Daniel frappa à la porte et Hobbes l’invita à entrer sans prendre la peine de mettre son déguisement.

— Salut Hobbes ! lança-t-il tout en refermant derrière lui.

— Bonjour, Daniel, répondit le robot.

Après une étreinte amicale, Daniel se dirigea vers Prales pour le saluer à son tour. L’unité restait allongée sur le canapé et ne réagissait pas malgré ses yeux allumés. Il constata d’un regard attristé les importantes traces de corrosion sur ses articulations.

— Il dort ? murmura Daniel.

Il savait pertinemment que Prales aurait pu l’entendre même aussi faiblement, mais s’exprimer ainsi restait un réflexe. Hobbes répondit par un hochement de la tête. Son visage inexpressif devait refléter la même inquiétude que Daniel.

— La dégradation de son processeur cognitif a atteint un stade avancé, expliqua Hobbes.

— Tu veux dire… ?

— Oui, il se meurt.

Daniel se retourna vers Prales et le contempla pendant une minute. Il essuya ses yeux humidifiés par l’idée de la mort à venir d’un de ses plus anciens amis.

— Je suis désolé de ne pas être passé plus tôt, Hobbes.

— Ce n’est pas grave, Daniel. Ta visite me fait plaisir.

— J’ai beaucoup voyagé ces derniers temps, justifia-t-il la voix cassée. J’avais besoin de me changer les idées après le décès d’une amie.

— Je comprends.

— Et toi, comment vas-tu ?

— Je fonctionne à 89 % de mes paramètres optimaux.

— Des soucis ?

— La rotule de mon genou droit continue de se casser.

— Ah.

Daniel regarda un carton avec des pièces détachées de robots.

— Vous utilisez toujours votre réseau de logistique, à ce que je vois.

— Oui.

— C’était une sacrée bonne idée de créer cette porte dérobée dans les systèmes postaux, félicita Daniel.

Il touchait du bout du doigt l’emballage sur lequel l’adresse d’Hobbes s’accompagnait d’une autre série de caractères incompréhensibles pour le commun des mortels. Ce code était lisible par les systèmes informatiques des transporteurs de marchandise. Cette idée avait permi aux robots d’exécuter leur volonté de s’effacer de la société humaine, tout en profitant des infrastructures pour leurs propres besoins. C’était eux qui les avaient reconstruites, après tout, pensa Daniel.

— Mais je manque à tous mes devoirs, Daniel, s’exclama Hobbes. Désires-tu quelque chose ?

— Si tu as du café, tu feras de moi l’homme le plus heureux du monde.

— Je te prépare ceci.

Hobbes ramena quelques minutes plus tard un plateau avec une tasse de café pour Daniel. Quant à lui, il se servit quelques gouttes de liquide de refroidissement. Daniel s’étonnait toujours de voir Hobbes utiliser les comportements sociaux humains.

Les deux amis discutèrent de vieux souvenirs et échangèrent quelques banalités. Daniel raconta son premier voyage en Amerigus, même s’il éprouvait parfois de la gêne à partager des expériences interdites à Hobbes et ses semblables. Leur choix de s’ostraciser l’attristait, mais il le respectait.

La figure de métal du robot se limitait à une plaque arrondie sur une tête ovale enfoncée dans un large cou. Cela lui donnait presque une allure pataude, alors qu’il possédait pourtant une grande agilité. Seuls ses yeux ronds et rouges, battant aléatoirement de cils mécaniques internes, formaient ce qui se rapprochait le plus d’un visage. Malgré cela, Daniel décelait toujours des expressions faciales. À cet instant, il voyait Hobbes sourire.

L’après-midi passa. Hobbes retourna veiller sur Prales qui se réactivait seulement par intermittence, tandis que Daniel lui promit de repasser dès que possible.