11. Le Silence grandissant

2 minutes de lecture

Un soir, après le dîner, Mathilde observa Arthur. La table silencieuse qui les séparait semblait immense.

- Tu n’as rien dit aujourd’hui.

Ses yeux cherchaient des réponses qui ne venaient pas. Arthur baissa les siens, un frisson de vérité l’envahit. Il savait que la situation changeait, mais le voir si clairement dans le regard de Mathilde le bouleversa. Les silences s’étaient progressivement épaissis, devenant des murs entre eux. Ils s’étaient installés dans leur conversation, leurs échanges, comme une présence oppressante qu’aucun d'eux ne pouvait chasser et qui leur coupait la parole. Arthur essayait de les combler par des équivalents maladroits, mais ses tentatives étaient vaines. Leurs discussions, autrefois fluides, naturelles et quelquefois houleuses, s’étaient transformées en de longues pauses. Quand il essayait de parler, il peinait à exprimer ce qu’il ressentait avec son vocabulaire devenu bien pauvre. Les phrases se dérobaient à lui, il les remplaçait par des gestes maladroits, des hochements de tête, des sourires forcés.

Il se rendait compte que les choses les plus simples lui étaient devenues inaccessibles. Avant, quelques paroles suffisaient pour partager ses pensées, pour être compris. Maintenant, même un « bonjour » était un obstacle, une montagne qu’il n’arrivait plus à gravir. Ses pensées s’entremêlaient en un enchevêtrement chaotique, un fil qu’on essaie de démêler sans y parvenir. Il n’arrivait plus à se connecter à ses propres sentiments, à ses émotions. Il ressentait encore tout intensément, mais il n’avait plus d’outils pour le nommer.

Le silence lui devint peu à peu familier. Il cessa de lui résister et s’y abandonna, comme s’il pouvait le protéger. Il n’avait plus la force de parler, et dans cet abandon, il trouvait un semblant de répit. Il se laissait porter par cette absence, presque soulagé d’être affranchi du fardeau des mots. Pourtant, les regards de Mathilde ravivaient l’abîme qui les séparait. Elle tentait de percer le mystère de son mutisme, de lire dans son vide, mais plus il se taisait, plus le gouffre entre eux s’élargissait.

Les gestes de tendresse de Mathilde ne faisaient qu’amplifier son inquiétude. Prisonnier de son propre silence, il était incapable de briser ce cercle. Une petite lueur d’espoir persistait malgré tout : en apprenant à vivre sans parler, pourrait-il trouver une nouvelle forme de communication ? Une manière d’être présent ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Lucie Lhoste ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0