Présent

4 minutes de lecture

1er juillet 6h00 le réveil sonne

Il est déjà réveillé, depuis longtemps, et il sait que la cafetière a déjà crachoté péniblement son café

C’est avec des cernes bleuâtres sous les yeux qu’il beurre ses tartines, sans appétit

Comme un robot, il se lave et passe ses vêtements, propres mais pas repassés

Dans la glace, sa sale bobine lui renvoie la nécessité de se raser, le brossage des dents suivent juste après

Les horaires d’été ne sont pas encore affichés, mais déjà appliqués, le métro lui passe sous le nez et le prochain n’est que dans un quart d’heure et il finit par arriver en retard

À 7h34 il a à peine le temps de préparer le café que ses collègues arrivent déjà

C’est d’un ton un peu mécanique qu’il débite sa blague du jour


« Vous êtes au volant d'une voiture et vous roulez à vitesse constante...

À votre droite, le vide... À votre gauche, un camion de pompiers qui roule à la même vitesse et dans la même direction que vous.

Devant vous, un cochon, qui est plus gros que votre voiture !

Derrière vous, un hélicoptère qui vous suit, en rase-mottes.

Le cochon et l'hélicoptère vont à la même vitesse que vous.

Face à tous ces éléments, comment faites-vous pour vous arrêter ?

C'est simple pourtant, vous descendez du manège ! »


Les rires sont là, eux aussi un peu mécaniques et c’est plus par habitude de ce petit rituel matinal que pour flatter la vanité d’un chef potentiel, puisqu’il n’est désormais plus question pour lui de promotion, une personne de l’extérieur ayant été embauchée dans le but clairement affirmé d’apporter des idées neuves à l’entreprise

La journée passe, ennuyeuse et sans perspective

Fatigué, après son boulot, il s’achète exceptionnellement une bouteille de bon vin histoire de se faire un petit plaisir malgré tout et c’est d’une oreille distraite qu’il écoute comme à son habitude ses émissions préférées en caressant son vieux chat

Responsable ça a l’air d’être un peu râpé quand même, pense-t-il tristement son verre presque vide à la main


18 septembre

Pas dormi ou très peu, c’est vers 4h00 du matin qu’il prépare son premier café de la journée

Pas faim, les tartines pourtant beurrées restent sur un coin de la table

Il expédie sa toilette, s’habille de vêtements bouchonnés, pas repassés et plus tout à fait propres

Il est à la bourre, ne se rase pas et expédie la corvée de brossage

Grève des transports, le soleil est déjà chaud et c’est au pas forcé qu’il tente de ne pas arriver trop en retard au travail

7h58, le café est déjà servis depuis longtemps alors que lui arrive en nage, à bout de souffle et tout rouge

Malgré tout, il récite la première blague venue, sans trop réfléchir, alors que certains de ses collègues sont sur le point de commencer leur journée de travail


« Il aurait été récemment prouvé que la bière contient des hormones féminines, ce qui fait qu'après dix bières, un homme ne sait plus conduire ! »


Les rires sont encore là, mais rares, gênés aux entournures, et surtout, le nouveau chef se renfrogne, le regard encore éberlué par cette blague sexiste juste le jour de son arrivée

La journée passe, ambiance pesante, lourde, orageuse

C’est le regard sombre qu’il va chercher comme d’habitude sa bouteille de rouge, son saucisson et ses chips ainsi que la pâté du chat pour finir par écouter les mêmes merdes à la radio

Sale pute de chef de merde d’arriviste, ce poste de responsable lui revenait, merde


21 septembre 6h21

Le réveil s’époumone dans des brumes éthyliques

Gueule de bois, le café essaie de réveiller ses papilles goudronnées au mauvais rouge de la veille, mais c’est avec un Alka Seltzer que finalement il petit-déjeune

Les tartines ne passent plus depuis longtemps, envie de vomir de toute façon

Il se lave et essaie de trouver des vêtements encore potables à se mettre

Il tente de raser sa barbe de trois jours ou plus et se lave les dents pour tenter de combattre son haleine de poney, mais c’est finalement avec deux gommes à mâcher Hollywood qu’il donne le change quant à ces vilains remugles alcoolisés

Le métro est là, à l’heure, pas lui puisqu’il le rate encore presque comme chaque matin

C’est donc en retard qu’il arrive à la boîte

Alors que, pour conjurer la mauvaise journée qui s’annonce, il tente une blague, comme au bon vieux temps, il est sèchement rabroué par un :


« Mettez vos bottes les gars, on se casse, si vous ne voulez pas encore subir une autre blague vaseuse ! »


Et ses collègues, sans aucune autre forme de procès, quittent leur tasse à la main le coin café, le laissant seul, hagard comme un con en compagnie de la plante verte que tout le monde oublie d’arroser depuis qu’il arrive presque systématiquement en retard

Le rendez-vous avec la direction suit dans la foulée et on lui notifie son licenciement pour incompatibilité d’humeur, inadaptation aux nouvelles contraintes professionnelles et alcoolisme

Il ramasse ses affaires, les entasse dans un carton et part en fulminant contre cette société vendue à ces salopes de bonnes femmes

Au Grand Bazar il dévalise le rayon alcool fort, oublie la pâté du chat et va s’effondrer dans son fauteuil élimé avec ses chips et son sifflard avec la radio qui braille ses beauferies quotidiennes

Putain de merde de bonne femme de mes couilles gueule-t-il toutes fenêtres ouvertes à 3h00 du matin quand les flics viennent frapper à sa porte pour tapage nocturne

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Kakemphaton ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0