Vers le front
Mon amour,
J'espère que tu es encore vivant. C'est affreux de commencer une lettre par ces mots, mais c'est pourtant ceux que je me répète sans cesse. Chaque jour je pense à toi, exposé aux obus et aux Allemands à toute heure du jour et de la nuit. Je tremble pour toi, et je tremble pour nous d'envisager une vie sans toi. À la maison les enfants vont bien. Je fais tout mon possible pour leur dissimuler l'horreur qui règne partout. Pourtant c'est dur, ici aussi. Nous ne risquons pas notre vie et pourtant, c'est dur. Je travaille à longueur de temps et je rentre épuisée. J'aimerais me coucher mais je dois m'occuper de nos enfants. À tous les coins de rue fleurissent des affiches qui nous pressent de donner notre argent pour que le pays sorte vainqueur. Pourtant je n'y crois plus. Des mois que cette guerre s'éternise, elle qui devait ne durer que peu de temps. Nous ne sommes pas à l'abri. On entend des bombardements, parfois. Des Boches pillent village sur village et je redoute à chaque instant qu'ils arrivent chez nous et volent nos maigres biens. Je ne veux pas que les enfants les voient, je ne peux pas leur imposer ça. Ils se posent déjà tant de questions ! Je crois qu'ils sentent la peur alors même que je ne leur dis rien.
Reviens-nous, Eugène, je ne pourrais pas m'en remettre si ton corps restait sur ces champs de bataille immondes.
Marie
Tu me manques papa ! Tu es le meilleur des soldats ! Tu rentreras bientôt.
Suzanne
Rentre vite. On t'attend !
Jean
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