Boulot
Avant-propos : Toutes les situations et tous les propos tenus sont arrivés dans la réalité. Je les ai juste aggrégés en un seul personnage. Nul besoin de préciser que, même si le personnage en question est une femme, un homme peut tout aussi bien adopter de tels comportements.
Enfin, je tiens à noter que mon personnage n'est pas en soi quelqu'un de malveillant ou de sadique. C'est simplement quelqu'un qui a un orgeuil démesuré et qui est par conséquent incapable de faire preuve de la moindre empathie tout en étant convaincu de porter le monde à bout de bras.
Quant au titre, vous comprendrez à la fin, mais c'est pour moi la phrase la plus violente qui puisse être assénée dans ce contexte bien précis. N'hésitez pas à donner votre avis, ou si vous avez une idée d'une phrase encore plus violente dans un contexte similaire, je trouve ça vraiment fascinant.
***
Je regarde ma montre Cartier. 19h01. On est vendredi si je ne m'abuse, il serait temps de mettre les voiles. J'envoie un texto à mon chéri pour lui souhaiter un bon week-end. Silvio passe justement dans le couloir. Je pensais qu'il était déjà parti. Je le vois qui sort son portable, il sourit, il a vu mon message. Il me lance un clin d'oeil en guise de réponse. Je trouve ça un peu court mais bon, il a sûrement quelque chose de plus important que moi à s'occuper !
A présent c'est mon portable à moi qui vibre. Silvio qui se met à culpabiliser ? Déception amère. C'est mon mari.
"Hello chérie, tu rentres quand? Je prépare un bon boeuf bourguignon pour ce soir."
Il est gentil mon mari. Toujours aux petits soins. Je suis tout de même pas la plus à plaindre. Pas comme cette pauvre Suzanne, pâle comme un linge, des cernes jusqu'au nombril. Brrr. Cette pauvre fille me dégoute. C'est simple même moi je ne sais pas quoi en faire. Elle ne sait rien faire, ne respecte aucune deadline. Et le patron qui me reproche de lui donner trop de travail. On croirait rêver. C'est moi qui fait tout ici. Je suis sûre que c'est cette petite peste qui est allée se plaindre. Ou alors elle fait exprès de rester tard le soir juste pour me faire passer pour la tortionnaire de service, cette feignasse.
J'ouvre mon Trello pour voir le travail qu'il me reste à faire.
Oh non, le benchmarking sur les produits de beauté, il m'est complètement passé au-dessus de la tête...! Bon, tant pis. On met ça sur le Trello de Suzanne. Elle finit son stage la semaine prochaine, elle peut bien donner un petit coup de collier avant les vacances, non ? Et puis, comme je dis toujours, faut mériter son salaire. 800€ de gratification de stage, on est déjà très généreux pour un poste à Paris !
Je prends mon sac et mon manteau et je me dirige vers le bureau de la stagiaire.
- Bon Suzanne, je file. Tu comptes finir le benchmarking quand ?
- Le... le benchmarking ...?
Elle bégaye, clique frénétiquement sur sa souris. Je soupire. Je regrette l'ancienne stagiaire. Elle au moins elle était réactive.
- Oui, ça fait une semaine qu'il est à l'ordre du jour, le benchmarking sur les produits de beauté, tu as encore oublié ?
- Mais je croyais que vous préfériez vous en occuper vous-m...
- J'osais espérer que tu prennes l'initiative de faire les premières recherches. Tu vois bien que je croule sous le travail en ce moment.
Evidemment, elle ne répond rien. Elle ne répond rien puisque j'ai raison. Elle reste bouché bée là, comme une truite. La comparaison me donne envie de sourire. C'est vrai qu'en y repensant, elle ressemble à une truite, la Suzanne. Je demanderai aux filles du service si elles confirment, ça va les faire rire j'en suis sûre.
- Bon, si je ne peux visiblement pas compter sur toi...
Je fais mine de reposer mon manteau sur mon bureau.
- Non-non-non-non, je vais le faire. Ne vous inquiétez pas.
Eh ben, c'est pas dommage. Elle comprend vite, mais faut lui expliquer longtemps à la petite.
- Très bien, on fera le point lundi matin sur l'avancement du rapport. Ne traîne pas trop, la deadline c'est lundi soir.
Evidemment, il faudra tout refaire derrière elle, mais bon, elle aura dégrossi le travail et puis ça la formera.
Je ferme la porte du bureau derrière moi. Je prend une longue inspiration. C'est épuisant d'être une cheffe compétente.
Annotations
Versions