Tort

13 minutes de lecture

La police n'avait pas tardé à investir les lieux, fut même la première sur place, longtemps avant les secours. L'Alerte, la grande, l'effroyable, avait été lancée par suite de ce coup de téléphone. Un appel glaçant. Nonobstant le peu d'informations dont les agents disposaient, ils avaient immédiatement saisi l'urgence de la situation, compris dans quel état se trouvait la personne à l'autre bout du combiné et quel malheur l'avait frappée. Ce type de tragédie ne trouvait pas souvent l'occasion d’ébranler Notre Dame d'Islemortes, bourgade tranquille. Depuis la pluie de poissons de 86, rares étaient les décès requérant une intervention policière. Partant, les membres de la brigade islemortoise identifiaient sans mal les premières notes d'un drame dans la voix de leurs interlocuteurs. Celle de Giorgio Sirinelli les avait bouleversés.

Dans un angle de la chambre, piétinaient deux mollets moulés dans un chino bleu foncé. Mollets fins et fermes, taillés comme deux quilles renversées, ceux du chef de brigade Maillou. Celui-ci s’inquiétait moins de la promenade de ses jambes que de celle de ses yeux sur les pages de son carnet de notes. Il tournait le dos à la scène, pour à ce calepin dédier ses pensées aussi concentrées qu'un rayon laser. Le moindre écart l'aurait ramené malgré lui au centre de la pièce, bien trop près de la victime ; pour les quelques minutes à venir, il préféra s'en remettre à la froide orthodoxie des mots et à ses effectifs laisser le fardeau de la contemplation macabre, que d'aucuns auraient dite obscène. Que l'on ne s'y trompe pas : Paul Maillou était un homme de bien, mais sous l'unique empire d'un isolement professionnel sa logique et dextérité trouvaient à s'exprimer dans toute leur envergure. Par ailleurs, ses agents s'exécutèrent sans une objection. Ils n'osèrent toutefois approcher un doigt du corps, qu'ils se bornèrent à observer sous toutes les coutures, presqu'à l'épousseter de la pointe de leurs cils. Aucun signe de vie à relever, pas un début de souffle, la poitrine désespérément inerte. Quant aux immenses yeux clairs restés ouverts… Oh… ces yeux… Ses yeux avalaient le plafond, les moulures, l'infini. Ils avalaient les hommes dans la chambre.

— Une gosse... Merde, c'est si triste, laissa entendre l'un des officiers.

Son collègue, interpellé par des bruits en provenance du jardin, procéda à une vérification à la fenêtre brisée, avant de secouer la tête.

— Ça commence à s'agiter ici. Je vais chercher la couverture. On ne peut pas la descendre comme ça, à la vue de tous. Et qu'est-ce qu'elle fout, cette ambulance ?

Tout au long de l'intervention policière, les badauds s'étaient regroupés pour faire cercle autour de la demeure. Un attroupement prévisible ; voisins et flâneurs avaient été intrigués par ce brusque débarquement d'uniformes, n'avaient donc pas manqué en avertir leurs proches, amis ou quelle personne aurait daigné les écouter. Pétris d'une curiosité malsaine, ils en appelaient à leur instinct grégaire, alors se pressaient, désireux d'apercevoir eux aussi et de s’approprier un morceau de cadavre dont ils auraient fait l'article des jours durant aux réunions de bureau, rencontres amicales ou dîners de famille. Un sujet de choix.

Dans l'épaisseur de ce troupeau, Matthieu tenta de se creuser un passage, non sans difficultés. Le récent mutisme de Gabrielle tout comme sa disparition des couloirs de St**** avaient eu raison de sa patience. Suivant une bien trop courte réflexion, il avait pris la résolution de la retrouver à son domicile, prendre de ses nouvelles, à défaut de la prendre elle. Cette même résolution l'avait enjoint à monter la colline sitôt les premières lueurs apparues, compléter sa nuit dans la quiétude du matin et la robe d'un buisson en attendant que le pâté de maisons s’éveille avec lui. Jamais n'aurait-il imaginé trouver les lieux surpeuplés. Pas si tôt. Du calme hérité d'une douce nuit de juin avait émané une agitation tempétueuse. Tous ces véhicules de police, les passants qui accouraient, les exclamations et les regards brillant d'effroi et d'envie. Ils voulaient regarder, ils avaient besoin de voir…

De voir quoi ?

Sa propre indiscrétion l'avait mené à suivre l'affluence de la foule, constater par lui-même quel spectacle avait pris place à une dizaine de mètres de là. L'attroupement était dense, il se sentait étouffer, coincé entre les curieux. Trop curieux. Chacun de ces visages inconnus affichait un sourire irrégulier suggérant tant la jubilation que la crainte. Des sourires affamés de drame et de scandale, de jeu, celui de se faire peur. De bouche en bouche circula vite le mot redouté, qu'il ne convient de prononcer que sur un chuchotement tant son sens pourvoit la fin et le désespoir dans l'esprit des hommes. Partagé sur les lèvres, il agrandit peu à peu les grimaces. Au-delà de la pitié, au-delà de cette peine qu'ils savaient endurée par ceux pour qui la victime avait un jour compté, la vision de ce corps mutilé assouvissait leurs pulsions. Affamés mais insatiables, car déçus de ne pouvoir fixer cette image anthologique sur papier glacé ou le verre d'un écran. Une attirance inhumainement humaine pour le sang, contagieuse comme un champignon, elle contamine nos semblables au moyen de ses spores, une fois logée dans le cerveau les rend prisonniers des effluves ferreux et les encourage dans la contemplation d'une dépouille autre que la leur. Grâce à elle vient le soulagement de savoir qu'aujourd'hui ne sera pas leur jour. Qu'ils profitent encore un peu, boivent le vin, confient leurs pensées à leur téléviseur, et la vie suivra son cours dans le meilleur des mondes. Qu'ils oublient qu'ils seront les prochains.

Succombant lui-même à cette attirance, Matthieu poursuivit son avancée à travers les corps massés contre son dos et ses épaules. Sa fine carrure lui fut d'un grand secours, par maintes ondulations et contorsions parvint-il à approcher au plus près l'exhibition. De l'époustouflante bâtisse, des hommes tout de blanc vêtus sortaient une civière couverte d'un drap d'un même apparat, bosselé par le malheur qu'il se vouait à occulter aux yeux. Égaré dans cette blancheur, détonnait un arc de cercle rouge, sorte d'ignoble croissant de lune. Ce ne fut pourtant pas l'ardeur carminée qui happa en premier l'œil de Matthieu, mais la chevelure ébène dont les mèches tentaculaires débordaient du linceul, tel un encrier déversé sous une feuille vierge. Le reste ne vint que la seconde suivante ; il le percuta avec la vélocité d'un train. Ce contraste saisissant, cette confusion de noir, de blanc et de rouge ; tout ce rouge couché sur fond écru, les cheveux, le drap livide ; les reflets chauds de l'aube, lesquels gâtaient les teintes pâles de pigments rosés, dotaient le sang d'éclats opalescents immédiatement absorbés par les ténèbres des boucles fuligineuses ; puis ces senteurs de rouille et de chaleur matinale agglomérées, de nature en feu, de poussière chauffée par le matin, de sueur âcre saturant l'air ambiant sans en masquer le voile sucré, celui du parfum capiteux, synthèse de fleur d'oranger, de jasmin et de vanille. Autant d'innombrables détails qui se superposèrent et le submergèrent d'égale façon.

Sans raison ni logique apparente, le foudroya une phrase sortie du néant de son angoisse, citation refoulée dans les tréfonds de son cortex cérébral : « Le plus démoniaque de tous les chocs vous vient de l'inattendu le plus insondable ou de l'impensable le plus fou.[1] » Démoniaque, inattendu, impensable ; tout était dit, par ce drap mortuaire et sa bouche rouge.

La scène lui parut instable, impossible à cerner ; un coup de massue qui l'aurait frappé à l'estomac avant de s'écraser sur sa nuque. La vision trouble, il ne faisait plus confiance à ses yeux, tenta de se convaincre de leur tromperie : ce qu'il voyait ne pouvait pas être, ne le devait pas. Pas s'ils l'impliquaient, elle. Sous ce linge dormait une autre que sa Gabrielle. Ne lui restait qu'à se l'assurer, et pour ce faire crier son nom, en obtenir une réponse loin de la civière et des mains policières. Le nom crié lui revint en écho ; roulé dans la foule, il se réverbéra sur les langues alentour. Escalada sa poitrine une brutale compulsion, celle de sectionner ces langues. Par-dessus les voix étrangères ses appels se firent plus forts : « Gaby ! Réponds-moi ! Où es-tu ? » Gabrielle ou sa voix ne surgit d'aucun buisson, ne franchit aucun seuil, n'émergea en aucune zone de la marée humaine. Un univers entier la gardait hors d'atteinte. Gabrielle n'était nulle part, absorbée par le vide, et depuis ce vide ne lui répondrait plus. Jamais ? demanda Matthieu. « Plus jamais. » trancha le vide.

Jamais, pas sous le drap. Ce drap auquel il retourna.

— Réveille-toi !

Il en ressentit le poids oppressant sur son buste, l'épaisseur suffocante contre sa bouche. Sa capacité pétrifiante, l'étoffe dont sont faits les cauchemars. Regarda et répéta pour lui : Plus jamais.

« Pourquoi ? » se demandaient les plus empathiques. « Pourquoi avoir fait ça ? », « Pourquoi elle ? », « Pourquoi si jeune ? », grande interrogation qui, faute d'obtenir de réponse concrète, cherche à réordonner le chaos dont elle a par elle-même soulevé la présence. Questionner le sort, dans le même temps les lois de la Nature, celles auxquelles l'on ne souhaite plus se soumettre, car sans retour à ce « pourquoi » ne doit rester pour réplique qu'un « Parce qu'il en va ainsi. » ; savoir que parfois, sinon tout le temps, les choses et les individus s'achèvent sur un échec sans cause, sans cohérence, sans justice.

Aux côtés de ces « pourquoi » ne s'entendait pas l'unique « Comment ? » Comment j'ai pu laisser ça arriver ? Une plainte aux allures de reproches que Matthieu s'assénait comme une autoflagellation : Comment ? Ça ne pouvait pas finir comme ça, j'aurais dû être là… Ça n'aurait jamais dû se passer comme ça. S'il était arrivé plus tôt, il aurait été en mesure de retenir sa main. Il l'aurait protégée, comme il se l'était promis. Comme un homme promet ou croit devoir le faire. Il s'était juré de la préserver des autres ; des hommes, des femmes, d'Antoine, même de lui, de ses tendances volages et son sang impur. N'avait songé à la préserver d'elle-même. Une erreur de bonne foi, mais impardonnable. Ses inquiétudes l'avaient mis en garde, et lui les avait ignorées puis différé son départ, par lassitude, par crainte du rejet ou par simple oubli. C'est ainsi : un manque de temps avait suffi à faire chavirer ses beaux et nobles idéaux. Du temps perdu, de la négligence … et ma faiblesse ? Sans l'ombre d'un doute. Trop faible pour la défendre ! Elle est là ! Elle est là, ma foutue faiblesse ! Maintenant il la voit, alors sa faiblesse le scrute à son tour sans même besoin d'yeux. Elle gît là, plane au-dessus de la terre, l'interpelle de sa voix morte, soudain se moque de lui. Elle rit, son rire de corbeau monte jusqu'aux nuages, elle rit et fait résonner son hystérie. Rit, à gorge déployée. Se calme, l'interroge : Que reste-t-il de son combat ? Qu'en est-il de la protection que fièrement il s'était targué de pouvoir lui assurer ? L'accuse : de héros il n'y avait plus, n'avait pour ainsi dire jamais eu.

Aux oreilles de Matthieu seules bourdonnaient des réflexions décousues, une bataille de voix malveillantes au timbre métallique lui tranchant les méninges. Il aurait sombré en lui-même, mangé par ces voix, si la pesanteur d'une main sur son omoplate ne l'avait ramené au centre de la cohue.

— Je suis désolé.

Julien, fidèle ami et allié depuis tant d'années, il se dressait à ses côtés, possédait les aspects d'un solide pilier destiné à accueillir sa misère d'écorché vif. La main qu'il enfonçait au sommet de son dos en devenait le point d'ancrage de Matthieu. Bien plus qu'un témoignage d'empathie, il était un rappel au monde, au sien, au leur, un rappel tristement sage : « Je suis là. C'est dur, je sais, mais je suis là. Alors reste toi aussi, il le faut. » Du fond de ses poumons, Matthieu ne puisa pas de souffle pour lui adresser un remerciement ; un regard suffirait. Ses yeux ne bougèrent pas, jamais ne trouvèrent le chemin du visage de Julien, ils s'accrochaient encore bien trop fort à l'horreur. Rester, il faut rester, il le faut…

La réalité inonda ses dernières pensées. Revenant à ses autres composantes, il observa les policiers engoncés dans leur uniforme et leur professionnalisme s'affoler autour du corps, pareils à des vautours encerclant leur pitance. Au second plan, derrière les charognards bleus : les autres spectateurs. Ils figuraient une cohorte de personnages incolores et inodores, comme tracés en ombres chinoises sur le paysage à des fins de remplissage esthétique. C'est alors qu'au milieu de ces ombres se détacha une silhouette statique, plus colorée, plus vivante que les autres. Elle avait du relief et un visage, des traits familiers à Matthieu, lesquelles se précisèrent à mesure que se réveillait une ancienne rancœur.

— Ju'… qui est-ce qui t'a prévenu ?

Un silence gêné ; Julien n'articula pas un son, l'identité du mystérieux délateur coincée dans sa gorge. L'absence de réponse révéla à Matthieu chaque lettre de ce nom.
Lui, ça ne pouvait être que lui. Il avait fallu que ce soit lui. Et il se tenait si près, dos arqué mais menton relevé, s'intégrait aux ignorants et comme eux faisait face à Gabrielle. L'évidence enflamma l'esprit de Matthieu, à sa lumière tout devenait plus clair et plus sombre à la fois. Dans les sept lettres de ce nom affleurait la pire des atrocités que son monde eut portées. Un monde de pluie. Matthieu lui vouait depuis des mois la haine la plus noire qu'il soit, et cette haine, ce matin de juin, devait fuser tel un gisement de pétrole. Antoine, Antoine… Antoine ! PLUS JAMAIS !

Ordonnant un retour au calme, l'un des agents tenta par maints efforts de contenir le public, paumes dressées et appels polis à la discipline. Projet périlleux, mais les Islemortois jouissaient d'assez de tenue pour ne pas s'essayer à contrarier les directives des représentants de la loi. Dans ce même laps de temps, le brigadier Maillou sortit de la maison, le calepin remisé à sa ceinture. D'un pas pressé, il prit la direction de sa voiture de fonction, décidé à regagner au plus tôt le commissariat, dresser le rapport de l'accident. Faire son devoir, et mieux encore quitter cette sinistre demeure, son jardin à la beauté malhonnête et ses fenêtres dont l'acuité visuelle semblait détenir le pouvoir de percer les âmes et secrets. Occupé à déverrouiller le véhicule, il détourna son attention pour une poignée de secondes. Un cri en provenance du policier aux prises avec la foule lui déclencha un sursaut « Eh toi ! Reviens ici ! » ; il manqua en faire tomber ses clefs. Paul se retourna sur ce qui s'apparenta à un éclair noir fendant la foule.

Matthieu avait dégagé les haies d'oisifs d'un geste du bras, avant de bondir sur Antoine. Étourdi par la fulgurance de cette attaque, ce dernier n'avait rien pu faire sinon s'écrouler pour endurer les coups. Ses bras levés en croix au-dessus de son crâne se bloquèrent, vaincus par le choc que la découverte du cadavre avait engendré. Atone, son corps paraissait avoir tout autant renoncé à la vie ; il n’arrivait plus à convoquer la vaillance essentielle dans ce combat. Sans Gabrielle, sa vieille lutte n'avait plus cours ni sens. Antoine avait mal, sur sa chair et en son cœur, ne comprenait vraiment pourquoi. Tout comme il ne savait pour quelle raison les heurts pleuvaient subitement. Ne comprenait plus rien, endurait quand même.

— C'est ta faute !

Sa faute ? Il n'en était pas certain, continuait à subir.

D'abord poings serrés, Matthieu martela le visage, s'acharna à le pulvériser. À briser les os, éclater les vaisseaux, déchirer les tissus, réduire à l'état de flaque cette face que plus jamais, PLUS JAMAIS ! il ne comptait recroiser. Son destin gravitait dorénavant autour de l'éradication de cet être misérable. Toi aussi tu n'es qu'un tas de sang et d'os si simple à exterminer. Tu peux tuer ? Mais tu n’es pas le seul ! Laisse-moi te montrer à quel point c'est facile ! Ses doigts desserrés, les ongles prirent le relai et les coups de griffe se mirent à battre l'air. Pareil à un chat sauvage, il lacérait, creusait de vibrants sillons à même la peau. L'anarchie du geste lui importait guère, il se satisfaisait du peu de rognure épidermique excavée sous les rigoles de sang.

— Ta faute ! TA FAUTE !

À mesure que s'abattait la furie de son rival, la figure d'Antoine se déformait de contusions en hématomes. La douleur, devenue perçante s'étendit à ses nerfs, et tout son corps se mit à tressaillir, accablé par ce qu'il vécut comme une succession de chocs électriques. En dépit de sa souffrance, Antoine reprit le contrôle temporaire de ses lèvres fendues et enflées, tant bien que mal essaya de communiquer sa peine, en même temps ses remords :

— J'le regrette autant que toi…

La déclaration n'avait pas été aussi nette, mais plus humide et chuintante au sortir de cette bouche abîmée. Elle renforça la hargne de l'assaillant, et ses coups avec.

— Ferme-la !

— Non, attends…

Une salve de lames de rasoir traversa le visage. De petites effusions de sang éclaboussèrent Matthieu, deux de ses doigts vinrent s'érafler sur une dent restée dans son passage. Sa frénésie ne s'en trouva pas affectée.

Trois policiers eurent à batailler pour le décrocher d'Antoine, que les coups avaient rendu purpurin. Ils plaquèrent Matthieu au sol, lui imposèrent de s'apaiser. Cette libération permit de sécuriser Antoine à l'écart de la foule. Il se laissa conduire à l'aveuglette, le sang et les ecchymoses l'ayant partiellement privé de la vue comme de l'ouïe.

Le souffle court, Matthieu regarda le démiurge de ses cauchemars s'éloigner peu à peu de son champ de vision, se faire petit et flou avant de le quitter. Lui disparu, sa tension retomba, il retrouva une respiration plus régulière.

— C'est terminé, lui murmura une voix lointaine. Il faut te calmer maintenant.

Le front à la terre, il finit par émettre une faible réponse :

— Il n'avait pas le droit de lui faire ça…

Les agents relâchèrent leur pression. Ils le sentaient : c'était là un chant du cygne.

Peu de temps après, la civière disparut derrière l'aile cabossée d'une ambulance sans âge, la voiture de Paul Maillou repartit pour le centre de la commune, une part des effectifs policiers raccompagnèrent Antoine chez lui, leurs épaules en guise de béquille et jambes pour canne d'aveugle, et les derniers riverains vagabonds regagnèrent leurs tanières respectives ; Matthieu fut autorisé à se relever. Chancelant, il brossa la terre jaune de son manteau puis délia les doigts de sa main droite. Enfoncée dans sa paume, ne restait de son ennemi qu'une boucle d'oreille rattachée à un lambeau de chair.

[1] Howard Philip Lovecraft, Je suis d’ailleurs (The Outsider), nouvelle de 1926.

Annotations

Vous aimez lire F Sinclair ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0