Extrait

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- Paul, malheureux, descends de là, tu vas tomber. Hop, dans mes bras mon bonhomme.
Accroché à la balustrade d’un balcon en fer forgé, je tire d’une main sur les manches d’un chandail tricoté bleu glacier avec un ours brodé. Il fait presque froid. En contrebas, le bruit des vagues m’hypnotise.

Je ne sais pas quel jour nous sommes, ni vraiment où nous sommes. Ni même avec qui je suis.

Des bras imposants et doux me soulèvent et m’emportent à l’intérieur d’une maison. A la radio qui porte haut, quelqu’un scande une information. Je ne comprends rien. Les bras imposants derrière moi commentent, un nuage contaminé peut-il traverser le monde ? Pas d’informations, un accident, une catastrophe, la voix dit qu’il faut prendre des précautions, on ne donne pas de lait aux enfants. La consommation de lait frais est interdite. On ne doit plus manger d’épinards, de salade, de rhubarbe, ni de poireaux jusqu’à nouvel ordre. je ne connais pas le mot rhubarbe, entre salade et poireaux, la rue doit laisser pousser une longue barbe, rose comme la barbe à papa. Je suis rudement content. Tout ce que je déteste. Est-ce que j’y suis pour quelque chose ? Peut-être à force de ne pas aimer, ça disparaît.

Je ne veux pas boire le verre d’eau du robinet que me tendent les bras imposants et doux.
Sur la table, je vois quelques bougies en forme de ballons de foot enfoncées dans un gâteau marbré. Elles ne sont pas toutes sur le gâteau marron glacé. Quatre sont fichées, plantées, allumées. D’autres attendent, quoi, on se le demande, sur la table.

Qui a allumé les bougies ?

Maman ? Elle n’est pas là.

Maman ?

Je me réveille en sursaut, trempé de sueur. Je sais que le petit garçon au chandail bleu c’est bien moi. Cauchemar ? Je fouille dans ma mémoire. Rien d’effrayant. Ce n’est pas effrayant un gâteau marbré. Je connais la rhubarbe. C’est vrai je déteste cela.

Je me lève du canapé où j’avais sombré de fatigue hier au soir et me dirige en titubant vers le lavabo de la salle de bain. J’allume les deux néons à led, qui encadrent le miroir. Hagard, je regarde, l’eau couler sur mes poignets puis le long de mes bras. Le grondement des vagues en tête. Ou peut-être est-ce encore le roulis du train hier soir. Le filet d’eau froide me revigore. Je presse mes deux mains sur mon visage, frotte d’avant en arrière pour extirper cette information, ce rêve-souvenir parasite qui squatte ma tête depuis le décès de ma mère.

Interdiction-lait-enfant-nuage-contaminé. En réponse aux mots clés, le moteur de recherche de mon ordinateur affiche : 26 avril 1986, le jour où Tchernobyl a traumatisé l'Europe.

En quoi suis-je concerné bon sang ? Est-ce le nuage radioactif ou l’absence de ma mère qui joue au lancer de poids dans mon plexus ? Je fouille plus encore sur les moteurs de recherche. Toujours la même information. La France ne prend aucune mesure de protection, Pierre Pellerin, à la tête du SCPRI (Service central de protection contre les rayons ionisants), ne le juge pas nécessaire, à l'époque. La presse titre, plus tard, le mensonge avéré. Les particules radioactives n’ont pas épargné le territoire. Les pays voisins, l’Allemagne et l’Italie ont pris des mesures, début mai, dès qu’ils ont eu connaissance de la trajectoire modélisée du nuage contaminé.

J’y suis, l’Italie interdit la vente de produits à feuilles et de lait frais. Je lis : le lait frais et les produits à feuille sont interdits pour les enfants jusqu’à nouvel ordre. Il n’y a pas de vagues hypnotisantes en Allemagne. L’Italie ? Ca se pourrait. Avec qui ?

J’hésite à retourner me coucher dans le lit où dort Atlande. La baie vitrée est entrouverte sur une parcelle de voûte encore finement étoilée. Je vois la pénombre du salon blanchir. Demain, il fera beau sur Paris. Demain a commencé. Il est très tôt, 5 heures à peine peut-être.

Je ne sais pas dans quelle catégorie ranger ce rêve. C’est moi petit enfant mais où, quand exactement ? L’ai-je inventé ? Pourquoi se reproduit-il alors avec la même exactitude comme un souvenir qu’on déchire ? D’habitude, il s’évapore avec le premier café bu comme pour retour à la réalité …

Extrait d'une de mes nouvelles en cours d'écriture.

En écoutant : https://www.youtube.com/watch?v=P7YMI39sObY- Pink Floyd - Marooned

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