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Milo, en position latérale de sécurité, s'époumone :

— Noooooooooon ! Ça avançait bien !

Avec le psychopaaathe ?

— Il... Il est pas si mauvais.

C'est le roi démooon !

Le petit homme sèche ses larmes et scrute l'acro-bot dépourvu d'orifice buccal qui se dandine muettement contre notre héros magnétique.

Qui... qui parle ?

Maaais enfin ! s'indigne une voix désincarnée. C'est moooi, le Vénérable Architeeexte !

Milo n'approuve pas particulièrement son choix de mots, mais ce souci a des aînés dont il faut se préoccuper en priorité.

Il commence par repousser le cadeau empoisonné qui n'a de cesse de se frotter sur ses mollets. Peut-être l'Architexte a-t-il raison... peut-être que Darque ne lui veut pas que du bon...

Un rapide tour d'horizon le renseigne sur sa position : quelque part dans une jungle aux fougères et troncs colossaux. Dans les bras de Gigolion. Il rebuffe à nouveau ses élans de passion.

Hmmm... J'ai déjà vu cet endroit dans des films...

Il se tait lorsqu'un grondement ample et sourd, qu'il n'entend pas mais ressent jusque dans ses os, l'avertit d'un danger à proximité.

Oh non...

Il trottine loin du bruit des arbres qui crissent et craquent.

Oh non, non, non...

Il presse le pas, autant pour semer le prédateur embusqué que le robot détraqué.

Oh non, non, non, non, non, non...

Il galope, sprinte, s'envole ; couvre Usain Bolt de honte et de poussière supraluminique, montre l'exemple aux Formule 1, aux trains et aux missiles transaériens.

Miiilooo-bilo ?

— C'est pas le moment !

Pourquoi tu cooours ?

— Vous voyez pas l'énorme T-Rex à mes trousses ?!

Et tu ne vois pas le lance-missile neutronique dans ton saaac ?

Milo freine et forme un nuage terreux. Un dérapage digne d'un 10/10 aux Jeux Tractolympiques. Il fouille son Louboutin et, parmi l'amas innommable de trucs qui ne servent à rien, extirpe le distributeur à PEZ futuristique. Comment a-t-il pu l'oublier ?

Comment j'ai pu oublier ! Il m'aurait servi au moins mille fois, rien qu'aujourd'hui !

Puiiisque tu es là de toooute façon.... comment s'est passée ta journée, mon petit ?

Milo, sourcils froncés, tape du pied aux souvenirs amers.

Je. Pré. Fère. Pas. En. Par. Ler.

À la vérité, sa journée confuse et remplie échappe déjà aux griffes de sa mémoire. Il faudra commencer un journal, s'il veut s'y retrouver. Combien d'ennemis, combien d'alliés s'est-il fait ? Combien de lois a-t-il transgressées ? Par combien de gouvernements est-il recherché ? Aucune idée.

Moi non pluuus...

La voix lasse et chantante de l'Architexte résonne depuis les alentours. Milo lève les yeux, et...

Mais ! … Mais !

Ouiii !

— Qu'est-ce que vous faites-là ? Sur un arbre ? Sous forme de flaque ?

Je me sens d'humeur flaqueuse.

Milo secoue la tête et soupire.

Moi aussi.

Pas le temps de tergiverser : son ennemi juré accourt à sa hauteur.

Gigolion... Comme on se retrouve...

Le danseur, en guise de salutations, twiste et gigote contre son cœur. Milo, armé de patience et d'un distributeur à PEZ, vise entre les deux yeux métalliques...

GRRRRRRRRRRRMMMMMMMMMMMMBLLLLBLLLLLLL

?

Notre héros tourne la tête pour un face à face avec un T-Rex ninja. Dénué de shuriken – pas qu'il en ait l'utilité avec ses petits bras ; et puis comme le dit le proverbe : pas de bras, pas de katana – sa furtivité frôle sans conteste le niveau 100.

Milo scrute le tyrannosaure, pointe lentement son lance-missile vers le monstre d'un autre âge, et...

soupire, bras ballants.

Sérieux ?

« Sérieux » quoooi ? Tu n'es plus dans un musée, mon p'tit Milo ! Tire-lui dessus !

Tandis que la bête le renifle, Milo souffle et rechigne.

Mais... Il est même pas scientifiquement rigoureux !

Comment dooonc ?

— Où sont les plumes ? Ne serait-ce qu'un petit duvet ? Et les couleurs ! Et les dents ! Ne me dites pas que vous n'avez pas remarqué les dents ?

Ah si, siii. On voit trèèès bien les dents.

— C'est bien le problème ! Où sont les lèvres ? C'est un dinosaure, pas un crocodilien !

Arrête de réfléchir et tiiire.

Le portonaute croise les bras, bougon.

Non. C'est n'importe quoi, c'est forcément un rêve.

L'Architexte roule des bulles.

Avec cette attituuude, tu ne risques pas d'atteeeindre la fin.

— La fin de...?

De l'histoooire !

— Oh, encore avec ça...

La gelée orange et bleue lui dégouline sur l'épaule. Et aussi un peu sur l'automate en plein collé-serré. Milo se frappe le visage, s'efforce de se réveiller.

C'est le prédateur qu'il faut tapeeer.

Mais la brave bête s'ennuie et, discrète comme la nuit, se retire dans les fourrés d'où seul son souffle grinçant la trahit. Peut-être n'a-t-elle pas assez faim. Peut-être sait-elle que Milo n'a jamais que la peau sur les os. Peut-être préfère-t-elle manger chez MacDo.

Nooon ! C'est trèèès mauvais pour la santé ! Dites-lui que la malbouffe est la cause principale d'extinction des espèces dans le muuultiveeers !

— … À qui vous parlez ?

Personne. Rieeen.

Milo s'accroupit et tâte son ventre gargouillant, abrité du soleil par son robot truculent.

Vous ne pourriez pas juste me dire où se trouve la porte pour rentrer, j'imagine.

Sur la Luuune !

Le héros affamé laisse échapper un hoquet. Pointe l'astre voilé par la lumière de son confrère.

Euh... Cette Lune-là ?

Tu en vois beaucoup d'autres, mon petit Milou-Bidou ?

— Eurm... Mais... Je pense pas que les dinosaures aient construit des fusées...

Ceux-là, non, ééévidemment ! Mais va voir en ville, ils pourront peut-êêêtre t'aider.

Un soupir échappe à Milo, et le facepalme aussitôt. Il se relève tel un plongeur olympique inversé et se dirige vers la cité, ralenti par le ballet de l'androïde cinglé qu'il s'efforce de semer.

Des tours de plastacier, brutalistes et brutalisées, percent bientôt la canopée. Sur leurs façades fissurées, des lumières tamisées trahissent la présence d'occupants, ainsi que le bruit tonitruant d'une... parade ? PEZ à la main, le petit homme s'approche prudemment d'un trio de gardes en armure de plate.

Sacrenoir ! Vous êtes en retard ! Dépêchez ! C'est pour quel char ?

— Hein ? Euh ? Quoi ?

— Le voyage aura éreinté ce pauvre hère, nul doute. Veuillez, messire, décliner votre identité.

— Euh... Milo.

— Haha ! C'est un drôle, pardi !

Sans cesser de se gausser, le garde numéro trois relève sa visière. Derrière, un visage parfaitement humain – enfin presque. Il avance vers la main de Milo un bâtonnet métallique qui lui fait craindre le pire : serait-ce un lance-missile électronique ? Mais figé par la peur, il ne parvient pas même à se dégager. On lui tapote la paume, et un hologramme affiche une synthèse de son ADN.

Oh ! Le sieur vient de très loin. Je ne connais point ce génotype.

— Nous ne vous retenons pas davantage : hâtez-vous rejoindre les festivités !

Ils poussent notre héros déboussolé vers le charivari et tournent de nouveau le dos à la cité, main serrée sur un pulvérisateur à leur ceinture.

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