul explorèrent le corps frétillant de désir d’Andromède qui, d’un naturel dominant, prenait plaisir à se soumettre aux jeux érotiques de son amant. Lorsqu’il baisa son téton pointant de sensualité, l’ancienne souveraine ne put étouffer un râle d’excitation. Ils ne faisaient qu’un, mais pas seulement… Une vision s’imposa à elle :

Merzhin, vêtu de la soutane blanche traditionnelle, se trouvait dans son atelier éclairé d’innombrables chandelles, s’affairant à coucher son savoir sur un parchemin. Ce souvenir du bon vieux temps donna un sentiment si familier à Andromède qu’elle oublia n’être qu’une simple spectatrice. D’un pas silencieux, elle rejoignit l’enchanteur.

Au moment où elle voulut effleurer ses interminables mèches blondes, ses ongles passèrent au travers. Sa chair, dissociée de son âme inondée de dopamine, l’empêchait de se concentrer suffisamment pour jouir d’une vue d’ensemble. Elle réussit néanmoins à distinguer la vibration du reflet de sortie dimensionnel. Après de longues secondes à attendre l’entrée du visiteur, elle constata que personne n’avait émergé. Merzhin, trop absorbé par son œuvre, n’avait rien remarqué.

Sous les yeux étonnés de ce dernier, le papyrus vierge sur lequel il s’apprêtait à écrire imprima un nombre étourdissant de caractères, dans un dialecte totalement confus pour Andromède. Cependant, Merzhin devait en avoir saisi la signification, car il se leva d’un bond. Tout en arpentant la pièce, lisant encore et encore à haute voix les runes miraculeusement révélées.

Puis soudain, sans raison apparente, l’enchanteur s’évanouit. Une présence jusque-là invisible se dévoila. Elle portait un tailleur-pantalon doré ainsi qu’un voile d’argent camouflant son visage. Du petit doigt, elle dessina autour de Merzhin un pentagramme. Puis elle invoqua un poignard de karistal céleste, s’entailla d’un geste sec la paume gauche et laissa s’écouler un filet de sang sur le front de sa victime.

Andromède bouillait de rage de ne pouvoir intervenir. Et quand bien même elle l’aurait pu, elle ne possédait pas la force nécessaire pour affronter la Mère. Ce qu’elle découvrit lorsque son voilage se détacha par accident lui provoqua un traumatisme qui eut l’effet de la sortir de sa transe.

**

Enlil décida qu’il était temps d’élaborer le sortilège qui ouvrirait un nouveau pan de l’histoire de la planète bleue. Mais, avant même qu’il ne s’attelle à la tâche, il reçut une communication télépathique de la part de Kelly, lui intimant de la retrouver immédiatement.

Moins de deux minutes plus tard, parvenu sur les lieux, il constata que l’entrée de la chambre de Jonas et d’Anatole avait volé en éclats. Quelle ne fut pas sa surprise en entrant de trouver Andromède et Merzhin maintenus au plafond par le pouvoir de sa mère ! Son aïeule, d’un naturel plutôt modéré d’habitude, poussait des cris d’hystérique et traitait Kelly de toutes sortes de noms d’oiseaux. En dehors des couchages de Jonas et d’Anatole encore intacts, la pièce avait l’air d’avoir subi une invasion viking.

— Qu’est-ce qui lui prend ?

— Je n’en ai aucune idée, s’énerva Kelly, elle est arrivée comme une furie en défonçant la porte, puis elle s’est mise à balancer des sortilèges mortels.

— Menteuse ! hurla Andromède, les larmes aux yeux. Tu me l’as arraché, je t’ai découverte, te faisant passer pour la Créatrice. Toi seule est responsable de nos malheurs. Tu intrigues depuis tout ce temps, mais à présent, je vois clair dans ton jeu.

Excédé par ce débordement, Enlil s’interposa :

— Ma mère va vous libérer. Andromède, j’exige que tu prennes place sur l’un de ces fauteuils, que tu te ressaisisses immédiatement et que tu t’expliques. Maman, quant à toi, tu répondras à ses questions avec la franchise dont tu es coutumière.

Afin de calmer les esprits, l’un d’eux fit apparaître une bouteille de champagne. Merzhin, silencieux, distribua une coupe à chacun et se retira auprès des deux sorciers fraîchement dissociés.

Sous le coup de l’émotion, mamie Andromède ingurgita sa boisson d’une seule traite puis, d’une voix chevrotante, raconta sa vision. Une fois le récit terminé, Merzhin intervint :

— Je confirme la première partie de l’histoire, mes souvenirs cessent au moment précis de la découverte du parchemin et redémarrent il y a quelques heures, dans le Sanctuaire monarchal.

— Je peux vous assurer que si cela avait été nécessaire, je n’aurais pas hésité à commettre l’acte que vous me reprochez. Mais en l’occurrence, il ne s’agit pas de moi. Je l’affirme et ma parole devrait suffire, dit Kelly d’un ton cinglant qui n’appelait aucune réplique. Andromède, tu as toujours été comme une mère pour moi, reprit-elle, jamais je ne t’aurais fait souffrir de cette façon sans te l’avouer.

Enlil claqua des doigts. Le papyrus transmis par Magistra apparut. D’une pichenette de chakra, il le propulsa vers Merzhin.

— Je suppose qu’il s’agit du parchemin dont il est question dans la vision d’Andromède.

Stupéfait, l’enchanteur répondit d’un simple hochement de tête.

— Bien. Alors, suis-moi, ordonna-t-il à Merzhin. Quant à vous deux, dit-il en pointant son index sur Kelly et Andromède, remettez Jonas et Anatole sur pied au plus vite et réunissez la famille au complet dans quatre heures, devant mon cabinet. Il est temps d’en finir avec cette transition.

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