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Entretien avec M. B. ESPOSITO, voisin des victimes (enregistrement audio), Émission « Actualités de Notre Dame », mercredi 2 avril 1997, Radio FNA

B. E. : Bén coullum[1], tu parles que j’ai rien vu ! On s’espionne pas les uns les autres ici ! J’étais seul chez moué, j’ai vite aperçu ine lumerote au moment de fermer mes volets, pis je m’suis mis dans le noir pour regarder ma télé. Et le sun était un peu fort, c’est vrai, alors j’ai rien entendu non plus. Et je vais pas m’excuser, hein ! Personne s’en est jamais plaint, de ma télé. Pis de toute façon j’aurais jamais rien pu entendre, avec tous les putain d’cheuns du quartier. […]

Mais vous savez, ça leur pendait au nez. C’étaient pas des anges, eux. Depuis des années qu’on a plein d’soucis avec eux, surtout avec leurs saleté de p’tits drôles qu’ils osent appeler « enfants », des sales gamins qui ont terrorisé tout le voisinage. T’nez, je m’souviens même qu’une foué, en 86… c’était juste après l’éfrime accident là[2], vous savez, celui avec l’avion. En 86, donc […] Mais bref, je vais pas plus rentrer dans les détails, il paraît qu’c’est pas bien crétén[3] de dire du mal des victimes. Mais j’en pense pas moins ! Eh ben quoué, c’est pas vrai peut-être ? Ça d’vait arriver, c’est tout. Attention, je dis pas que c’est mérité non plus ! Mais tout l’monde ici, il avait une dent contre eux, et celui qui prétend le contraire est un sale menteur hypocrite. Pis y’a eu aussi le dernier écart de leur second fi… Ah là là, c’est qu’il a rien arrangé, celui-là. Sûr, j'sais parfaitement ce qu'ont dit les flics, mais ça prend pas, on m'la fait pas, à moué. […]

Mon bon monsieur, quand j’y repense, on leur en a fait, des misères. Oh, des broutilles, rien de vraiment méchant, jamais de geste violent en tout cas. Ou pas trop… On n’est pas des sauvages, quoué qu’on en dise. N’empêche, ça me fout drôlement en rogne. Écoutez-moué-les, tous ces tartufes en train de pleurer le sort de ces autres gredins. Très peu pour moué ! C’est pas l’vieux Esposito qui ira fleurir les portes sur lesquelles il a jeté des œufs, parole !

M’enfinC’est bien triste tout de même, dans l’fond. Pis ça fait sacrément peur ! C’est pas humain, c’qui s’est passé là-bas. ‘Faut pas être humain pour faire des vilaines choses comme celles-là. Y’a que le Diable pour commettre des horreurs pareilles. Et l’Diable, il est ici, j’en suis certain maintenant. Et j’pense pas qu’il se contentera de rabatàe les moins pieux[4] ; on s’ra peut-être les prochains. Les rues sont pas sûres, ah ça non, Seigneur… On a plus qu’à tous prier pour que l’bon Dieu, Il ait pitié et qu’Il nous vienne en aide. Mais qui on est, nous, pour donner des ordres à Dieu ? (…)

*

Sinueux et jonché d'obstacles végétaux, du rocher couvert d'un vernis aqueux au nœud de racine terré sous un sentier feuillu, le parcours fut rude. Matthieu le poursuivit sans faiblir. Passer d'abord la route, le pont de bois, celui de pierre, enfin le ruisseau avant d'atteindre la lisière du bois en bordure de la départementale. Si dense que se présentait la forêt, il avait suffisamment pratiqué le trajet durant son enfance et adolescence pour savoir qu'il ne lui faudrait pas plus de vingt minutes pour en venir à bout. Par sa forme de croissant de Lune, la forêt de la Haute Lande Girondine enlaçait le village du Nord au Sud. À sa pointe la plus haute, se séparaient en bons termes Notre Dame et la ville de Grézac, détentrice légitime des deux tiers de la zone boisée ainsi qu'en totalité du lycée St **** ; à son opposé, en sa pointe basse : Sautras, commune plus modeste encore que sa rurale voisine ; enfin, son galbe pareil au dos rond d'un C étendait l'aile ouest islemortoise sur quelques hectares supplémentaires, seul quart qu'elle eût détenu en propre. À l'Ouest, comme à la poursuite de la mort du Soleil, là courait Matthieu.

Arrivé à mi-parcours, aux abords de l'Infidèle qu’il traversa au moyen d’un gué, il fit halte et jeta son sac à terre, duquel il dégagea une boule de tissus. Sous l'arc des branches tordues, il se dévêtit en toute hâte, troqua sa tenue civile pour son habit cérémoniel. Cette étape respectée, il repéra un tronc noueux dont la figure scarifiée luisait sous les reflets que traçait le cours d'eau frappé de la lumière lunaire. Il s'agenouilla au pied du végétal, en vue d'ensevelir ses effets personnels sous un entrelacs de racines et de feuilles laquées d'eau et de bruine. Faible était le risque que quiconque s'en empare, mais la prudence étant de mise, Matthieu endormait ses craintes à la pensée que ses biens reposaient à l'abri, loin des yeux et des mains curieux. De cette façon put-il reprendre sa marche, l'esprit léger mais le corps alourdi.

Il se voyait, il est vrai, ralenti par ses accessoires. Ses bottes, pièces militaires en cuir véritable aux semelles épaisses, à chaque pas l'exhortaient un peu plus à explorer dans un gargouillis les tréfonds d'une fange tiède, déséquilibrant sa marche déjà contrariée par la longueur des godillots, de deux tailles trop grands. Les avoir matelassés de chaussettes n'avait que peu stabilisé son pied, qu'il sentait se balader allégrement au fond de la chaussure.

Tu t'attendais à quoi ? Tu les as achetées à un clochard après tout, même si tu as fait une bonne affaire. Honnête observation : une paire de bottes coquées, à peine ternies et dont l'âge devait pourtant dépasser de deux fois celui de leur nouveau propriétaire, à un tel prix… soixante-quinze centilitres d'un alcool de mauvaise facture. Une opportunité qu'il n'avait eu le droit de manquer. Jamais Matthieu ne pourrait oublier ce bonhomme bougon et malpropre, aux yeux cirrhotiques, au menton hérissé et à l'élocution tourmentée, cuvant son poison (ou ne l'ayant jamais décuvé) en paix dans son caniveau. Pas plus que son regard circonspect lorsqu'il lui avait adressé ce : « Combien les chaussures ? » Le marginal avait marmonné dans un brouillard de vin triste : « Qu'esssss c'que tu m'proposes ? », tandis que sur son visage parcheminé la méfiance s'était muée en pressante avidité. Un rapide détour par l'épicerie du Marseillais de la rue de la Flaque, et la transaction avait été réglée. L'un, pieds dans ses bottes, l'autre le nez dans sa bouteille, chacun y avait trouvé son compte.

Un bon attirail, dans la même veine que le reste de son outillage, éléments dont il était soit vêtu soit équipé. Ceci étant dit, Matthieu ressentait, sans oser se l'avouer, un certain soulagement à la pensée que personne ne viendrait le surprendre avec pareille figure. Peu l'auraient contredit : sous ses airs de soldat en mission, son état actuel accusait une criante négligence. Par souci du détail, ainsi qu'un certain excès de zèle, il s'était appliqué à couper et à raser chaque zone de son visage comme de ses bras ; plus aucun poil, cil ou sourcil ne parsemait sa peau, plus lisse que celle d'un dauphin. Si ses talents artistiques et sa dextérité lui avaient permis de tromper cette absence de pilosité, il ne s'en sentait pas moins grotesque. Encore que, malgré la sagesse d'une telle initiative, il n'avait trouvé le courage de faire subir sort similaire à ses cheveux, en réponse à un caprice issu d'une forme de coquetterie qui ne s'assume pas. Dans le temps, Gabrielle aimait qu'il les portât longs. De ce fait, avait-il seulement pris la peine de les remonter et plaquer en un chignon serré, de les envelopper ensuite d'un filet noir qu'il avait déroulé par-dessus son crâne et visage jusqu'à son menton, puis coincé sous l'arête de sa mâchoire. Quant au reste de sa tenue, celle-ci ne présentait guère plus d'attrait qu'un défroque : des couleurs ternes, guenilles aux formes indéfinies en fin de vie. Des vêtements larges dont les tailles élastiques resserrées à leur maximum défiaient la gravité de faire son œuvre. « Confort », tel avait été le mot d'ordre établi, au détriment de l'esthétisme, de sorte que Matthieu disposait d'une pleine liberté de mouvement, uniquement contrariée par le poids des chaussures qui le tiraient vers le sol et les rebonds contre ses côtes de la pièce de métal occupant l'immensité de la poche de sa veste.

À sa grande stupéfaction, cet élément s'était révélé le plus simple à se procurer. Une réelle aubaine : jamais n'aurait-il pris le risque d'emprunter celui de son père, moins encore de se reposer sur Julien pour lui en dénicher un. Par le double truchement d'une démonstration d'audace ainsi que d'un incroyable coup du sort, en lequel il n'avait pourtant jamais placé sa confiance, la pièce maîtresse de l'échiquier ne l'avait jamais quitté. Elle avait reposé au plus près de son corps, à attendre que sonne son heure de briller. Cachée sous son lit. Lorsque ses doigts, sous le bouclier d'un mouchoir, s'étaient emparés de l'objet, comme animés d'une volonté propre, qu'ils l'avaient dérobé à la vue du propriétaire véritable pour le contraindre à épouser le tissu de son pantalon, avec toutefois assez d'adresse et de prudence pour ne pas lui entailler la cuisse, son esprit avait observé la scène à courte distance et n'était donc intervenu en aucune façon dans cette subtilisation. Sur l'instant, la raison de son geste lui avait échappée. Il s'était contenté d'obtempérer, de se mouvoir de manière mécanique, son cerveau déconnecté du reste de son corps. À présent, qu'il fût conscient ou non, cet acte méritait tous les honneurs. Au-delà de son mystère, il répondait à une parfaite conjonction des évènements et tout aussi parfaite synchronie. Étrange, fantasque fantastique synchronisation.

Chance ou providence, Matthieu ne croyait en aucun de ces concepts, mais force était pour lui de constater que tout s'était mis en ordre, sur le long terme en effet, mais de la plus formidable des manières. Un rebondissement que certains auraient jugé digne d'un Deus ex Machina, et que Matthieu se figurait comme l'apanage des mauvais récits, lui qui était d'ordinaire, et suivant une sournoise ironie, enclin à envisager que le chemin des hommes n'était astreint à rien sinon au joug d'un méprisant Deus in Absentia.

Parce que tu t'imagines vraiment être encore en droit, ce soir et maintenant, de montrer autant de scepticisme ?

De biens amers mots. Il ne s'en étonna pas. Une forme vicieuse de cynisme avait depuis longtemps empoisonné la bouche de Gabrielle, poison d'influence accrue depuis qu'elle avait été effacée de son monde. Une causalité aurait pu s'en dégager : parce qu'elle n'appartenait plus au cercle des vivants, les coudoyer, même à l’occasion, ne devait qu'ajouter au malheur de son errance. Là où elle marchait en étrangère, tout lui apparaissait vain ou hostile et motivait sa soif d'épuration massive. Malgré cela, la voici, un pied sur Terre, l'autre dans l'éternité, à s'accrocher à Matthieu.

Du scepticisme avait-il censément fait son deuil.

Un point pour toi, consentit-il. Quelle force l'avait conduit en cet endroit, il lui en était reconnaissant, mais se plaisait à envisager que Dieu ou n'importe quelle entité arbitrairement désignée divine n'y entretenait aucun rapport. Pas une divinité du « bien », en tout cas. La vérité miroitait au-delà de ces concepts communs, ce dont Gabrielle n'avait pu le détourner. Elle ne l'en détournerait pas davantage ce soir-là, alors que sa pensée s'improvisait philosophe des heures les plus noires : Si Dieu était encore vivant, il me détesterait, de toute façon.

Ça te va bien, de jouer les grands nihilistes alors que je marche à tes côtés.

Nihilisme assassiné qui rythmait ses pas ; son cœur, lui, ne suivait plus que le chant funèbre de son aimée. Sans leur concours, il n'y aurait ni traque ni mission ni Gabrielle, si malheureux que cela semble. Il sait : ce ne sera pas lui, le surhomme de cette histoire, mais un triste sire et esclave d'un rêve, d'une idée, d'une obsession.

Quinze minutes à travers la forêt de Grézac, et les premières lueurs des chaumières lui apparurent. Fourbu, Matthieu suspendit sa marche aux fins de reposer ses jambes et poumons. Calmer aussi son pouls dans d'admiration du paisible panorama, ainsi que le commandait son sens du beau. Chacun l'aurait approuvé, car ne sont-elles pas charmantes, ces villas de l'Ouest, appuyées sur leurs colonnes et coiffées de leurs toits de briques roses ? Bien sûr, il leur accordait cela, non sans une note de cynisme grinçant.

Un beau geste de sa part, sachant qu'une symphonie de cordes torturées n'aurait suffi. Pas pour ces constructions invasives. Leur localisation en périphérie, non contente de leur conférer un isolement réconfortant, les rend de surcroît financièrement intéressantes, puisque plus abordables que celles du reste de la Lande. Ici, les terrains stériles ne valent rien, si bien que l'on y voit pousser à chaque nouvel automne, ainsi que des champignons sous le taillis, des petites structures de béton et de bois supplémentaires. Par cette accessibilité rurale, les programmes immobiliers avaient pu prospérer, et l'agglomération islemortoise s'étendre des terres de Notre Dame jusqu'à celles des localités voisines. Telle la nappe de pétrole, elle s'étalait, gangrénant la nature qui l'étreignait, engloutissant par ses blocs de pierre, ses hectares de pelouse synthétique et ses lacis de routes goudronnées le jadis immortel royaume des pins sauvages et des vins domestiques. Ces vignes travaillant à sucrer les grappes et ces arbres centenaires prisonniers du sommeil ; leur respiration s'amenuisait. Passaient les jours, et le havre de paix que représentait autrefois la Lande se vidait de vie. Le bois se mourrait. Du hululement de ses chouettes, glapissement de ses renards et autres rhapsodies de sa faune, l'on ne percevait plus qu'un vague écho, enterré sous les vrombissement des moteurs automobiles ou vagissements infantiles.

Ils se meurent, ces arbres d'une autre ère ; alors pâlit leur vert et s'efface la fragrance piquante de la résine sous leur écorce craquelée. Par-delà les souvenirs d'un camaïeu verdoyant, éclate le rose des briques et blanc des colonnes des demeures joliment, docilement perchées au sommet des tapis de luzerne. Les sages maisons de pierres, dont les souches des cheminées crachotent les restes fumeux des tronçons de pins, comme sous leurs planchers les vers grignotent de terribles secrets. Un tableau pastoral des plus reposants qui éveille en Matthieu de mystiques sensations, comme un rappel à sa nature première d'Homme, sur lequel la Nature jette le jour pour qu'en pleine lumière, celle de sa Lune de sang, sautent au visage les cicatrices de ces dieux de bois maudits. C'est là son indicible héritage, sa malédiction. Tout l'incite à profiter de ce moment suspendu où domine le calme. Approcher l'éphémère, avec lui se perdre.

À l'extrême nord du faubourg était sise la blanche masure, sa façade illuminée par un lampadaire d'allure rétrograde, presque vieillotte. Autour de la tête de verre, la sphère d'un halo semblait s'être mise en devoir d'attirer la phalène hagarde, à défaut du visiteur d'os et de sang. Pas de pelouse, aucune fleur ; la demeure, véritable offense architecturale, reposait sur un aride terrain, dont le blanc cassé étendu tel un drap rappelait avec douleur à Matthieu l'infâme étoffe qu'il avait vue rougie par la gorge de Gabrielle. Seul un bas muret de briques grises, dont la construction avait souffert la lassitude d'un ouvrier mal rétribué, délimitait la propriété. Une bordure en titre qui n’aurait pas même découragé un cambrioleur boiteux. Une bordure, donc, que Matthieu enjamba sans plus d'effort, le pas tranquille et équilibré.

Vingt-et-une heures quarante, fit-il face à la maison. Ce lieu, il le connaissait dans ses renforts et ses fissures, jusqu'à ses recoins ou secrets les plus obscurs. Connaissait et en maîtrisait la structure, l'histoire, le rythme, les usages. Si les rideaux avaient été tirés, leur finesse de papier de soie échouait à occulter la lumière jaune filtrant par la fenêtre ; celle-ci laissait deviner la présence d'occupants dans les pièces de vie. L'heure était encore un peu jeune pour sonner l'extinction des feux. Tapi dans les ténèbres, à bonne distance du lampadaire et son cercle d'or liquide, Matthieu tira profit de ce temps imparti pour se remémorer le rituel : qui se couche en premier, qui s'endort en dernier, où veille l'un, où somnole l'autre. Se remémorer et se réjouir, sachant qu'à ce rituel la fermeture de la porte d'entrée n'était pas incluse. Sans surprise, considérant deux points cruciaux qu’il convient de rappeler : l’époque (milieu des années 90), moins axée sur la sécurité et la suspicion que les décennies qui suivront, et la localisation, banlieue pavillonnaire à destination des basses classes, répudiée dans un coin insignifiant d’une bourgade tout aussi insignifiante. Cambriolages et effractions ? Des concepts télévisuels plus que des mots, dans la bouche des Islemortois. Se claquemurer à la nuit tombée se regardait comme une précaution inutile et alarmiste.

En le temps, cette porte avait dégagé à Matthieu la voie de son intimité, auprès de laquelle il avait été le bienvenu, jugé assez honorable pour y découvrir tant ses us que ses arcanes. Sans se douter à l'époque de ce qui motiverait sa dernière visite, il avait expérimenté la mécanique sifflante de cette machine domestique. Rébarbatifs, pondérés et sans entrain, les gestes au fondement de cette dynamique dégageaient une forme de répétition hypnagogique, que les langues les moins délicates n'auraient pas hésité à taxer d'automatisme ; pour que de l'habitude naquisse, chez les occupants, une seconde nature. Ces derniers, loin de s'en cacher, avaient sans pudeur aucune précipité Matthieu au centre de leurs coutumes, qu'il avait observées avec force perplexité.

Les propriétaires n'y avaient rien changé, pas depuis sa pénultième venue. Bien qu'aujourd'hui persona non grata, Matthieu redécouvrait la placidité du pavillon, au pas duquel il était résolu à espionner chaque étape d’une routine aux airs de protocole se perpétuer : un grincement de lattes, le chuintement neigeux du poste de télévision, le murmure grésillant d'un mitigeur ouvert. Dans son esprit, il était encore des choses qui ne connaissaient rien du changement. D'une certaine façon, leur fixité réchauffait les corps affligées, un peu comme la vieille Renault de Julien.

Prenant soin de toujours se tenir à un corps de l'auréole blafarde à terre, il s'offrit un instant supplémentaire pour réguler sa respiration. Son cœur piégé dans une course arbitrée par l'adrénaline cadença le levé de son poignet en direction de celle grevant la planche de bois. Du bout de ses doigts gantés de cuir, il en épousa les rondeurs bosselées. La peinture s'éparpilla en fines pellicules dorées au centre de sa paume. Enfin, Matthieu poussa la porte avec un luxe de douceur, de peur d'en faire chanter les charnières rouillées.

[1] Exclamation "fourre-tout". Expression saintongeaise (patouê saintonjhouê, jhabrail) ; langue d’oïl, langage encore présent en Charente, Charente-Maritime, dans le sud de la Vendée, des Deux-Sèvres et le nord de la Gironde. M. Esposito, que l’on devine natif de l’une de ces provinces, a parfois recours à des termes ou expressions propres à ce dialecte, traduits au besoin.

[2] Saintongeais : « … juste après l’horrible accident… »

[3] Saintongeais : « … que ce n’est pas bien chrétien… »

[4] Saintongeais : « … qu’il se contentera de frapper les moins pieux. »

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