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— En tout cas, je préfère de loin ces missions sur des îles tropicales que dans des tours qui explosent.
— Est-ce que t’as testé leur cocktail-au-coco ?
— Non ?
— Vas-y, goûte !
Le temporalo-réfugié attrape une paille de la bouche, et écarquille les yeux émerveillés d’un personnage Disney shooté au LSD. Bardan, deux pas plus loin, étire ses bras de pelleteuse sur une chaise-longue cellulo-molletonnée.
— Faire péter des tours qui pètent, c’est important.
Louboutou, lui, déplie un magazine beauté d’un coup sec et le plante en mini-paravent.
— Et les vacances, c’est la récompense.
Même le robot ronronne, rappelant à Milo qu’il lui reste des animaux mignonnets à caresser : l’île en regorge, et ce n’est pas lui qui s’en plaindrait. De panda roux en renard polaire, de lapinou en gerboise du désert, il panse son petit cœur esquinté.
— Aaaaah… Mon verre est vide. Et vous savez ce qu’on dit.
— Oui ?
— « Quand c'est vide, c'est inutile ».
L’œil sur le godet de Ruleck, Bardan se lisse la stache.
— C'est raciste envers les atomes, l'emmental, et ma mère post-accouchement.
— Et puis, argue Louboutou, y'a plein de choses inutiles qu'on garde par habitude. Mon père, par exemple.
— Tu dis ça tous les deux jours ! Laisse ton pater là où il est.
— Je ne cible pas papa. Je dis juste qu'il a une tête à manger des flèches.
— Changez pas le sujet ! Mon verre est vide, et personne ne vient à la rescousse ?
— S0lution env1sagée : tu pourr4is te lev3r ?
— Pas possible.
— P4s poss1ble ?
— Trop de cervelle, pas assez de muscles.
Milo ne les écoute que d’une oreille distraite, et de moineau en louveteau, de quokka en koala, s’éloigne de la troupe extra-pacimuchesque. Son cœur menace d’exploser d’un trop-plein de mignonneté quand il tombe sur deux mouflets occupés à maltraiter un volatile apeuré.
— Ouste ! s’exclame Milo avec l’emphase qu’on lui connaît, à l’aide d’un béret dérobé aux morveux.
Les deux gamins décampent néanmoins – ceux que la nonne avait frappés – en chouinant à qui veut l’entendre qu’un méchant monsieur leur a volé leur chouette. Milo extirpe la chou… ah non, l’hirondelle de sa bouteille – décidément, les enfants sont des demeurés. L’oiselle quasi noyée toussote, crache de l’eau, s’ébroue et s’étire, puis se change en margouillat croquignolet. Milo hausse les épaules : il n’est plus à une impossibilité près.
Le lézard perché sur son épaule, il traînasse au marché où professeurs et instituteurs lui vendent des fraises recyclées, par leurs soins récoltées. Son protégé rassasié ne quitte plus notre aventurier auquel il gazouille et roucoule des mots d’amour doux, des mots d’amour fou.
Là, juste là, Milo se sent plutôt pas mal.
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