6. Le Mot Qui Se Brise
Il s'efforça de murmurer, le souffle court :
- Je deviens fou.
« Fou », lourd de sens, se brisa avant d’être prononcé. Il n’avait pas la force de le faire exister pleinement. La promesse d’une parole normale s’effritait dans l’air.
- Que m’arrive-t-il ?
Ce chuchotement se dissipa dans le calme feutré de la pièce. Une part de lui espérait que Mathilde aurait la solution. Mais comment pourrait-elle expliquer l’inexplicable ? Elle le serra plus fortement contre son corps.
- Comme il a dû être violent ton cauchemar ! lui dit-elle.
- Je crois.Oui.
Il décida de taire ses maux pour ne pas l’affoler et de se ressaisir, de comprendre seul.
Mathilde se leva pour se préparer. Arthur resta sur le lit, mais son corps ne trouva aucune consolation dans la douceur du matelas. Le silence, épais comme une couverture malveillante, l’enveloppait.
Un poids invisible écrasait sa poitrine, l’empêchant de bouger, d’agir. Son corps était figé, comme pris dans une torpeur étrange, où l’esprit et le corps s’emmêlaient dans une incapacité à réagir. Il se sentait réduit à une sorte de stase, bloqué entre ce qu’il avait été et ce qu’il craignait devenir.
Ses pensées, jusque-là bouillonnantes et désordonnées, se firent soudain plus claires. Elles étaient brutales dans leur lucidité implacable. Arthur pensa à tout ce qu’il ne pourrait plus dire, tout ce qui resterait bloqué quelque part entre son esprit et sa voix, tout ce qu’il perdrait, peut-être à jamais. La panique éveilla en lui des visions d’un avenir sombre.
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