Il y a déjà quelques années, on a commencé à dénoncer la folie de la société de consommation.

La liste des méfaits de ce changement de modèle de société est considérable.

En ce qui concerne l’homme, on a mis en avant le passage de l’être à l’avoir.

La quête d’identité laisse place à la frénésie de la possession. Cette société a l’avantage d’être fort simple : tout est mesurable. L’échelle des salaires et de la valeur des biens donne à chacun sa place, et tant pis pour ceux qui ne sont pas « les premiers de cordée «.

La solution semblait toute trouvée : non plus avoir mais être, rechercher la plénitude d’être.

Mais le marketing a su faire son beurre de cette critique et vendre « épanouissement personnel et découverte de soi », comme il avait su vendre révolution et révolte.

Je fais confiance à son génie : quel que soit le chemin emprunté, il saura le vendre.

Pourtant, on a, un peu vite, négligé Sartre. Cet être a le perfide parfum de l’en-soi, et aussi sa vacuité. Je ne suis rien : ni fils, ni père, ni ami, ni poète, ni employé, ni mari, ni commerçant, ni professeur.

Plus je vieillis, plus je pense n’être qu’un « néant qui se néantise ».

Seulement, Sartre ne propose qu’un volontarisme stérile qui plait bien aux premiers de cordée !

Jour après jour, je vois se dessiner devant moi un autre chemin. C’est celui que j’ai commencé à explorer en faisant 15 pas vers le bonheur.

C’est un chemin qui me convient, je me contente de le décrire, je ne sais pas si ce chemin est le meilleur.

Disons que j’aime bien cette dérive, et que je ne vois guère de personnes l’emprunter.

Je n’ai jamais privilégié l’avoir, et j’ai fini par comprendre la vacuité de l’être.

Je laisse venir ce monde et je l’accueille.

Je ne cherche pas à transformer ce monde : vieillir c’est savoir que l’on ne changera rien, ni personne.

Devenir sage, c’est l’accepter et l’assumer.

Je vais donc laisser venir ce monde et l’accueillir.

Je laisse venir l’arbre, la musique, le nuage, l’oiseau, la peinture, la poésie, le ruisseau, la vague, le vent.

Je laisse venir le désir, les pensées, les sensations, les souvenirs.

Je laisse venir les haïkus, les histoires, les philofictions, les poèmes.

Cela veut dire que vivre c’est accueillir et recueillir, et abandonner toute forme d'"être ».

Je ne suis pas un poète : je laisse venir les mots.

Je ne vis pas ma vie : je la laisse venir et je l’accueille, jour après jour…