Décision

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Deux jours s’étaient passés, depuis qu’il avait fait appel à son ombre. Puis trois autres. Puis un autre, encore. Au septième, il s’était penché sur son balcon et avait aperçu Élestac avec un nouvel amant, plus âgé que les autres, encapuchonné et avec une pointe de ressemblance à son défunt époux. Il s’était posé la question : encore combien de temps devrais-je la voir vivante ? Sept ans, n’était-ce pas assez pour le discréditer s’il arrivait un malheur à cette reine écœurante ? Tous avaient remarqué leur distance, mais aucun ne les imaginait en froid. D’ailleurs, ce n’était pas le cas. Aucun d’eux n’avait jamais mis des bâtons dans les roues de l’autre, ils s’étaient éloignés grâce au sort jeté par Azur afin de paraître plus fade au regard de la femme. N’était-ce pas le moment opportun pour verser quelques larmes, en criant combien il était triste d’en être arrivé là ? Il deviendra un roi respectable en pleurant sur la dépouille de celle qu’il avait aimé.

Il avait tant attendu pour la tuer. Jamais il n’avait fait couler le doute sur sa personne.

Toujours perché sur son balcon, à regarder l’amant d’Élestac sous sa cape noire, le visage à peine saisissable, il coupa de ses longs ongles une rose rouge du rosier qui gravissait sa tour. Il retira les épines, et fit tourner la tige entre son index et son pouce. Le parfum enivrant de la fleur l’embrassa, alors qu’il la lâchait sous la brise d’un vent souple. Elle s’envola, en glissant vers le sol brun et se posa aux pieds de l’homme inconnu, qui se pencha pour la saisir.

Ce geste suffit pour que quelques mèches de ses cheveux blancs soient découvertes aux yeux du roi. L’inconnu les rassembla dans sa capuche, alors que le souffleur de glace le fixait. L’homme admira la fleur échouée, puis leva son visage vers le ciel ensoleillé. Il montra un menton carré et deux lèvres rouges sur une peau albâtre.

Azur, accoudé au rebord de pierre de son mirador, porta ses doigts à sa bouche, dans un air songeur. Qui était-il ? Lui qui dépassait de deux têtes la souveraine, alors qu’Azur ne la doublait que de quelques centimètres. Ce nouvel amant paraissait robuste sous sa cape de mystère. Pourquoi tant de précautions pour se cacher des rayons du soleil. Une seconde, il pensa au prince Rouge, qu’il n’avait plus revu depuis son treizième anniversaire. L’adolescent lui avait paru encore bien mince pour son âge. Pourtant, le seul qui pouvait se cacher du soleil, c’était bien lui. Lui et son albinisme. Les rayons de feu brûlaient sa peau immaculée.

Azur expira un rire.

— Me voilà en train de me raconter de drôles d’histoires. Ah ! Rouge… Ce garçon n’est plus dans aucune conversation depuis si longtemps.

Cet homme n’était pas ce gamin fantomatique.

Il ne l’était peut-être pas, mais Azur devra s’intéresser à Rouge avant qu’il n’atteigne son vingt-cinquième anniversaire, et qu’il soit à son tour déclarer roi. Il avait, certes, encore du temps pour le tuer, lui aussi.

D’abord la mère, puis ensuite, le prince fantôme. Qui le pleurerait ?

Azur réfléchit, tout en se détournant de l’homme. Un rire s’échappa de ses lèvres, tandis qu’il refermait les fenêtres derrière lui et qu’il s’avançait vers Frizure.

— Il est temps... annonça-t-il. Temps que ma mère soit vengée. Temps que je récupère ma position de chef, de roi ultime, affirma Azur, la main posée sur le miroir.

—Je vous écoute, mon seigneur ! Comment voulez-vous procéder ?

Assise sur un nuage de voiles sombres, la fée noire flottait, les mains l’une sur l’autre. Tuer Elestac serait sans doute le meilleur choix. Le cœur de sa proie était déjà si ténébreux, qui pourrait inverser la tendance ?

Azur s’approcha d’elle, enfila une veste de tissu opale et sourit à l’idée que tout Verdoyon lui appartienne un jour. Pendant sept ans, il avait joué le rôle de l’amant fou d’amour, ou à peu près. Il avait clamé qu’il aimait Élestac bien que celle-ci se vautrât dans d’autres bras, bien que lui, fît de même.

Depuis sept ans, il se soumettait, gardant au chaud ses plus impitoyables envies. Mais, il fallait que sa vie change, qu’Élestac paye pour toutes ses souffrances passées. C’était l’heure de manger une vengeance gelée, froide à point.

C’était le moment d’agir, de mettre à exécution sa soif de pouvoir. Celles qu’il avait maintes et maintes fois répétée avant de se coucher. Azur ne passerait pas un instant de plus à respirer le même air qu’Élestac. Il fallait qu’il s’en sépare et que le royaume l’accepte comme seul roi. Un roi attristé par le meurtre de sa reine.

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