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Corduvac ! Alors t'étais dans les toilettes depuis tout ce temps ?

Un Milo éplapourdi papillonne des yeux vers Spara, les moteurs ronronnants du vaisseau, puis la porte d'où il est sorti.

Heureusement qu'on comptait pas sur toi pour sauver Bardan et Louboutou.

— Vous comptiez sur lui pour nous sauver ? On était mal barrés.

— Non, justement, on comptait pas sur lui.

— Et c'est grâce à ça qu'on s'est retrouvés !

Derrière sa moustache luxuriante, Vice-Capitaine Bardan sourit presque. Une expression si inhabituelle que même Louboutou, jusque-là occupé sur un gadget quelconque, se retourne pour admirer l'étrange spectacle : le belliqueux baraqué absorbé en acrobaties buccales abracadabrantes.

Confronté au spectacle surnaturel, Milo frissonne à s'en dresser les cheveux en quatre sur la tête.

Comment vous êtes revenus, alors ?

— Pourquoi tu veux un récap, gringalet ? T'as déjà oublié ?

— Je n'étais pas avec vous... Vous n'avez même pas remarqué ?

L'équipage sifflote, peu alarmé de se transformer en cliché.

Louboutou, bientôt fini de bricoler le condensateur ?

— Hmmm, oui.

Milo secoue ses pensées. Certaines filent nager dans les abysses de l'espace.

Attendez, attendez : qu'est-ce qui a provoqué la panne, alors ?

— La panne ?

— Vous savez...

Le porte-trotteur se triture les doigts.

— … le téléporteur.

L'ingénieur moufte dans sa barbe inexistante.

··· ᶜⁱ˒ ᵗᵉ́ˡᵉ́ᵖᵒʳᵗᵉᵘʳ ᵖᵃʳ⁻ˡᵃ̀··· ᶜᵒᵐᵖˡⁱᵒ̴ᵘᵉ́ ᵈᵉ ᵈⁱʳᵉ "ᵖʳᵒᵖᵘˡˢᵉᵘʳ ᵖᵃʳᵗⁱᶜᵘˡᵃⁱʳᵉ ᵃ̀ ʰᵃᵘᵗᵉ ᵛᵉ́ˡᵒᶜⁱᵗᵉ́" ˀ̣ ᶜᵒⁿᵗᵃᶜᵗᵉʳ ᵐᵒⁿ ˢʸⁿᵈⁱᶜ···

Quelqu'un dont je ne m'abaisserai pas à citer le nom a abîmé le système de localisation du relais positronique.

— P4uvre, pauuuuvr3 R0saline...

Milo arque un sourcil : ce Monsieur Muscle, est-ce de la tête de lard ou du caractère de cochon ?

Euh... C'est vous qui m'aviez dit d'arracher les fils...

— Bardan ?! rugit Spara.

— Je l3ur avais f0rtement déconse1llé ce cr1me de gu3rre !

Bardan ronchonne dans sa moustache très existante.

ᴮᵃˡᵃⁿᶜᵉ·

— Ma b3lle est en rém1ssion, m4is je ne sa1s si elle s'en r3mettra... C'3st un 4cte con7raire à la c0nvention de G-nova.txt, vou5 sav3z ?

— Toujours est-il qu'on est passé en mode sans échec. Donc a priori : plus d'échecs.

— Dommage, j'aime bien jouer aux échecs.

— Tu me fatigues, Ruleck.

— Fini !

Louboutou lève les bras au ciel, lâche le condensateur et le rattrape de justesse. Bardan grogne à nouveau.

Je te laisse trente secondes pour l'installer.

— Quoi ? Mais c'est à l'autre bout d...

— Vingt-huit. Vingt-sept...

L'ingénieur s'élance en quatrième vitesse grand V, pied planché sur le champignon, tel l'essor majestueux du condor. Spara tape des mains.

Bon, maintenant que ça, c'est fini, revenons à la mission.

— Parce que c'était pas ça, la mission ?

— Non, Corduvac !

Ses sourcils furibonds se rejoignent presque. Ruleck la relaie d'une voix monocorde.

On réparait seulement le vaisseau. Rappelez-moi de faire le plein quand on sera de retour vers le futur, au fait. En tout cas, diarrhexposition pour toi : le Corpo-chef suprême Thetacklot est une tête de crotte, alors on le destitue de force.

— Thetacklak ?

— Thetacklot. Gogollionaire, playboy, psychopathe. Il dirige Antis, donc... tout, en gros.

Son index pointe le Tout environnant, où le logo d'Antis tapisse chaque mur, étoile et bibelot. Même les vaches. Milo déglutit.

Cool. Vous êtes en guerre contre le maître du monde, alors ? Ça m'a l'air... dangereux...

— On s'en est sortis jusque-là, te bile pas.

— Jusque-là ! Et pas au complet.

Il les voit cogiter au lieu d'agréer.

Mon double ! Mort-duvac !

— Aaaah ! Oui !

— Détrôner le roi du monde, c'est tout le plan ? Au complet ? Exhaustif ?

— Bien sûr que non, on est des pros ! On le remplacera par son neveu. Con aussi, mais moins.

— Oh. Vous êtes obligés de le remplacer, cela dit ?

— On peut pas se permettre une vacance du pouvoir ! La bourse chuterait !

— Oui, mais... Je veux dire... Vous le remplacez par un autre tyran au lieu de vous révolter au nom de la démocratie.

— Pfahahaha !

Le rire gras de Bardan tonitrue.

Il a dit « démocratie », hahaha !

Le reste de l'équipage se joint à l'hilarité.

C'est un mythe, gamin.

— Quoi ? Non ! Je pouvais voter, moi, c'est vrai !

— Tu peux voter pour ta marque de céréales préférée, si ça te manque tant. Tu gagneras même un paquet gratuit, si ça se trouve.

— Vous ne votez vraiment pas ?

Spara exhale un soupir, lequel part en fumée comme un fantôme d'incendie.

Écoute, t'es de l'époque des magnats des médias, c'est ça ?

— Hein ?

— Les groupies influençables des groupes d'influences ?

— Hein ?

— Il est de quand ?

— Début 21ème.

— Ouais, donc pas la C.H.E.R. (Commune Hippie des Extra-Riches) du 28ème. Ergo, ferme ta bouche.

Milo, aussi perdu que la montre de Marcel Proust, ferme la bouche.

Puis la rouvre, tout indiscipliné qu'il est.

Il n'empêche qu'à mon époque...

Le regard de Ruleck, celui d'un parent déçu par son enfant, fait hésiter Milo.

À ton époque, oui ?

— Euh...

Elle souffle avec langueur.

Tes monarques « élus », ils passaient des décennies à se chamailler sur de faux-débats. Par derrière, ils vous la faisaient en douce pour acquitter leur promesse à Truc et Muche qui les avaient foutus sur leur siège. C'était juste une monarchie avec plus d'étapes, mais c'est pas grave. Tant qu'il y aura du pouvoir et des gens qu'en veulent, y'aura des avides de pouvoir au pouvoir.

— Ah ouais ? Eh ben...

Milo entame les cent pas. Il en trottine quatorze, plus précisément.

Eh ben si c'est comme ça... je vais fonder ma propre planète !

Il s'élance le long d'un corridor à la signalisation aux icônes de vaisseaux. Il se dirige en fait vers le compacteur de déchets, mais peu importe.

Les conseils criés de Ruleck portent à sa suite.

Le marché et moins cher dans le secteur 97-b ! Oublie pas de demander un permis d’acquisition ! Bonne chance pour l'indépendance ! Commence à épargner maintenant parce que c'est dans les trois septillions pour un astéroïde de petite taille jusqu'à cinq ans avant ta mort ! Tu devrais aussi investir dans les munitions si tu veux pas devenir un buffet à volonté pour pirates ! On t'enverra un colis à ton arrivée !

— Ah non, hein. Moi, je lui envoie rien.

— On a pas besoin de toi pour faire un colis, Bardan.

— Tu participerais pas ? Même pour fêter son départ ?

— Aaaah ! Là, tu parles à mon cœur !

Milo, revenu bredouille de la poubelle qui n'était pas une navette, traîne des pieds ; penaud, déçu, égaré. Un souvenir le frappe et réveille son regard fatigué.

Au fait, comment va mamie ?

— C'est pas ta grand-mère.

— Je sais. Juste... Comment elle va ?

Spara l'observe de ses yeux sombres. Pas si sombres que le vide intersidéral autour d'eux, mais beaucoup plus que les panneaux blancs crème qui tapissent le vaisseau. D'un bon #5f1e02, en somme.

Morte.

L'astrostoppeur reste coi. C'est l'hôpital qui pousse mémé dans l'eau du bain. Non, arrête de penser à mamie, tu dis n'importe quoi.

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