Chapitre 15 : LE MAÎTRE DES ESCLAVES 

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Nkulu, devenu Charles Walford sous le nom de son maître, avait gagné plus que la simple confiance de son maître anglais. Il était devenu le "maître des esclaves", un titre qu’il n’avait pas cherché mais qu’il avait mérité au fil de ses années de travail acharné et de son imposante carrure. Grâce à ses muscles dessinés par des années de travaux épuisants, il était devenu un homme respecté et craint par les autres esclaves, tout en étant une figure intrigante pour les jeunes femmes du domaine.

Ses abdominaux étaient comme sculptés dans la chair, visibles à travers le tissu de son chemisier de travail chaque fois qu’il enlevait son manteau pour se rafraîchir après une longue journée. Il portait souvent des pantalons usés mais de qualité, et ses bras, bien musclés, étaient couverts de traces des épreuves qu'il avait traversées. Mais malgré la dureté de son passé, il restait beau, de cette beauté particulière qui émane des hommes forgés par la souffrance et la persévérance. Il était devenu un spectacle de virilité, un homme dont la silhouette attirait les regards furtifs de certaines jeunes filles blanches, bien que ces dernières n'osent jamais s'approcher de lui, de peur de leurs pères.

De son côté, Isabelle n’était jamais loin. À ses côtés, il trouvait un réconfort qui allait au-delà des limites de son statut d’esclave. Elle l’accompagnait parfois lors de ses visites aux autres esclaves, apportant avec elle des offrandes de nourriture ou des objets dont les esclaves manquaient souvent. Les regards des autres étaient parfois curieux, mais Isabelle s’était familiarisée avec leur réalité. Elle n’avait plus peur de leur présence, et leur complicité grandissait avec chaque jour qui passait.

Isabelle, cette fille douce et pleine de vie, qui semblait prendre chaque instant à ses côtés comme une libération du fardeau imposé par son père, commença à montrer des signes que l'amour entre elle et Nkulu était devenu plus qu'un secret. Elle était heureuse, véritablement heureuse, mais aussi de plus en plus troublée par son propre secret. Elle rentrait de plus en plus tard, souvent sous des prétextes que son père n’osait pas remettre en question. Elle disait qu’elle avait fait une promenade, qu’elle avait pris l'air ou qu’elle s’était simplement perdue dans ses pensées. Mais son visage, cet éclat d’âme qu’elle ne pouvait plus cacher, la trahissait.

Le père d'Isabelle, John Walford, commençait à observer avec inquiétude les allées et venues de sa fille. Il la connaissait bien, et il savait qu’il n’y avait rien de simple dans ses excuses. Il la voyait sortir, la nuit, et revenir le matin, son regard brillant mais marqué de fatigue. Son père, bien qu'il n'osât rien dire à haute voix, s’inquiétait. Quelque chose avait changé chez Isabelle. Il n’avait jamais vu d’un bon œil l’attachement que sa fille semblait avoir pour l'esclave Charles, mais il n’avait aucune preuve pour justifier ses doutes.

Un jour, au petit matin, alors qu'il la surprenait de retour un peu plus tôt que d'habitude, un vent de suspicion s’était emparé de lui. Il observa Isabelle de loin, attendant qu’elle entre dans la maison, puis la suivit discrètement jusque dans le jardin. Là, il la vit s’arrêter devant la porte de l’esclave, hésitante. Elle jeta un regard furtif autour d’elle, comme pour s’assurer que personne ne la voyait, puis frappa doucement. Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit, et Nkulu apparut.

Isabelle se tendit, surprise, mais un sourire effleura son visage lorsqu’elle aperçut son bien-aimé. Elle s'approcha de lui, et ils échangèrent quelques mots, trop bas pour que quiconque puisse les entendre. Cela sembla être un moment volé, mais le père de la jeune fille, caché derrière un buisson, commençait à comprendre qu’il n’y avait pas que de l'amitié entre ces deux-là. Il se promit de découvrir la vérité, coûte que coûte.

Les jours passaient, et à chaque rencontre, le lien entre Nkulu et Isabelle se renforçait. Ils n’avaient pas besoin de mots pour se comprendre. La tendresse dans leurs gestes et l’étreinte de leurs regards en disait plus que tout discours. Mais dans le même temps, Isabelle devenait de plus en plus nerveuse, jonglant avec son amour secret et les apparences exigées par son père. Le cœur battant, elle trouvait des excuses pour son retard, des raisons pour justifier ses absences. Mais à chaque nouveau mensonge, le poids du secret devenait de plus en plus lourd à porter.

Elle savait que son père ne tarderait pas à découvrir la vérité. Mais tant que l’amour était encore là, elle n’avait pas peur. Elle avait vécu une vie sans véritablement connaître l’amour, mais celui qu’elle partageait avec Nkulu était pur et sans frontières. Et même si les règles du monde qui les entourait imposaient leur silence, ils se retrouvaient chaque nuit, dans ce petit coin du domaine, où l’amour grandissait comme une flamme cachée dans la nuit.

Isabelle : « Je n’arrive plus à mentir, Charles. Chaque jour devient plus difficile, mais je ne peux pas m’arrêter de te voir. »

Nkulu : « Tu n’as rien à cacher, Isabelle. Nous savons ce que nous ressentons. Peu importe ce qu’ils diront. »

Leurs voix, murmurées dans l'obscurité, étaient les seules complicités qu’ils avaient, un amour silencieux, interdit, mais que rien ne pourrait éteindre.

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